LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 25 juin 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 455 FS-B
Pourvoi n° P 24-11.562
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2025
M. [H] [R], domicilié [Adresse 2] (Suisse), a formé le pourvoi n° P 24-11.562 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2024 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à Mme [K] [N], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [R], les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de Mme [N], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Dumas, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 17 janvier 2024), le 12 février 2010, M. [R] a chargé Mme [N], avocate, de sa défense à l'occasion de deux procédures pénales ouvertes en Belgique pour corruption et blanchiment qui se sont terminées par une transaction conclue en juin 2011. Elle a assisté M. [R] jusqu'en avril 2012 au titre de la mainlevée des mesures coercitives prises à l'occasion de l'enquête pénale, M. [R] ayant ensuite changé d'avocat.
2. Le 19 juin 2020, M. [R] a assigné Mme [N] en responsabilité et indemnisation, invoquant des manquements commis dans l'exécution de ses missions de défense ainsi que des agissements fautifs étrangers au mandat de représentation et d'assistance en justice.
3. Mme [N] a opposé la prescription, prévue à l'article 2225 du code civil, au regard de la date à laquelle sa mission avait pris fin.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que tant dans son assignation que dans ses conclusions M. [R] reprochait à Mme [N] des fautes extérieures à l'exécution de son mandat de représentation et d'assistance en justice de M. [R] devant les juridictions pénales belges, notamment d'avoir accompli des manoeuvres visant à tromper ses clients et consistant à impliquer des intermédiaires ainsi qu'à effectuer des démarches à l'insu et contre l'intérêt de ses clients pour obtenir le versement de sommes indues, et d'avoir utilisé le nom de M. [R] auprès de cadres de la société Eurocopter afin de tenter d'obtenir le versement d'une commission à son profit ; qu'en appliquant l'article 2225 à l'action en responsabilité fondée sur de telles fautes au motif que l'assignation se référait au mandat confié à Mme [N] et à la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2225 du code civil et, par refus d'application, l'article 2224 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 et 2225 du code civil :
5. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
6. Aux termes du second, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
7. Il en résulte que ce dernier texte, dérogatoire au premier, ne concerne que l'action en responsabilité au titre de manquements qui relèvent de la mission de représentation et d'assistance en justice et non l'action au titre de faits étrangers à celle-ci.
8. Pour déclarer prescrite l'action engagée le 19 juin 2020 contre Mme [N], l'arrêt retient que la lettre du 12 février 2010 porte uniquement sur une mission de représentation et d'assistance en justice et que tous les manquements allégués sont en lien avec cette lettre de mission, qu'il s'agisse d'une violation de celle-ci ou d'un dépassement du mandat.
9. En statuant ainsi, alors que certains des manquements invoqués, notamment les démarches entreprises au nom du client, sans instructions de sa part, pour négocier des contrats et obtenir le versement de commissions, ne relevaient pas de la mission de représentation et d'assistance en justice, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.