LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Demande d'avis
n° Q 25-70.010
Juridiction : le tribunal judiciaire de Bobigny
LM
Avis du 27 juin 2025
n° 15015 D
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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COUR DE CASSATION
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Première chambre civile
Énoncé de la demande d'avis
1. La Cour de cassation a reçu le 27 mars 2025 une demande d'avis formée le 12 février 2025 par le tribunal judiciaire de Bobigny, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales (l'ONIAM) à la société Axa France Iard et la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime.
2. La demande est ainsi formulée :
« Question 1 : lorsque l'ONIAM a émis un titre en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique sans avoir préalablement indemnisé la victime et que ce titre est contesté, l'indemnisation de la victime intervenue avant que le juge ne statue a-t-elle pour effet de régulariser le titre par application de l'article 126 du code de procédure civile ou bien la validité du titre ne peut-elle s'apprécier qu'au jour de son émission ?
Question 2 (qui n'existe que dans l'hypothèse où la réponse à la première question conduit à retenir un examen au jour de l'émission du titre contesté) : lorsque le paiement effectif de la victime par l'ONIAM n'intervient qu'après que celui-ci a émis un titre exécutoire visant à recouvrer auprès d'un tiers responsable les sommes versées à une victime, la nullité du titre prononcée en raison de la violation de l'exigence d'une indemnisation préalable posée par l'article L. 1221-14, alinéa 7, du code de la santé publique correspond-elle à une illégalité externe ou à une illégalité interne au sens que le droit administratif donne à ces notions ? S'il s'agit d'une illégalité interne et, plus spécifiquement, de la violation d'une règle de droit, la nullité devant être prononcée doit-elle être accompagnée d'une décharge des sommes qui n'avaient originellement pas été versées - interdisant ainsi à l'ONIAM de solliciter à titre subsidiaire et reconventionnel le paiement des sommes annulées - ou bien la nullité doit-elle produire l'effet limité d'une nullité pour violation d'une condition de forme, ouvrant ainsi la possibilité à l'ONIAM de solliciter à titre subsidiaire la condamnation du destinataire du titre à lui verser à titre reconventionnel les sommes annulées, à la double condition que l'indemnisation effective de la victime ait eu lieu au moment où le juge statue et que le bien-fondé de la créance soit reconnu ? »
Examen de la demande d'avis
3. Les questions de droit posées, qui sont nouvelles et présentent des difficultés sérieuses, sont susceptibles de se poser dans de nombreux litiges.
Sur la première question :
4. Lorsque l'ONIAM a indemnisé au titre de la solidarité nationale des victimes de contaminations par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée, en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, il est subrogé dans leurs droits.
5. Il peut alors soit émettre un titre exécutoire à l'encontre des assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang qui peut être contesté dans un délai de deux mois sur le fondement de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, soit saisir la juridiction compétente d'une demande à cette fin.
6. La validité d'un titre exécutoire, contestée par le débiteur, s'appréciant au jour son émission, lorsque l'ONIAM a émis un tel titre sans avoir préalablement indemnisé les victimes, le fait que cette indemnisation ait été versée avant que le juge statue sur la contestation n'a pas pour effet de régulariser le titre par application de l'article 126 du code de procédure civile.
Sur la seconde question :
7. Le fait pour l'ONIAM d'émettre un titre exécutoire avant d'avoir indemnisé les victimes constitue une irrégularité qui met en cause le bien-fondé du titre et justifie son annulation.
8. Toutefois, lorsque le juge est saisi, outre de la demande d'annulation du titre, d'une demande de décharge de la somme correspondant à la créance de l'ONIAM et qu'au jour où il statue, l'ONIAM a indemnisé les victimes et se trouve donc subrogé dans leurs droits, l'annulation du titre ne fait pas obstacle à la recevabilité d'une demande reconventionnelle formée par ce dernier de condamnation de l'assureur au paiement du montant du titre exécutoire ainsi que des intérêts moratoires à compter du jour du paiement.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Première question : Lorsque l'ONIAM a émis à l'encontre d'un assureur un titre exécutoire en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique sans avoir préalablement indemnisé la victime, la validité de ce titre, contestée par le débiteur, s'apprécie au jour de l'émission de ce titre et le fait que cette indemnisation ait été versée avant que le juge statue n'a pas pour effet de régulariser le titre par application de l'article 126 du code de procédure civile.
Seconde question : Le fait pour l'ONIAM d'émettre un titre exécutoire avant d'avoir indemnisé les victimes constitue une irrégularité qui met en cause le bien-fondé du titre et qui justifie son annulation. Toutefois, lorsque le juge est saisi, outre de la demande d'annulation du titre, d'une demande de décharge de la somme correspondant à la créance de l'ONIAM et qu'au jour où il statue, l'ONIAM a indemnisé les victimes et se trouve donc subrogé dans leurs droits, l'annulation du titre ne fait pas obstacle à la recevabilité d'une demande reconventionnelle formée par ce dernier de condamnation de l'assureur au paiement du montant du titre exécutoire ainsi que des intérêts moratoires à compter du jour du paiement.
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le vingt-sept juin deux mille vingt-cinq, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 24 juin 2025 où étaient présentes : Mme Champalaune, présidente, Mme de Cabarrus, conseillère référendaire rapporteure, Mme Duval-Arnould, conseillère doyenne, Mme Ben Belkacem, greffière de chambre.