Vu, enregistrée le 3 novembre 1992 la requête du préfet de Maine-et-Loire par laquelle il demande au tribunal d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération en date du 19 octobre 1992 par laquelle le conseil municipal d'Avrillé a décidé d'organiser, pour le 15 novembre 1992, un référendum local d'initiative municipale ;
Le tribunal a entendu à l'audience publique :
- le rapport de Mme Jacquier, conseiller,
- les observations de Me Y..., représentant d'Avrillé ;
- et les conclusions de Mme Marillard, commissaire du gouvernement ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, le code de l'urbanisme, le code des communes, la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République et le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur le non-lieu :
Considérant que la circonstance que la délibération du 19 octobre 1992 a été entièrement exécutée ne rend pas sans objet le recours en annulation dirigé contre cette décision ; que la commune d'Avrillé n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'il n'y aurait plus lieu de statuer sur le déféré préfectoral ;
Sur la recevabilité du déféré :
Considérant que la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République, ajoute au code des communes un nouveau chapitre intitulé "Participation des habitants à la vie locale" ; que les nouvelles dispositions des articles L. 125-1 et suivants de ce code définissent les conditions et la procédure de la consultation ; qu'en particulier, l'article L. 125-2 prévoit que le conseil municipal délibère sur le principe et les modalités d'organisation de la consultation ; que la circonstance, prévue par la loi, que la "consultation n'est qu'une demande d'avis" et qu' "après avoir pris connaissance du résultat de la consultation, le conseil municipal délibère ...", n'est pas de nature à enlever à la délibération du conseil municipal organisant la consultation son caractère de décision susceptible d'être déférée au tribunal administratif par le représentant de l'Etat ; que, par suite, les fins de non recevoir présentées, à titre principal ou subsidiaire, par la commune d'Avrillé et tirées de ce que la délibération attaquée aurait le caractère d'un acte préparatoire insusceptible de faire l'objet d'un recours, doivent être écartées ;
Au fond :
Considérant que le conseil municipal d'Avrillé (Maine-et-Loire) a, par la délibération attaquée, en date du 19 octobre 1992, décidé la consultation des électeurs de la commune par voie de référendum le dimanche 15 novembre 1992 sur la question : "Considérez-vous que la politique d'urbanisme, d'environnement et de qualité de la vie, conduite par les municipalités successives, est compatible avec le passage d'une autoroute urbaine sur le territoire d'Avrillé, au sud comme au nord ?" ;
Considérant, qu'aux termes de l'article 10 de la loi d'orientation n° 92-125 relative à l'administration territoriale de la République : "le droit des habitants de la commune ... à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale" ; qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des communes, issu de l'article 21 de ce texte : "Les électeurs de la commune peuvent être consultés sur les décisions que les autorités municipales sont appelées à prendre pour régler les affaires de la compétence de la commune" ;
Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires de cette loi et notamment des débats de la séance du Sénat du 13 juin 1991, publiés au Journal officiel p. 1629, que l'amendement n° 473 proposé par Mme X... et tendant à ce que la rédaction de l'article 2 de la loi soit modifiée afin que la consultation puisse porter sur des affaires ne relevant pas de la compétence de la commune, telles que, par exemple, la traversée de leur territoire par une autoroute ou par le T.G.V. a été repoussé ; que l'exécutif s'est opposé à l'adoption de cet amendement au motif qu'"il ne saurait être question pour le Gouvernement de créer une confusion dans l'esprit du public, entre les affaires qui relèvent de la compétence de la commune, pour lesquelles le conseil municipal a un pouvoir de décision, et les affaires qui sont du ressort d'autres collectivités territoriales ou de l'Etat" (J.O. p. 1631) ; que cet amendement a été à nouveau repoussé lors de la séance du Sénat du 23 janvier 1992 (J.O. p. 417) ; qu'ainsi, la construction d'une autoroute sur le territoire d'une commune n'a pas le caractère d'une affaire relevant de la compétence de la commune, au sens des dispositions de la loi précitée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la délibération attaquée, que la question posée aux électeurs d'Avrillé est rédigée de telle sorte qu'elle invitait les électeurs, implicitement mais nécessairement, à se prononcer sur la construction de l'autoroute pour laquelle l'Etat avait proposé deux tracés traversant la commune au sud ou au nord, bien davantage que sur une décision que les autorités municipales seraient amenées à prendre pour régler les affaires de la commune, décision au demeurant non précisée ; que l'interprétation de la question par le tribunal ne peut être différente de celle des électeurs ; que, dans ces conditions, la question posée ne peut être regardée, en dépit de sa rédaction, comme relevant de la compétence de la commune ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du déféré, le préfet est fondé à demander l'annulation de la délibération du conseil municipal d'Avrillé en date du 19 octobre 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les conclusions présentées à ce titre par la commune d'Avrillé doivent être rejetées ;
Article 1er : La délibération, en date du 19 octobre 1992, par laquelle le conseil municipal d'Avrillé a décidé d'organiser un référendum d'initiative locale, est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Avrillé sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au préfet de Maine-et-Loire et à la commune d'Avrillé.