LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 752 F-D
Pourvoi n° P 24-16.047
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUILLET 2025
M. [G] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 24-16.047 contre l'arrêt rendu le 9 février 2024 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société Ambulances Sannac, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseillère référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Ambulances Sannac, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Laplume, conseillère référendaire rapporteure, Mme Cavrois, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 février 2024), le salarié a été engagé en qualité d'auxiliaire ambulancier en contrat à durée déterminée le 3 octobre 2018 par la société Ambulances Sannac. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
2. Après deux renouvellements du contrat, la relation de travail a pris fin le 31 août 2019.
3. Le 13 novembre 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dont une demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Examen du moyen
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à 230,24 euros la somme allouée à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires majorées, congés payés afférents et indemnité de précarité correspondante et de le débouter de ses demandes pour perte d'allocation de retour à l'emploi et pour préjudice moral et financier, alors « qu'en vertu de l'article 4 de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire s'inscrivant dans le cadre de leur nouveau modèle social et portant avenant à l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire ''le temps de travail effectif des personnels ambulanciers est calculé sur la base de leur amplitude diminuée des temps de pauses ou de coupures (?). Pendant les services de permanence (?), le temps de travail effectif des personnels ambulanciers est calculé sur la base de leur amplitude prise en compte pour 80 % de sa durée. (?) La dualité des règles de calcul visée dans le paragraphe B) ci-dessus cessera de s'appliquer 3 ans après la conclusion du présent accord'' ; que la cour d'appel a constaté que ''l'accord du 16 juin 2016 dans son article 4 B-2) a mis fin au régime des heures d'équivalence pour calculer le temps de travail effectif des personnels ambulanciers sur la base de l'amplitude horaire diminuée des temps de pause ou de coupures'' et que ''l'article 4 C) dispose que « la dualité des règles de calcul cessera de s'appliquer 3 ans après la conclusion de l'accord », ce dont il résultait qu'une dualité des règles s'appliquait à compter de l'accord de 2016, le système d'équivalence persistant uniquement pour la garde départementale tandis que le principe général de calcul du temps de travail effectif sur la base de l'amplitude diminuée des pauses ou coupures était applicable dans les autres cas ; qu'en affirmant ensuite, pour juger la demande de M. [I] sur le fondement de la suppression du régime d'équivalence à compter de septembre 2018 infondée, que ''par application de ces dispositions, le régime des équivalences demeurait pendant trois ans après l'accord cadre du 18 juin 2016'' et qu' ''au vu de ces dispositions, étendues par arrêté du 19 juillet 2018, publié le 27 juillet 2018, la fin de période de transitoire de 3 ans implique une nouvelle définition du temps de travail effectif avec suppression du régime des heures d'équivalence à compter du 16 juin 2019'', la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 4 de l'accord du 16 juin 2016 susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 B-2) et 4 C) de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire, étendu par arrêté du 19 juillet 2018 :
5. Aux termes du premier de ces textes, portant sur les règles de calcul du temps de travail effectif des personnels ambulanciers,
- Principe général : Le temps de travail effectif des personnels ambulanciers est calculé sur la base de leur amplitude diminuée des temps de pauses ou de coupures dans le respect des règles, des conditions et des limites fixées à l'article 5 ci-dessous.
- Situation particulière des services de permanence : Pendant les services de permanence, tels que définis ci-dessus, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers est calculé sur la base de leur amplitude prise en compte pour 80 % de sa durée.
6. Aux termes du second, la dualité des règles de calcul visée dans le paragraphe B) ci-dessus cessera de s'appliquer 3 ans après la conclusion du présent accord.
A compter de cette échéance, seule subsistera la règle du « Principe général » de calcul du temps de travail effectif sur la base de l'amplitude diminuée des pauses ou coupures dans le respect des règles, des conditions et des limites fixées à l'article 5 ci-dessous, sous réserve que :
- l'extension sans réserves des dispositions des articles 4 et 5 du présent accord soit intervenue dans ce délai,
- les dispositions réglementaires relatives à l'organisation de la garde départementale aient été adaptées.
Pendant cette période de 3 ans, les entreprises pourront convenir d'appliquer le régime de calcul du temps de travail effectif pour les périodes de permanences sur la base de l'amplitude diminuée des pauses ou coupures par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement.
7. Il en résulte que, pour les personnels ambulanciers et pendant une durée de trois ans à compter de l'accord collectif du 16 juin 2016, le principe général applicable depuis le 1er août 2018, date d'entrée en vigueur de l'arrêté d'extension du 19 juillet 2018, est que le temps de travail effectif est calculé sur la base de leur amplitude diminuée des temps de pauses ou de coupures dans le respect des règles, conditions et limites fixées par les dispositions de cet accord collectif, et que dans la situation particulière des services de permanence il est calculé sur la base de leur amplitude prise en compte pour 80 % de sa durée.
8. Pour limiter la somme due par l'employeur à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'il est constant que l'accord du 16 juin 2016 dans son article 4 B-2) a mis fin au régime des heures d'équivalence pour calculer le temps de travail effectif des personnels ambulanciers sur la base de l'amplitude horaire diminuée des temps de pause ou de coupures dans le respect des règles, des conditions et des limites fixées à l'article 5, que toutefois il est rappelé dans les principes préliminaires énoncés à l'article B-1) qu'il est procédé à la suppression définitive des équivalences pour calculer le temps de travail effectif des ambulanciers, conformément aux dispositions du paragraphe C), que l'article 4 C) dispose que « la dualité des règles de calcul cessera de s'appliquer trois ans après la conclusion de l'accord » et précise qu' « à compter de cette échéance, seule subsistera la règle du principe général de calcul du temps de travail effectif sur la base de l'amplitude diminuée des pauses ou coupures dans le respect des règles, des conditions et des limites fixées à l'article 5, sous réserve que : - l'extension sans réserves des articles 4 et 5 du présent accord soit intervenue dans ce délai ; - les dispositions réglementaires relatives à l'organisation de la garde départementale aient été adaptées », que, par application de ces dispositions, le régime des équivalences demeurait pendant trois ans après l'accord cadre du 18 juin 2016.
9. Il en conclut qu'au vu de ces dispositions, étendues par arrêté du 19 juillet 2018, publié le 27 juillet 2018, la fin de période transitoire de trois ans implique une nouvelle définition du temps de travail effectif avec suppression du régime des heures d'équivalence à compter du 16 juin 2019 et que l'employeur ayant fait application du régime d'équivalence à compter de juillet 2019, la contestation élevée par le salarié sur le fondement de la suppression du régime d'équivalence à compter de septembre 2018 est injustifiée.
10. En statuant ainsi, alors que sa demande portant sur une période postérieure au 1er août 2018, le salarié pouvait prétendre au calcul de son temps de travail effectif selon le principe général défini par l'accord du 16 juin 2016, sauf s'il accomplissait un service de permanence, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'intéressé demandait paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires réalisées pendant des services de permanence, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Ambulances Sannac à payer à M. [I] la somme de 230,24 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires majorées, congés payés afférents et indemnité de précarité correspondante, somme qui lui a été d'ores et déjà réglée par la société Ambulances Sannac en juin 2022 et déboute M. [I] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour perte d'allocation de retour à l'emploi et pour préjudice moral et financier, l'arrêt rendu le 9 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Ambulances Sannac aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ambulances Sannac et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.