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01/02/1990 | FRANCE | N°CETATEXT000008292957

France | France, Tribunal administratif de Bordeaux, 01 février 1990, CETATEXT000008292957


I - Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 14 juin 1989 sous le n° 1062/89, la requête présentée pour M. X... demeurant ..., tendant à ce que le Tribunal :
1° - enjoigne à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de la Gironde, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde, la Caisse Maladie Régionale d'Aquitaine, de lui communiquer la décision par laquelle son déconventionnement a été prononcé pour une durée d'un mois et ce, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard à compter du dépôt du présent mémoire ;
2° - annule pour excès de pouvoi

r ladite décision, notifiée par lettre du 31 mai 1989 ;
3° - condamne les o...

I - Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 14 juin 1989 sous le n° 1062/89, la requête présentée pour M. X... demeurant ..., tendant à ce que le Tribunal :
1° - enjoigne à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de la Gironde, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde, la Caisse Maladie Régionale d'Aquitaine, de lui communiquer la décision par laquelle son déconventionnement a été prononcé pour une durée d'un mois et ce, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard à compter du dépôt du présent mémoire ;
2° - annule pour excès de pouvoir ladite décision, notifiée par lettre du 31 mai 1989 ;
3° - condamne les organismes précités à lui verser la somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts ;

II - Vu, enregistrée le 14 juin 1989 sous le n° 1063/89, la requête présentée pour M. X... et tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 31 mai 1989 susvisée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code de la Sécurité sociale ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu l'arrêté interministériel du 4 juillet 1985 approuvant la convention nationale conclue entre les organismes de sécurité sociale et les organisations les plus représentatives de médecins ;
Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 18 janvier 1990, les parties ayant été dûment convoquées :
Mme Topol, Conseiller, en son rapport,
Mme Sellier, Commissaire du Gouvernement, en ses conclusions,

Sur la jonction :
Considérant que les requêtes n° 1062/89 et 1063/89 tendent l'une, à l'annulation, l'autre à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision attaquée ; qu'elles présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;
Sur la demande de communication de la décision prise par les organismes de sécurité sociale tendant à mettre M. X... hors convention pour une durée d'un mois :
Considérant que, par lettre en date du 30 mai 1989, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde, la Caisse de la Mutualité Sociale Agricole de la Gironde et la Caisse Maladie Régionale d'Aquitaine ont signifié au docteur X... qu'en application de l'article 30 de la convention nationale des médecins conclue le 1er juillet 1985 et approuvée par arrêté du 4 juillet suivant, il serait procédé à sa mise hors convention pour une durée d'un mois ;

Considérant que les procès-verbaux des délibérations des conseils d'administration des organismes concernés ayant décidé de mettre en oeuvre cette procédure, ont été communiqués au requérant en cours d'instance, par les caisses défenderesses ; que, dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la communication de ces documents, le litige se limitant à la régularité de la mesure infligée à l'interessé ;
Sur la compétence des auteurs de l'acte attaqué :
Considérant que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été signée par des autorités incompétentes manque en fait ; que, par suite, cette décision n'est pas entachée, à ce titre, d'un vice de forme ;

Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la convention précitée : "Lorsqu'un médecin ne respecte pas les dispositions de la convention, les caisses peuvent, après mise en oeuvre de la procédure définie dans le présent article et dans les cas prévus par celui-ci, lui notifier que leurs rapports ne seront plus régis par la convention nationale : ... 3) non-respect répété du tact et de la mesure dans la fixation des honoraires. Les caisses transmettent le relevé de leurs constatations au comité médical local. Dans le délai de deux mois suivant la transmission du relevé par la caisse, le comité médical doit informer le médecin, l'inviter à faire connaître ses observations et, s'il y a lieu, lui adresser une mise en garde. Si, après une nouvelle période de deux mois, les caisses constatent que le médecin persiste dans son attitude, elles peuvent, après avis du comité médical paritaire local, lui notifier que leurs rapports ne seront plus régis par la convention" ;
En ce qui concerne la mise en jeu de l'article 30 :
Considérant que M. X... allègue tout d'abord que les organismes de sécurité sociale ne peuvent juger du montant des honoraires des médecins et auraient dû saisir les instances ordinales compétentes, conformément aux dispositions de l'article L. 145-1 du Code de la sécurité sociale ;

Mais considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions précitées de l'article 30 de la convention nationale qu'il revient aux caisses de sécurité sociale de prononcer elles-mêmes le déconventionnement du médecin qui n'a pas respecté les règles de tact et de mesure dans la fixation des honoraires ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des prescriptions combinées de l'article R.145-18 du code de la sécurité sociale et de l'article 30 de ladite convention, la saisine de la section du conseil régional de discipline des médecins visée à l'article L.145-1 du code précité est facultative, le déconventionnement ne figurant d'ailleurs pas parmi les sections que cette section peut prononcer en vertu de l'article L145-2 dudit Code ;
Considérant, par suite, que les caisses défenderesses avaient en l'occurence qualité pour apprécier, sous le contrôle du juge administratif, l'abus imputé au praticien concerné, dans les dépassements d'honoraires ;

En ce qui concerne la consultation du comité médical paritaire local :
Considérant que M. X... soutient que l'avis d'incompétence rendu par le comité médical paritaire local faisait obstacle à la poursuite de la procédure engagée par les organismes de sécurité sociale ;
Considérant, en l'espèce, que, par lettre du 25 juillet 1988, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde a transmis au comité médical paritaire local le relevé constatant les honoraires pratiqués par M. X... ; que suite à cette transmission, ce comité s'est borné à déclarer que l'examen de la situation de l'intéressé ne ressortait pas de l'application de l'article 30 de la convention précitée et relevait de la seule compétence du conseil de l'ordre des médecins ; que la caisse primaire d'assurance maladie a passé outre le refus exprimé par le comité médical d'appliquer la procédure prévue par l'article 30 précité, en informant elle-même le médecin et en l'invitant à faire connaître ses observations ; qu'après avoir constaté que celui-ci persistait dans son attitude, elle a de nouveau sollicité l'avis du comité médical par lettre du 14 avril 1989 ; que, ledit comité n'ayant pu se départager sur le cas de M. X... dans son second avis du 26 avril 1989, les organismes de sécurité sociale en cause ont alors notifié à l'intéressé que leurs rapports ne seraient plus régis par la convention pour une durée d'un mois ;

Considérant, dans ces conditions, qu'il est constant que si les caisses de sécurité sociale ont pris leur décision sur la situation de M. X... sans avoir reçu l'avis qu'elles avaient demandé à deux reprises au comité médical paritaire local, cette circonstance a eu pour cause unique l'impossibilité dans laquelle, malgré leurs diligences, elles se sont trouvées de recevoir un tel avis en raison de la carence du comité médical en cause ; que, ce faisant, lesdites caisses n'ont pas méconnu la procédure dans ses différentes phases, et qu'en particulier, le caractère contradictoire de ladite procédure, ainsi que les droits du praticien concerné ont été respectés ;
Considérant, par suite, que le moyen tiré de ce que la décision susmentionnée serait intervenue à la suite d'une procédure irrégulière ne saurait être retenu ;

Sur la violation de la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :
Considérant que M. X... se prévaut de ce que son comportement aurait été apprécié par les organismes de sécurité sociale sur le seul fondement de son profil informatique donnant la moyenne statistique des honoraires perçus sur l'année 1988 et sur le premier trimestre 1989, pour exciper de la violation de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ;
Considérant qu'aux termes des articles 2 et 3 de ladite loi :
" ... aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé" ;
"Toute personne a le droit de connaître et de contester les informations et les raisonnements utilisés dans les traitements automatisés dont les résultats lui sont opposés" ;
Mais considérant, en l'espèce, qu'il résulte des pièces du dossier que le constat des honoraires pratiqués par M. X... ne se limite pas au calcul de moyennes statistiques ; qu'en tout état de cause, le requérant a été mis à même, dans le déroulement de la procédure, de fournir toute explication et toute information de nature à justifier son comportement ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que le respect du tact et de la mesure dans la fixation de ses honoraires a été apprécié en méconnaissance des prescriptions de la loi du 6 janvier 1978 ;

Sur le montant des honoraires pratiqués par M. X... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la convention précitée : "Lorsqu'il en a exprimé le choix dans le cadre de la procédure définie à l'article 37 de la présente convention, le médecin peut pratiquer des tarifs différents des tarifs conventionnels. En cas de dépassements ou de tarifs différents, le médecin fixe ses honoraires avec tact et mesure, conformément au code de déontologie et inscrit le montant perçu sur la feuille de soins" ;
Considérant que la décision attaquée est motivée par des dépassements fréquents d'honoraires de plus de 100 % par rapport aux tarifs conventionnels ; qu'il résulte de surcroît des pièces du dossier qu'à plusieurs reprises au cours de l'année 1988, le requérant a perçu des honoraires égaux à 380 F et 400 F ; qu'il suit de là, qu'en estimant que M. X... n'a pas fixé ses honoraires avec tact et mesure, comme l'exige l'article 23 précité, les organismes de sécurité sociale n'ont commis aucune erreur de fait ni d'appréciation des faits reprochés à l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de sa mise hors convention ; que, par suite, ni sa demande tendant au sursis à exécution de la décision attaquée, ni sa demande de dommages et intérêts ne sauraient prospérer ;
Article 1er - Les requêtes susvisées de M. X... sont rejetées.
Article 2 - Notification de la précisente décision sera faite au M. X..., à la CPAM, à la CMSA, à la CMRA. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde et au Conseil de l'Ordre des Médecins.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Bordeaux
Numéro d'arrêt : CETATEXT000008292957
Date de la décision : 01/02/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

SECURITE SOCIALE - RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS ET LES ETABLISSEMENTS SANITAIRES - RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS DE SANTE - MEDECINS - CONVENTION NATIONALE DES MEDECINS (ARTICLE L - 162-5 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE) - Article 30 - Mise hors convention - (1) Motifs - Abus répétés dans le dépassement d'honoraires - a) Compétence des organismes de sécurité sociale pour les apprécier - b) Respect du tact et de la mesure dans la fixation des honoraires (art - 13 de la convention) - Notion - (2) Procédure - Consultation du comité médical local - Formalité impossible - Incapacité du comité médical saisi à se départager - Conséquences.

62-02-01-01-01(1) Il ressort des dispositions de l'article 30 de la convention nationale des médecins qu'il revient aux caisses de sécurité sociale de prononcer elles-mêmes le déconventionnement du médecin qui n'a pas respecté les règles de tact et de mesure dans la fixation des honoraires, la saisine, en vertu des prescriptions combinées de l'article R.145-18 du code de la sécurité sociale et de l'article 30 de ladite convention, de la section du conseil régional de discipline des médecins visée à l'article L.145-1 du code précité étant facultative. Lesdites caisses ont donc qualité pour apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'abus imputé au praticien concerné, dans les dépassements d'honoraires. En estimant qu'un médecin ayant choisi de pratiquer des tarifs différents des tarifs conventionnels, et dont les honoraires avaient fréquemment dépassé lesdites tarifs conventionnels de plus de 100 % en atteignant à plusieurs reprises, au cours de l'année 1988, 380 ou 400 F, n'avait pas fixé ses honoraires avec tact et mesure, les organismes de sécurité sociale n'ont commis aucune erreur d'appréciation des faits ayant motivé la mise hors convention pour un mois de l'intéressé.

62-02-01-01-01(2) Caisse primaire d'assurance maladie ayant transmis, pour avis, en application de l'article 30 de la convention nationale des médecins, au comité médical paritaire local le relevé des honoraires pratiqués par un médecin dont elle envisageait la mise hors convention pour abus répétés dans le dépassement d'honoraires. Ledit comité s'étant borné à répondre que la procédure de l'article 30 n'était pas applicable, la caisse a informé elle-même le médecin en l'invitant à faire connaître ses observations. Ayant constaté que celui-ci persistait dans son attitude, elle a de nouveau sollicité l'avis du comité médical, et celui-ci n'ayant pu se départager dans son second avis sur le cas du praticien, les caisses de sécurité sociale concernées ont alors notifié à l'intéressé son déconventionnement pour un mois. Si ces caisses ont pris leur décision sans avoir reçu l'avis qu'elles avaient demandé à deux reprises au comité médical paritaire local, cette circonstance a ainsi eu pour cause unique la carence de ce comité. Ce faisant, elles n'ont pas méconnu la procédure dont en particulier, le caractère contradictoire a été respecté, ainsi que les droits du praticien concerné.


Références :

Code de la sécurité sociale L145-1, R145-18, L145-2
Loi 78-17 du 06 janvier 1978 art. 2, art. 3


Composition du Tribunal
Président : M. Thurière
Rapporteur ?: M. Topol
Rapporteur public ?: M. Sellier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.bordeaux;arret;1990-02-01;cetatext000008292957 ?
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