Vu la requête enregistrée le 28 septembre 1992 et présentée par la S.C.P. d'avocats CORNET, VINCENT, BOUCHET, DOUCET, Y..., MARTIN à Nantes, par laquelle la SCEA Château de la Forchetière, ayant son siège à La Forchetière - 44650 CORCOUE-SUR-LOGNE demande au tribunal :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 27 janvier 1992 par laquelle l'Institut national des appellations d'origine a sursis à statuer sur la demande d'agrément qu'elle a présentée pour un lot de 21,50 hectolitres de vins en appellation d'origine contrôlée Muscadet-sur-Lie ;
2°) de condamner l'Institut national des appellations d'origine à lui payer 5.000 F sur Le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Le tribunal a examiné la requête, la décision attaquée ainsi que les mémoires et les pièces produits par les parties ;
Il a entendu à l'audience publique :
- le rapport de Mme JACQUIER, conseiller,
- Les observations de Me RICHEZ substituant Me PITTARD, avocat de la SCEA Château de La Forchetière et de Me PARMENTIER, avocat de l'Institut national des appellations d'origine ;
- et Les conclusions de M. THOMAS, commissaire du gouvernement ;
Vu le code du vin, le règlement CEE n° 822-87 du Conseil des communautés européennes du 16 mars 1987 portant organisation commune du marché viti-vinicole, le règlement CEE n° 823-87 du Conseil des communautés européennes établissant des dispositions particulières relatives aux vins de qualité produits dans des régions déterminées, la loi n° 73-1097 du 12 décembre 1973 relative aux appellations d'origine en matière viticole, le décret n° 53-977 du 30 septembre 1953 relatif à l'organisation et l'assainissement du marché du vin et à l'orientation de la production viticole modifié, le décret n° 74-871 du 19 octobre 1974 relatif aux examens analytique et organoleptique des vins à appellation d'origine contrôlée, de l'arrêté du ministre de l'agriculture du 20 novembre 1974 et le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du décret du 13 octobre 1974 et de l'arrêté du 20 novembre 1974 que le certificat d'agrément nécessaire à la mise en circulation d'un vin pour lequel est revendiquée une appellation d'origine contrôlée est délivré de plein droit pour le vin ayant satisfait aux examens analytique et organoleptique ;
Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'autorité compétente, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; qu'ainsi l'administration qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire peut, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, ne pas tenir compte dans l'exercice desdites compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un procès-verbal du directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique du 7 novembre 1991 que la SCEA La Forchetière a contracté des baux à comptant fictifs en vue d'échapper à la réglementation communautaire et française relative aux droits de replantation de vignes et de bénéficier de la possibilité ouverte par l'article 35-2 du décret du 30 septembre 1953 aux termes duquel "les droits de replantation de vigne peuvent être transférés, en fin de bail rural, du preneur au propriétaire de l'exploitation sur le fonds de laquelle ils ont été exercés si le preneur n'a pas procédé à l'arrachage de la vigne avant la restitution du fonds" ; que la fraude était suffisamment établie pour que l'Institut national des appellations d'origine puisse, sans commettre d'erreur de droit ni de fait, refuser pour ce motif à la SCEA Château de la Forchetière la délivrance du certificat d'agrément, sans même procéder aux examens analytique et organoleptique prévus par les dispositions précitées du décret du 13 octobre 1974 et de l'arrêté du 20 novembre 1974 ; que si l'Institut national des appellations d'origine a fondé sa décision sur une décision de principe adoptée par le comité national de l'Institut national des appellations d'origine lors de ses séances des 30 et 31 mai 1991, laquelle est dénuée de base légale, l'administration était néanmoins tenue de rejeter la demande de certificat d'agrément présentée par la société en raison de la fraude commise par celle-ci ; qu'il s'ensuit que tous les moyens invoqués sont inopérants et que la requête doit être rejetée ;
Article 1 : La requête présentée par la SCEA La Forchetière est rejetée.
ArticLe 2 : Les conclusions de l'Institut national des appellations d'origine tendant à la condamnation de la SCEA La Forchetière sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SCEA Château de la Forchetière, à l'Institut national des appellations d'origine et à Me X..., administrateur judiciaire.