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27/04/1981 | FRANCE | N°02195

France | France, Tribunal des conflits, 27 avril 1981, 02195


Vu l'arrêté en date du 4 décembre 1980 par lequel le Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône, a élevé le conflit d'attribution dans l'instance pendante devant la Cour d'appel de Lyon entre la société "Les Fils de Jules X..." et l'administration des douanes et droits indirects ; Vu le déclinatoire de compétence présenté le 14 août 1980 par le Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône et tendant à ce que la Cour d'appel de Lyon se déclare incompétente pour connaître de la demande de remboursement de taxes parafiscales instituées sur certains produit

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Vu l'arrêté en date du 4 décembre 1980 par lequel le Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône, a élevé le conflit d'attribution dans l'instance pendante devant la Cour d'appel de Lyon entre la société "Les Fils de Jules X..." et l'administration des douanes et droits indirects ; Vu le déclinatoire de compétence présenté le 14 août 1980 par le Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône et tendant à ce que la Cour d'appel de Lyon se déclare incompétente pour connaître de la demande de remboursement de taxes parafiscales instituées sur certains produits pétroliers par les décrets n° 78-903 du 30 août 1978 et 78-1043 du 2 novembre 1978 acquittées par la société "Les Fils de Jules X..." auprès du receveur principal des douanes de Feyzin-Raffinerie ;
Par les motifs que si l'article 357 bis du Code des douanes donne compétence aux tribunaux de l'ordre judiciaire pour connaître de toutes les contestations concernant l'assiette et le recouvrement des droits de douane, une telle attribution de compétence ne s'étend pas à celles des activités de l'administration des douanes qui ne concernent pas la détermination des droits de douane et que ne peuvent être considérées comme "affaires de douane les taxes parafiscales dont s'agit, instituées en exécution de textes propres à cette catégorie de taxes et dont le produit est attribué, non au budget de l'Etat mais à l'agence pour les économies d'énergie" ;
Vu l'arrêt en date du 19 novembre 1980 par lequel la Cour d'appel de Lyon 1ère chambre civile B a rejeté le déclinatoire de compétence aux motifs qu'aux termes de l'article 6 du décret du 24 août 1961 les taxes parafiscales dont l'assiette est commune avec les impôts ou taxes perçus au profit de l'Etat ou de toute autre collectivité publique sont assises et recouvrées suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et les mêmes sanctions que lesdits impôts et taxes ; que l'assiette des taxes parafiscales litigieuses est commune avec l'assiette de la taxe intérieure de consommation sur certains produits pétroliers visée à l'article 265 du Code des douanes, qui figure au titre des taxes diverses perçues par la douane ; que la nature des produits, leur valeur, la quantité de produit servant de base à la taxation sont les mêmes ; que c'est par application de l'article 6 précité du décret du 24 août 1961 que les articles 4 des deux décrets instituant les taxes parafiscales dont s'agit ont confié au service des douanes le recouvrement de ces taxes "dans les conditions prévues à l'article 267 du Code des douanes" relatif à la taxe intérieure de consommation ; qu'il résulte de la combinaison des articles 267 et 357 bis du Code des douanes que le contentieux non répressif de la taxe intérieure de consommation et, par voie de conséquence, celui des taxes parafiscales en cause ressortit à la compétence du tribunal d'instance ;
Vu l'arrêt en date du 18 décembre 1980 par lequel cette même juridiction a, ensuite de l'arrêté de conflit précité du Préfet de la région Rhône-Alpes, sursis à toute procédure judiciaire dans l'instance jusqu'à décision du Tribunal des Conflits ; Vu, enregistrée au Tribunal des Conflits le 27 janvier 1981, la dépêche par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice transmet le rapport du procureur général près la Cour d'appel de Lyon communiquant le dossier de la procédure judiciaire ;
Vu, enregistrées le 16 février 1981 les observations présentées par le ministre du Budget et, enregistrées le 27 février 1981 les observations présentées pour le ministre du Budget, lesdites observations tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par ces motifs que le Tribunal des Conflits a jugé que l'attribution de compétence édictée par l'article 357 bis du Code des douanes ne s'étend pas à celles des activités du service qui ne concernent pas la détermination des droits de douane ; qu'une taxe parafiscale ne peut être assimilée à un droit de douane, constituant des perceptions opérées dans un intérêt économique au profit des personnes morales autres que l'Etat ; que la jurisprudence consacre le principe de la compétence de la juridiction administrative pour connaître du contentieux de l'assiette et du recouvrement des taxes parafiscales ; que l'article 6 du décret du 24 août 1961 n'a pas et n'aurait d'ailleurs pu instituer une dérogation aux règles de compétence juridictionnelle ; qu'en précisant que les taxes parafiscales qu'ils instituaient seraient recouvrées par l'administration des douanes dans les conditions prévues à l'article 267 du Code des douanes, les décrets des 30 août et 2 novembre 1978 n'ont pu, non plus, modifier les règles de compétence ;
Vu, enregistrées comme ci-dessus le 19 mars 1981, les observations présentées pour la société anonyme "Les Fils de Jules X..." et tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit et du renvoi des parties devant la Cour d'appel de Lyon par ces motifs que les taxes litigieuses ont une assiette commune avec la taxe intérieure de consommation établie par les articles 265 et suivants du Code des douanes et que leur contentieux relève par suite de la juridiction judiciaire en application de l'article 6 du décret du 24 août 1961 ; qu'il s'agit d'ailleurs de taxes assimilables à des droits de douane ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu l'ordonnance du 1er juin 1829 modifiée par les décrets du 5 décembre 1952 et du 25 juillet 1960 ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960 ; Vu la loi du 25 juillet 1953 et le décret du 24 août 1961 ; Vu le Code des douanes et notamment ses articles 265-1, 267 et 357 bis ;
Considérant que le litige qui oppose la société "Les Fils de Jules X..." à l'Administration des douanes et qui a fait l'objet de l'arrêté de conflit du Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône, en date du 18 décembre 1980, trouve son origine dans la demande de cette société tendant à la restitution de droits qu'elle estime illégalement établis au titre des taxes parafiscales créées sur certains produits pétroliers par les décrets des 30 août et 2 novembre 1978 au profit de l'agence pour les économies d'énergie ;
Considérant qu'en application de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 il n'appartient qu'au législateur de fixer les limites de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ; qu'il suit de là que c'est illégalement que l'article 11 du décret du 24 août 1961, relatif aux taxes parafiscales, a abrogé celles des dispositions de l'article 7 de la loi n° 53-633 du 25 juillet 1953 qui posent des règles de compétence juridictionnelle ;
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 7 de la loi du 25 juillet 1953, dont les dispositions ont été reprises par l'article 6 du décret du 24 août 1961 : "les taxes parafiscales ... dont l'assiette est commune avec des impôts ou taxes perçus au profit de l'Etat ou de toute autre collectivité publique sont assises et recouvrées suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et sous les mêmes sanctions que lesdits impôts et taxes" ; que ces dispositions ont pour effet de soumettre les litiges relatifs à ces taxes aux mêmes juridictions que celles compétentes pour se prononcer sur les impôts dont l'assiette est commune ;
Considérant qu'il résulte des décrets créant les taxes litigieuses que l'assiette de celles-ci, déterminée par référence à l'article 265-1 du Code des douanes, est la même que celle de la taxe intérieure de consommation instituée par cet article au profit de l'Etat, en ce qui concerne les produits pétroliers faisant l'objet des taxes parafiscales ; qu'en vertu de l'article 267 du même code les instances concernant la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, et, par voie de conséquence, les taxes parafiscales qui les frappent "sont instruites et jugées comme en matière de douane et par les tribunaux compétents en cette matière", c'est-à-dire, par application de l'article 357 bis du code dont s'agit, par les tribunaux d'instance ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour se prononcer sur le litige opposant la société "Les Fils de Jules X..." à l'administration des douanes ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'arrêté de conflit en date du 18 décembre 1980 du Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône ;
DECIDE : Article 1er - L'arrêté de conflit en date du 18 décembre 1980 du Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône est annulé. Article 2 - La présente décision sera notifiée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02195
Date de la décision : 27/04/1981
Sens de l'arrêt : Annulation totale arrêté de conflit
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : CONFLIT POSITIF

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - LOI ET REGLEMENT - ARTICLES 34 ET 37 DE LA CONSTITUTION - MESURES RELEVANT DU DOMAINE DE LA LOI - Fixation des limites de la compétence des juridictions administratives et judiciaires - Contentieux des taxes parafiscales - Illégalité de l'article 11 du décret du 24 août 1961 abrogeant l'article 7 de la loi du 25 juillet 1953 - Conséquences - Application des dispositions abrogées [RJ1].

01-02-01-02, 17-03-01-02-03-02 Demande d'une société tendant à la restitution de droits qu'elle estime illégalement établis au titre des taxes parafiscales créées sur certains produits pétroliers par les décrets des 30 août et 2 novembre 1978 au profit de l'agence pour les économies d'énergie.

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR DES TEXTES SPECIAUX - ATTRIBUTIONS LEGALES DE COMPETENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - COMPETENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES EN MATIERE FISCALE - EN MATIERE PARAFISCALE - Taxe parafiscale sur certains produits pétroliers [décrets des 30 août et 2 novembre 1978].

01-02-01-02 En application de l'article 34 de la Constitution, il n'appartient qu'au législateur de fixer les limites de la compétence des juridictions administratives et judiciaires. Par suite, l'article 11 du décret du 24 août 1961 n'a pu légalement abroger celles des dispositions de l'article 7 de la loi n. 53-633 du 25 juillet 1953 qui posent des règles de compétence juridictionnelle en matière de taxes parafiscales. Celles-ci demeurent donc applicables [RJ1].

17-03-01-02-03-02 Le 1er alinéa de l'article 7 de la loi du 25 juillet 1953, relatif aux taxes parafiscales dont l'assiette est commune avec des impôts et taxes perçus au profit de l'Etat ou de toute autre collectivité publique, a pour effet de soumettre les litiges relatifs à ces taxes aux mêmes juridictions que celles compétentes pour se prononcer sur les impôts dont l'assiette est commune. Il résulte des décrets créant les taxes litigieuses que l'assiette de celles-ci, déterminée par référence à l'article 265-1 du code des Douanes est la même que celle de la taxe intérieure de consommation instituée par cet article au profit de l'Etat, en ce qui concerne les produits pétroliers faisant l'objet des taxes parafiscales. Or, les instances concernant cette taxe intérieure sont instruites et jugées comme en matière de douane et par les tribunaux compétents en cette matière, c'est à dire, par application de l'article 357 bis, par les tribunaux judiciaires. Il en est de même, par voie de conséquence, des litiges concernant la taxe parafiscale en cause.


Références :

Arrêté préfectoral du 18 décembre 1980 Rhône-Alpes Arrêté de conflit Annulation
Code des douanes 265-1
Code des douanes 267
Code des douanes 357 bis
Constitution du 04 octobre 1958 art. 34
Décret du 24 août 1961 art. 6, art. 11
Décret 78-1043 du 02 novembre 1978 Decision attaquée Annulation
Décret 78-903 du 30 août 1978 Decision attaquée Annulation
LOI 53-633 du 25 juillet 1953 art. 7 al. 1

1. cf. T.C., Société Duvoir c/ S.N.C.F., 02-03-1970, p. 885 ;

T.C., Riehm c/ O.R.T.F.,07-12-1970, p. 895


Composition du Tribunal
Président : M. Jégu
Rapporteur ?: M. Barjot
Rapporteur public ?: M. Gulphe

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1981:02195
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