LE LITIGE
1°) La société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, dont le siège social est ..., représentée par ses représentants légaux, a saisi le tribunal administratif d'une requête présentée par Me BORDET, avocat au barreau de LYON, enregistrée au greffe le 16 décembre 1999, sous le n° 9905274 ;
La société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE demande au tribunal :
- de réduire à 100.000 F le montant des frais et honoraires attribués à M. X... par l'ordonnance en date du 29 octobre 1999 par laquelle le président du tribunal administratif de LYON a fixé le montant et la charge des frais de l'expertise ordonnée le 4 août 1997 concernant la station d'épuration du JOURNANS,
- de mettre ces frais et honoraires à la charge exclusive du SYNDICAT à VOCATION MULTIPLE (SIVOM) du JOURNANS ;
Par un mémoire enregistré le 15 mars 2000, M. X... conclut au rejet de la requête, à ce que chaque vacation soit payée 500 F, et au paiement des intérêts sur ses honoraires ;
2°) Le SYNDICAT à VOCATION MULTIPLE (SIVOM) du JOURNANS, dont le siège social est en mairie de GEX, 01170 GEX, représenté par son président en exercice, a saisi le tribunal administratif d'une requête présentée par Me PETIT, avocat au barreau de LYON, enregistrée au greffe le 17 décembre 1999, sous le n° 9905295 ;
LE SIVOM du JOURNANS demande au tribunal de réformer l'ordonnance en date du 29 octobre 1999, par laquelle le président du tribunal administratif de LYON a fixé le montant et la charge des frais de l'expertise ordonnée le 4 août 1997 concernant la station d'épuration du JOURNANS, en ce que le montant est excessif et en ce qu'elle met à sa charge la moitié des honoraires ;
Par des mémoires enregistrés les 7 janvier 2000 et 15 mars 2000, M. X... conclut au rejet de la requête, et demande les intérêts sur ses honoraires et débours ;
3°) M. Jean-Marie X..., demeurant ..., a saisi le tribunal administratif d'une requête, enregistrée au greffe le 20 décembre 1999, sous le n° 9905745 ;
Les parties ont été régulièrement averties de l'audience publique qui eu lieu le 22 mars 2000 ; à cette audience, le tribunal a entendu :
- le rapport de M. Lanz, président,
- les observations de Me LACROIX, substituant Me PETIT, avocat du SIVOM du JOURNANS, de Me FIALAIRE, substituant Me BORDET, avocat de la société l'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, et de Me X...,
- les conclusions de M. ARBARETAZ, commissaire du gouvernement ;
Après avoir examiné les requêtes, ainsi que les mémoires et les pièces produits par les parties avant la clôture de l'instruction, et vu :
- l'ordonnance n° 9702816 du 4 août 1997, le rapport d'expertise déposé le 22 avril 1998,
- l'ordonnance du président du tribunal administratif, en date du 29 octobre 1999,
- le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986,
- les articles 1089 B et 1090 A du code général des impôts et l'article 10 de la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977, complétés par l'article 44 de la loi de finances pour 1994,
Considérant que les requêtes susvisées n° 9905274, 9905295, 9905745 portent sur la contestation de la même décision de taxation des frais et honoraires de l'expertise instituée le 4 août 1997 par le président du tribunal administratif de LYON, en vue d'examiner les désordres affectant la station d'épuration du JOURNANS ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le montant des honoraires ;
Considérant que le SYNDICAT à VOCATION MULTIPLE (SIVOM) du JOURNANS, demandeur de l'expertise en référé, et la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, qui était chargée de la conception et de la réalisation en tant qu'entreprise générale puis, pendant 3 ans, de l'exploitation de la station d'épuration du JOURNANS, à PREVESSIN-MOENS, réceptionnée en 1987, soutiennent que les frais et honoraires attribués à M. X... pour 291.464,44 F toutes taxes comprises sont excessifs ; que celui-ci demande que cette somme soit portée à 344.438 F, montant de sa demande présentée le 6 mai 1999 ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 168 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les experts ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. Ils joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours. Dans les honoraires, sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, pour tout travail personnellement fourni par l'expert et pour toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. Le président de la juridiction, après avoir consulté le président de la formation de jugement, fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 220, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert" ;
Considérant que les allégations formulées par le SIVOM du JOURNANS et la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE concernant le déroulement de la procédure d'expertise et de prétendus manquements à son caractère contradictoire sont en elles-mêmes inopérantes en ce qui concerne le montant des frais d'expertise, seul en litige dans la présente instance ; qu'au surplus, l'expert n'est pas tenu de convoquer les parties à chacune des séances de l'expertise et peut se rendre isolément sur le site et dans tel lieu qu'il juge utile pour remplir sa mission, dès lors que le résultat final de ses investigations est soumis aux parties avant la remise du rapport définitif ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent le SIVOM du JOURNANS et la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, le rapport final de M. X... est exploitable et utile pour la solution du litige au fond ; que, dès lors, les éventuelles critiques sur le contenu du rapport ne sont pas recevables dans la présente instance ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux réalisés par M. X... n'ont pas dépassé les limites de la mission qui lui avait été assignée par l'ordonnance du 4 août 1997 ; qu'en particulier, le rapport final distingue les sommes qui ont été dépensées pour pouvoir mener à bien les opérations d'expertise et les sommes nécessaires pour remettre l'ouvrage en état de fonctionnement, sans lui apporter d'amélioration ; qu'en outre, et contrairement à ce qu'allèguent les avocats de la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE et du SIVOM du JOURNANS, l'expert ne s'est pas comporté comme un maître d'oeuvre et n'a pas fourni une assistance au seul maître d'ouvrage ;
Considérant qu'eu égard, d'une part, au caractère très particulier des difficultés techniques de la mission d'expertise, et notamment aux dangers que comportaient les opérations d'investigation, et d'autre part, au délai pris par le syndicat demandeur pour financer certains travaux nécessaires à la découverte de l'origine des désordres, ainsi qu'aux diverses manoeuvres d'obstruction menées par les parties, la durée totale de la mission d'expertise n'a pas été excessive ;
En ce qui concerne les frais et débours :
Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que M. X... s'est rendu 18 fois sur le site de PREVESSIN-MOENS ; que s'il était libre, à l'occasion de ces trajets, de se rendre dans d'autres lieux en vue de ses investigations, il y a lieu, eu égard à la distance qui sépare LYON de PREVESSIN-MOENS, de ramener à 380 kms les 15 trajets comptés pour 420 kms et de rectifier une erreur d'addition ressortant de la grille d'emploi du temps ; qu'ainsi, le total des kilomètres remboursables s'établit à 7040 kms, soit 15.488 F ; qu'il a lieu de corriger également une erreur d'addition des dépenses de péage qui s'établissent 1765 F ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant des frais et débours doit être fixé à 44.740 F hors taxes et 53.956,44 F toutes taxes comprises ;
En ce qui concerne les honoraires :
Considérant que l'ordonnance litigieuse du président du tribunal administratif de LYON a notamment attribué à M. X... 167 vacations pour la visite des lieux, 49,5 vacations pour le temps consacré au transport, compté pour moitié, et 152 vacations pour les études et recherches, conformément à ce qu'il demandait ; qu'il sera fait une exacte appréciation du temps passé pour les 18 visites des lieux en les ramenant à 144 heures ; que le temps de transport, compte tenu de ce qui est dit ci-dessus, doit être fixé à 92 heures, comptées comme 46 vacations;
Considérant qu'en limitant à 60 vacations, au lieu de 105 demandées, le temps nécessaire à la rédaction du rapport et des nombreux courriers adressés par l'expert, le président du tribunal administratif a fait une exacte appréciation de l'importance et de l'utilité du travail fourni ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que les 152 vacations nécessaires pour les études et recherches soient excessives, eu égard à la difficulté des problèmes successivement rencontrés ;
Considérant, toutefois, qu'en fixant à 450 F hors taxes le montant de la vacation, le président du tribunal administratif a insuffisamment tenu compte de la difficulté des opérations et de la nature du travail fourni ; qu'il y a lieu, par suite, de calculer le montant des frais et honoraires sur la base de 500 F hors taxes par vacation, soit un total d'honoraires de 201.000 F hors taxes et 242.406 F toutes taxes comprises ; qu'il suit de là que le montant total des honoraires et frais doit être porté à 296.362,44 F, dont 50.622,44 F de taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que M. X... a demandé que ses honoraires portent intérêts ; qu'il a droit à ce que la somme de 296.362,44 F porte intérêts à compter du 6 mai 1999, sous déduction de l'allocation provisionnelle de 50.000 F ordonnée le 18 septembre 1998 ;
Sur l'imputation des frais d'expertise :
Considérant qu'en application de l'article R. 169-1, inséré dans le code des tribunaux administratifs par le décret du 29 mai 1997, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 1997, le président de la juridiction, lorsqu'il fixe les frais et honoraires dus à l'expert désigné dans le cadre d'une demande de référé, peut désigner la ou les parties qui supporteront la charge de ces frais et honoraires ; que, dans le cas où les frais d'expertise sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance du président ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance ;
Considérant qu'il suit de là que l'ordonnance litigieuse, intervenue postérieurement au 1er septembre 1997, a pu légalement décider que la moitié des frais serait supportée par la société L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, dont la responsabilité d'une grande partie du dommage ressort du rapport d'expertise, alors même que l'ordonnance du 4 août 1997 prévoyait que le SIVOM du JOURNANS ferait l'avance des frais et honoraires, conformément aux dispositions alors en vigueur ;
Considérant, enfin, qu'eu égard à l'imputation possible des désordres à diverses parties, il n'est pas inéquitable de faire supporter la charge provisoire de la moitié des frais d'expertise au SIVOM du JOURNANS, demandeur à l'expertise ;
Article 1er : Le montant des frais et honoraires attribués à M. X... est fixé à 296.362,44 F (deux cent quatre-vingt seize mille trois cent soixante deux francs et quarante quatre centimes), dont 50.622,44 F (cinquante mille six cent vingt deux francs et quarante quatre centimes) de taxe sur la valeur ajoutée.
Article 2 : L'ordonnance du président du tribunal administratif de LYON en date du 29 octobre 1999 est réformée, conformément à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : La somme mentionnée à l'article 1er portera intérêts à compter du 6 mai 1999, sous déduction de l'allocation provisionnelle déjà versée.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes susvisées est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié conformément aux dispositions de l'article R. 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.