Vu, enregistrée au secrétariat du Tribunal des Conflits le 11 octobre 1988, la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, transmet au tribunal un rapport du procureur général près la Cour d'appel de Lyon dans la procédure opposant le syndic de la liquidation des biens de la société anonyme coopérative ouvrière de production et de distribution "SCOPD-MANUFRANCE" à l'Etat Français, ensemble le rapport par lequel le Procureur fait connaître que le Préfet de la Loire a décliné la compétence du Tribunal de Commerce le 29 septembre 1987 à l'occasion de l'instance engagée par ledit syndic ; Vu l'arrêté de conflit du préfet de la Loire en date du 29 juillet 1988, ensemble le jugement du Tribunal de Commerce de Saint-Etienne du 10 août 1988 décidant qu'il sera sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal des Conflits ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructifor an III ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 ;
Vu la loi du 4 février 1850 ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 ;
Vu la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 ;
Après avoir entendu :
Le rapport de M. Ducamin ; Les conclusions de Mme Flipo, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'action en comblement de passif engagée par un syndic, sur le fondement des dispositions de l'article 99 de la loi du 13 juillet 1967, contre l'Etat, pris en tant qu'il aurait été dirigeant social de fait, suppose une appréciation d'un comportement de la puissance publique qui s'est exercé hors d'un cadre juridique de droit privé ; que, si les dispositions de l'article 99 de ladite loi donnent compétence aux tribunaux judiciaires pour décider, lorsque le règlement judiciaire ou la liquidation de biens d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, que les dettes sociales seront, en totalité ou en partie, supportées par tous les dirigeants sociaux, y compris les dirigeants de fait, la question de savoir si l'Etat, en accordant une aide à une entreprise en difficulté, s'est comporté en fait comme un dirigeant de celle-ci n'est pas dissociable de l'appréciation que la juridiction, si elle se trouve saisie, est nécessairement conduite à porter, en vue de déterminer si la responsabilité de l'Etat est engagée, sur les interventions de l'autorité publique à l'occasion des concours que celle-ci a dispensés à l'entreprise ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article 99 de la loi du 13 juillet 1967 ne permettaient pas au tribunal de commerce de Saint-Etienne, saisi par le syndic de la liquidation de biens de la S.C.O.P.D. "Manufrance" d'une action tendant à voir diverses personnes, dont l'Etat, condamnées solidairement à indemniser la masse des créanciers, de se déclarer compétent pour connaître de cette action en tant qu'elle était dirigée contre l'Etat, lequel n'est pas recherché comme dirigeant de droit de ladite société ; que la responsabilité de l'Etat vis-à-vis desdits créanciers ne peut pas davantage, en l'espèce, trouver sa source dans un contrat ou un quasi-contrat, en l'absence de tout lien entre l'Etat et lesdits créanciers ; qu'il y a lieu, par suite, de confirmer l'arrêté de conflit, intervenu dans des conditions régulières au regard des exigences de l'ordonnance du 1er juin 1828 ;
Article 1er : L'arrêté de conflit du préfet de la Haute-Loire, en date du 29 juillet 1988 est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure eengagée par le syndic de la liquidation des biens de la S.C.O.P.D. "Manufrance" contre l'Etat devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne et le jugement dudit tribunal en date du 20 juillet 1988.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.