Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 1997, sous le n° 97-4291, présentée pour M. Mohamed Y..., demeurant ..., par Maître X..., avocat ; M. Mohamed Y... demande que le Tribunal annule la décision en date du 23 octobre 1997, par laquelle le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord, a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour provisoire en tant que demandeur d'asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention du 15 juin 1990 relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres des communautés européennes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 1998 à laquelle siégeaient Mme Fraysse, président, M. Van Herzèle, premier conseiller et M. Pellissier, conseiller :
- le rapport de M. Pellissier, conseiller,
- et les conclusions de M. Célérier, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'à l'appui de sa requête, M. Mohamed Y... soutient notamment que la décision attaquée, qui rejette sa demande d'admission au séjour en tant que demandeur d'asile au motif que l'Etat espagnol a accepté de prendre en charge cette demande, porte atteinte à son droit de mener une vie familiale normale, dès lors qu'il n'a aucune attache familiale en Espagne, contrairement à la France où vivent son père et sa soeur ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3, alinéa 4, de la convention du 15 juin 1990 susvisée : "Chaque Etat membre a le droit d'examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un étranger, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères définis par la présente convention, à condition que le demandeur d'asile y consente" ; qu'en vertu de l'article 53-1 alinéa 2 de la Constitution, l'asile peut être accordé par les autorités de la République à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France alors même que sa demande d'asile n'entre pas dans la compétence de ces autorités ; qu'enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance"; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que lorsque l'Etat français est saisi d'une demande d'asile dont le traitement incombe, en application des stipulations de la convention du 15 juin 1990, à un autre Etat membre, il est tenu de la traiter lorsque la prise en charge de l'étranger demandeur par un autre Etat membre porterait au droit de celui-ci de mener une vie familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Mohamed Y... est dépourvu de toute attache familiale en Espagne, pays dont il ne parle pas la langue ; que son père et sa soeur résident en France ; que la circonstance que l'essentiel de ses attaches familiales ne se trouve pas en France, mais dans son pays d'origine, ne saurait lui être opposée dans la mesure où il ne peut y retourner avant qu'il soit statué sur sa demande d'asile politique ; que, dès lors, le refus de traiter sa demande opposé par l'administration française a porté au droit de M. Mohamed Y... de mener une vie familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise ; que, par suite, M. Mohamed Y... est fondé à demander au tribunal l'annulation de la décision du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord, en date du 23 octobre 1997 rejetant sa demande de séjour en tant que demandeur d'asile ;
Article 1er : La décision du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord, en date du 23 octobre 1997 est annulée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. Mohamed Y... et au ministre de l'intérieur.