Vu, 1°) enregistrée au greffe du tribunal le 12 juillet 1995 sous le n° 952630, la requête présentée pour M. Jean B... et autres, tendant à ce que le tribunal condamne l'Etat à leur verser : une somme d'un montant total de 804.910 francs pour réparer le préjudice né du retard mis par le préfet de l'Isère à faire exécuter par le Syndicat intercommunal des communes d'Oz-en-Oisans et de Villard-Reculas l'arrêt en date du 18 juin 1990 de la cour d'appel de Grenoble, une somme de 10.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu, 2°) enregistrée au greffe du tribunal le 10 juin 1996 sous le n° 962137, la requête présentée pour M. Jean B... et autres, tendant à ce que le juge des référés condamne l'Etat à leur verser : des provisions d'un montant total de 1.845.091,10 francs pour réparer le préjudice né du retard mis par le préfet de l'Isère à faire exécuter par le Syndicat intercommunal des communes, d'Oz-en-Oisans et de Villard-Reculas l'arrêt en date du 18 juin 1990 de la Cour d'appel de Grenoble, une somme de 10.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;
Vu le décret n° 81-501 du 12 mai 1981 ;
Vu le code civil ;
Après avoir entendu à l'audience publique :
M. GIVORD Conseiller, en son rapport ;
Me C..., substituant Me Z..., représentant l'ensemble des requérants, en ses observations ;
M. CAU, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées n° 952630 et n° 962137 présentées pour les requérants susvisés ont le même objet et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;
Sur la recevabilité de la requête n° 952630 :
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 4 de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux ..." ; et qu'aux termes de l'article R. 104 du même code : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ; qu'en premier lieu, le préfet de l'Isère n'établit pas la date de la notification de la décision du 15 avril 1994 par laquelle il a rejeté la demande d'indemnisation présentée par les requérants ; qu'en deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette notification mentionnait les délais et voies de recours ; que, par suite, le préfet n'est pas fondé à soutenir que la requête susvisée serait tardive et, dès lors irrecevable ;
Sur les conclusions présentées par Mlle Marcelle G... et Mme Suzanne H... :
Considérant que Mme G... et Mme H... n'ont pas saisi le préfet de l'Isère d'une demande tendant à l'exécution de l'arrêt en date du 18 juin 1990 par lequel la Cour d'appel de Grenoble a condamné le syndicat intercommunal des communes d'Oz-en-Oizans et de Villard-Reculas à les indemniser du préjudice résultant d'une emprise irrégulière ; que, par suite, elles ne sont pas fondées à soutenir que le préfet de l'Isère aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers elles en ne faisant pas usage des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi susvisée du 16 juillet 1980 ;
Sur les conclusions présentées par les autres requérants :
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article 1er de la loi susvisée du 16 juillet 1980 : "Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme d'argent doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. En cas d'insuffisance de crédits, l'autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l'établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement n'a pas dégagé ou créé ces ressources, l'autorité de tutelle y pourvoit et procède, s'il y a lieu, au mandatement d'office" ; qu'il résulte de l'instruction que par un arrêt devenu définitif en date du 18 juin 1990, la Cour d'appel de Grenoble a condamné le Syndicat intercommunal des communes d'Oz-en-Oisans et de Villard Reculas à indemniser les propriétaires riverains des dommages résultant de la construction d'une route forestière ; que le syndicat n'a pas payé les indemnités dans le délai prévu par les dispositions précitées ; que, par une lettre en date du 21 avril 1992, le conseil des requérants a demandé au préfet de l'Isère de procéder au mandatement d'office des sommes impayées en application des dispositions précitées ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 3-1 du décret susvisé du 12 mai 1981 : "Le créancier d'une collectivité locale ou d'un établissement public qui n'aurait pas reçu la lettre prévue au second alinéa de l'article 1er-1 ou au premier alinéa de l'article 1er-2 dans un délai de quatre mois à compter de la notification qui lui a été faite de la décision de justice peut saisir le représentant de l'Etat ou l'autorité chargée de la tutelle d'une demande de paiement de la somme due, sur présentation d'une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire. Le représentant de l'Etat ou l'autorité chargée de la tutelle dispose, à compter de cette saisine, d'un délai d'un mois pour vérifier l'existence, au budget de la collectivité locale ou de l'établissement public, de crédits suffisants et procéder au mandatement d'office prévu au premier alinéa du II de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 susvisée, ou, le cas échéant, pour effectuer la mise en demeure prévue au second alinéa du II dudit article. La collectivité locale ou l'établissement public dispose, pour se conformer à cette mise en demeure, d'un délai d'un mois qui doit être mentionné dans l'acte qui la notifie. Ce délai est porté à deux mois lorsque la dette est égale ou supérieure à 5 % du montant de la section de fonctionnement du budget de la collectivité locale ou d'un établissement public local. Lorsque la mise en demeure est restée sans effet à l'expiration de ces délais, le représentant de l'Etat ou l'autorité chargée de la tutelle procède à l'inscription de la dépense au budget de la collectivité ou de l'établissement public défaillant. Il dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires soit en réduisant des crédits affectés à d'autres dépenses et encore libres d'emploi, soit en augmentant les ressources. Si, dans le délai de huit jours après la notification de l'inscription du crédit, la collectivité locale ou l'établissement public n'a pas procédé au mandatement de la somme due, le représentant de l'Etat ou l'autorité chargée de la tutelle y procède d'office dans le délai d'un mois. ; que le préfet, saisi le 21 avril 1992 de l'inexécution de la décision de justice, a attendu le 25 octobre 1993 pour inscrire d'office au budget du syndicat les sommes nécessaires à l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 18 juin 1990 ; qu'il n'a pris aucune mesure pour assurer l'exécution de décision ; que ce n'est que postérieurement à l'introduction de la présente instance qu'il a à nouveau, le 20 septembre 1995, mis en demeure le syndicat de créer les recettes nécessaires à l'exécution de la décision de justice ; qu'ainsi, les manquements du préfet de l'Isère aux obligations qui qui lui sont imposées par les dispositions précitées de la loi du 16 juillet 1980 et du décret du 12 mai 1981, et le retard mis à remplir lesdites obligations afin de faire exécuter par le syndicat intercommunal des communes d'Oz-en-Oisans et de Villard-Reculas l'arrêt, en date du 18 juin 1990, de la Cour d'appel de Grenoble constituent une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, les requérants susmentionnés sont fondés à demander l'annulation de la décision en date du 15 avril 1994 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de les indemniser ;
Sur le préjudice :
Considérant que le dommage causé par la carence du représentant de l'Etat à mettre en oeuvre dans les délais prévus par l'article 3-I du décret du 12 mai 1981 la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 est distinct des préjudices que le syndicat intercommunal a été condamné à réparer par la décision de justice passée en force de chose jugée ;
Considérant toutefois que le retard mis à l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble résulte tant que la faute qu'a commise le syndicat intercommunal des communes d'Oz-en-Oisans et de Villard-Reculas en méconnaissant l'autorité de la chose jugée que de la carence du préfet de l'Isère dans la mise en oeuvre de la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 ; que, par suite, les requérants sont fondés à demander à l'Etat la réparation du préjudice né du retard dans le paiement de l'indemnité fixée par le juge judiciaire, à compter de la date à laquelle le préfet de l'Isère devait mandater en lieu et place de l'autorité locale défaillante les sommes dont le syndicat intercommunal était débiteur, soit compte tenu des délais fixés par les dispositions précitées de l'article 3-I du décret du 12 mai 1981 et de la date à laquelle le préfet a été saisi, le 1er septembre 1992 ;
Considérant que le montant de ce préjudice doit être fixé à la valeur des intérêts moratoires dus sur les sommes que le syndicat intercommunal a été condamné à payer ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1975 : "En cas de condamnation, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision" ; que l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble a été signifié le 9 juillet 1990 ; que, dès lors, l'indemnité due aux requérants doit être évaluée en retenant le taux de l'intérêt légal majoré de cinq points ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de l'Isère a satisfait à ce jour aux obligations que lui imposent les dispositions précitées de la loi du 16 juillet 1980 ; que, par suite, le préjudice subi par les requérants devra être réparé jusqu'à la date du présent jugement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. B..., M. Aimé E..., Mme X... en qualité d'ayant droit de M. F..., M. D..., Mme Laure E..., M. A..., M. Y... une indemnité égale au montant des intérêts calculés comme il a été dit ci-dessus sur les sommes de 317.128 francs, 66.093 francs, 22.589 francs, 31.111 francs, 42.963 francs, 131.662 francs, 4.320 francs, 21.602 francs que leur a respectivement allouées la Cour d'appel de Grenoble dans son arrêt du 18 juin 1990 ; que l'Etat devra verser à M. Roger G... une somme établie selon les règles susmentionnées, à charge pour celui-ci de justifier auprès du préfet de l'Isère du montant des droits qu'il détient par voie successorale sur la somme de 224.660 francs allouée à M. Camille G... par la Cour d'appel de Grenoble ;
Considérant qu'il y a lieu de subroger l'Etat jusqu'à concurrence du montant des condamnations fixées par la présent jugement aux droits résultants pour les requérants des condamnations prononcées contre le syndicat intercommunal d'Oz-en-Oisans et de Villard-Reculas par la Cour d'appel de Grenoble ;
Sur la demande de provision :
Considérant que par le présent jugement, le tribunal de céans a statué sur les indemnités dues aux requérants ; que, dès lors, les conclusions de la requête n° 962137 tendant à l'allocation d'une provision n'ont plus d'objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 962137 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. B..., M. Aimé E..., Mme X..., M. D..., Mme Laure E..., M. A..., M. Y... une somme de 500 francs au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. Jean B..., M. Aimé E..., Mme Suzanne H..., Mme Yvette X... ayant droit de M. Laurent F..., M. Augustin D..., Mme Laure E..., M. A..., M. Lucien Y... une indemnité égale au montant des intérêts arrêtés conformément aux motifs du présent jugement.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Roger G... une indemnité égale au montant des intérêts arrêtés conformément aux motifs du présent jugement sur la part qui lui revient de la somme de 224.660 francs allouée à M. Camille G... par l'arrêt en date du 18 juin 1990 de la Cour d'appel de Grenoble.
Article 3 : L'Etat est subrogé jusqu'à concurrence des sommes arrêtées aux articles 1 et 2 du présent jugement aux droits résultant pour M. B..., M. E..., Mme H..., Mme X..., M. D..., Mme E..., M. A..., M. Y... et M. G... des condamnations prononcées contre le syndicat intercommunal d'Oz-en-Oisans et de Villard-Reculas par l'autorité judiciaire.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à chacun des requérants ci-après dénommés M. B..., M. Aimé E..., Mme H..., Mme X..., M. D..., Mme Laure E..., M. A..., M. Y... et M. Roger G... une somme de 500 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 952630 est rejeté.
Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 962137.