LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 751 F-D
Pourvoi n° M 24-14.205
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 février 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUILLET 2025
Mme [I] [B], domiciliée [Adresse 2], [Localité 1], a formé le pourvoi n° M 24-14.205 contre l'arrêt rendu le 24 août 2023 par la cour d'appel de Nouméa (Chambre sociale), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 1], représentée par son maire en exercice, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseillère, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de Mme [B], après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Deltort, conseillère rapporteure, Mme Cavrois, conseillère, et Mme Pontonnier, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 24 août 2023), Mme [B] a été engagée en qualité d'agent de service par la commune de [Localité 1] (la commune) afin d'assurer la surveillance de la cantine et l'entretien des locaux d'une école suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée à compter du 1er novembre 2005. En août 2009, elle a poursuivi son activité en étant titulaire d'une patente suivant conventions des 6 septembre 2011, 16 octobre 2012, 6 avril 2016 et 9 avril 2018.
2. Le 4 octobre 2018, la commune a informé Mme [B] qu'elle n'était plus en mesure de faire appel à ses services en raison de la décision de liquidation judiciaire prononcée le 3 septembre précédent à son égard et de sa radiation du Répertoire des entreprises et des établissements.
3. Le 12 novembre 2019, Mme [B] a saisi le tribunal du travail de demandes en requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée, en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à temps complet et de retenir qu'elle travaillait à temps partiel à compter du 6 septembre 2011, alors « que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet, et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'il ressort des constatations mêmes de la cour d'appel que les conventions conclues avec Mme [B] lui imposaient d'adapter ses horaires à ''l'organisation du temps de travail du personnel de l'école primaire'', la convention du 6 avril 2016 précisant notamment que ''les horaires pourront subir des modifications en fonction du travail'' et que les variations horaires ponctuelles de l'activité de Mme [B] (fin février à début mars 2010, février à octobre 2012) confirmaient que les tâches qui lui étaient confiées pouvaient, en dehors de tout formalisme, être complétées à l'initiative de l'employeur ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter la salariée de sa demande de requalification de la relation de travail en travail à temps plein, que Mme [B] avait connaissance de manière précise, certaine et anticipée des jours et heures auxquels elle était astreinte aux tâches de cantine et d'entretien au sein de l'établissement scolaire et ne pouvait dès lors soutenir qu'elle devait rester constamment à la disposition de son employeur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article Lp. 223-10 du code du travail de Nouvelle-Calédonie. »
Réponse de la Cour
Vu l'article Lp. 223-10 du code du travail de Nouvelle-Calédonie :
6. Selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle du travail et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou, le cas échéant, les semaines du mois. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
7. Pour débouter la salariée de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à temps complet, l'arrêt retient qu'elle avait connaissance de manière précise, certaine et anticipée des jours et heures auxquels elle était astreinte aux tâches de cantine et d'entretien au sein de l'établissement scolaire et ne peut dès lors soutenir qu'elle devait rester constamment à la disposition de son employeur, qu'il résulte des factures adressées par la salariée à l'employeur qu'elle a exercé son activité à raison de quatre heures par jour ouvré, sauf entre le 24 février 2010 et le 5 mars 2010 (six heures par jour) et du 1er février au 31 octobre 2012 (huit heures par jour), qu'elle a ainsi travaillé 532 heures sur la période de février à septembre 2018 (66,5 heures par mois en moyenne).
8. L'arrêt ajoute que l'imprécision, sur ce point, des témoignages produits par la salariée ne permet pas d'établir que la durée réelle de travail dépassait, depuis le 1er novembre 2012, les heures fixées par les conventions et confirmées par les factures émises par l'intéressée.
9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que l'employeur faisait la preuve, d'une part, de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue, d'autre part, que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne par voie de conséquence celle des chefs de dispositif relatifs à l'indemnité légale de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et le rappel des salaires, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
11. Elle n'emporte pas, en revanche, cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [B] en requalification du contrat à durée indéterminée en contrat à temps plein et en ce qu'il limite à 82 800 francs CFP l'indemnité légale de licenciement, à 1 200 000 francs CFP l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à 200 000 francs CFP l'indemnité compensatrice de préavis, à 20 000 francs CFP l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et à 525 990 francs CFP le rappel des salaires, l'arrêt rendu le 24 août 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;
Condamne la commune de [Localité 1] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de [Localité 1] à payer à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.