Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal le 8 janvier 1996, sous le n° 96.69 présentée par la société anonyme "Hôtelière Aquilon", dont le siège est ... ;
La société anonyme "Hôtelière Aquilon" demande au Tribunal d'annuler la décision en date du 26 juin 1995, reçue le 3 janvier 1996, par laquelle le préfet de Loire-Atlantique a fait opposition à l'engagement d'apprentis par M. Piaumier, Président directeur général de la société ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 88-361 du 15 avril 1988 relatif à la durée du travail dans les hôtels, cafés, restaurants ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 1999 :
- le rapport de Mme Weber-Seban, conseiller ;
- les observations de la société "Hôtelière Aquilon", requérante ;
- et les conclusions de M. Perret, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête ;
Considérant que la société requérante soutient qu'elle n'a eu connaissance de la décision d'opposition à l'emploi d'apprentis en date du 26 juin 1995, que le 3 janvier 1996 ; qu'il ressort, en effet des pièces du dossier, que la société "Hôtelière Aquilon", qui a reçu, le 13 décembre 1995, une décision de rejet d'une demande de contrat d'apprentissage pour un nouvel apprenti faisant référence à la décision d'opposition à engagement d'apprentis du 26 juin 1995, s'est inquiétée auprès de la direction départementale du travail et de l'emploi de l'existence de cette dernière décision ; que l'administration lui a adressé une seconde notification, reçue le 3 janvier 1996, de la décision du 26 juin 1995 alors que la première notification lui avait été adressée par lettre simple ; que, dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve que la décision attaquée ait été reçue par la société "Hôtelière Aquilon" avant le 3 janvier 1996 ; qu'il en résulte que la requête, enregistrée au greffe du tribunal le 8 janvier 1996 est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 117-5 du code du travail : "(...) le préfet du département peut, par décision motivée, s'opposer à l'engagement d'apprentis par une entreprise lorsqu'il est établi par les autorités chargées du contrôle de l'exécution du contrat d'apprentissage que l'employeur méconnaît les obligations mises à sa charge, soit par le présent titre, soit par les autres dispositions du présent code applicables aux jeunes travailleurs ou aux apprentis, soit contrat d'apprentissage" ; qu'aux termes de l'article R. 117-5-2 du même code : "Lorsqu'il est constaté, lors d'un contrôle de l'inspection de l'apprentissage (...) que l'employeur méconnaît les obligations mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 117-5, l'inspecteur (...) met l'employeur en demeure de régulariser la situation et de prendre les mesures ou d'assurer les garanties de nature à permettre une formation satisfaisante. La décision d'opposition du préfet intervient, s'il y a lieu dans le délai de 3 mois courant à compter de l'expiration du délai fixé par la mise en demeure (...)" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au préfet saisi par l'inspecteur du travail compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les manquements reprochés au maître d'apprentissage, lorsqu'ils sont établis, sont d'une gravité suffisante pour justifier une opposition à engagement d'apprentis ;
Considérant que la société "Hôtelière Aquilon", qui exploite un hôtel restaurant, emploie des apprentis en cuisine et en salle ; qu'à l'occasion de deux visites dans l'entreprise, réalisées les 10 et 17 mars 1995, la contrôleuse du travail a constaté qu'en méconnaissance des dispositions légales applicables, aucun document de contrôle des heures de travail réellement effectuées n'était tenu alors même que M. Piaumier, Président directeur général de la société, avait reconnu l'existence d'heures supplémentaires et la récupération de celles-ci ; qu'elle a donc, en application des articles L. 117-5 et R. 117-5-2 précités du code du travail et par mise en demeure du 20 mars 1995, demandé à la société de faire cesser les troubles relevés dans les conditions de travail des apprentis employés au sein de l'entreprise, avant le 5 avril 1995 ; qu'à la suite d'une nouvelle visite, le 23 mai 1995, la contrôleuse du travail a considéré que la situation litigieuse perdurait et a mis en oeuvre la procédure d'opposition à l'engagement d'apprentis, qui a abouti à la décision en date du 26 juin 1995 par laquelle le préfet de Loire-Atlantique s'est opposé à l'engagement d'apprentis par M. Piaumier ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 88-361 du 15 avril 1988 : "Dans chaque établissement ou partie d'établissement, le personnel dont les heures supplémentaires sont compensées en tout ou partie sous la forme du repos compensateur visé par l'article L. 212-5 du code du travail, est occupé sur la base d'un horaire nominatif et individuel dont un exemplaire est remis au salarié. Les chefs d'établissement enregistrent sur un registre ou tout autre document l'horaire nominatif et individuel de chaque salarié ainsi que les périodes de travail qu'il a réellement effectuées pour chacun des jours où il n'est pas fait une stricte application de celui-ci (...)" ;
Considérant qu'il est constant que M. Piaumier a reconnu que ses apprentis effectuent des heures supplémentaires récupérées sous forme de repos compensateur ; que par suite, en application des dispositions précitées, il était tenu d'établir un document retraçant l'horaire nominatif et individuel de chaque salarié et les périodes réellement travaillées, alors même que ces salariés sont soumis, en dehors des heures supplémentaires, à un horaire collectif ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Piaumier a fourni à la contrôleuse du travail, les horaires collectifs hebdomadaires en salle et en cuisine qui mentionnent pour chaque catégorie d'employés, et notamment les apprentis, les horaires de travail ; que M. Piaumier a également fourni, lors des contrôles effectués dans son établissement, des "plannings" hebdomadaires établis pour les salariés employés en salle et en cuisine ; que ces documents, qui sont produits par la société dans la présente instance, sont présentés sous la forme d'un tableau retraçant pour chaque jour de la semaine et pour chacun des salariés, et donc pour chaque apprenti, les demi-journées de travail effectives de présence ; que si par la tenue de l'ensemble de ces documents M. Piaumier ne peut être regardé comme respectant à la lettre les dispositions précitées du décret du 15 avril 1988, dès lors que les dépassements d'horaire ne sont enregistrés qu'en fin de semaine, les manquements constatés ne sauraient justifier, à eux seuls, et dans les circonstances très particulières de l'espèce, une décision d'opposition à engagement d'apprentis pour méconnaissance de dispositions légales, au demeurant non intégrées dans le code du travail ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société "Hôtelière Aquilon" est fondée à demander l'annulation de la décision en date du 26 juin 1995 par laquelle le préfet de Loire-Atlantique s'est opposé à l'engagement d'apprentis par M. Piaumier ;
Article 1 : La décision du préfet de Loire-Atlantique en date du 26 juin 1995 est annulée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société anonyme "Hôtelière Aquilon", au préfet de Loire-Atlantique et à la ministre de l'emploi et de la solidarité.