CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 19 juin 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 298 F-D
Pourvoi n° D 23-23.992
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025
1°/ la commune de [Localité 3], representée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 5],
2°/ l'établissement public [Localité 3] métropole, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° D 23-23.992 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [U] [S], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Home Invest, société à responsabilité limitée,
3°/ à la société Calma, société par actions simplifiée,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la commune de Bordeaux et de l'établissement public Bordeaux métropole, de la SARL Gury & Maitre, avocat de Mme [S] et des sociétés Home Invest et Calma, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 octobre 2023), la commune de Bordeaux et l'établissement public de Bordeaux métropole ont assigné devant le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, Mme [S] et la société Home Invest, propriétaires de plusieurs lots d'un immeuble soumis au statut de la copropriété situé à Bordeaux, et la société Calma, qui assurait la gestion locative des lots, afin de les voir condamner au paiement d'amendes civiles, pour en avoir changé l'usage en les louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile.
Recevabilité du pourvoi en tant que formé par l'établissement public de [Localité 3] métropole, examinée d'office
2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application des articles 31 et 609 du même code.
3. L'établissement public de Bordeaux métropole est sans intérêt à solliciter la cassation de l'arrêt attaqué qui n'a prononcé aucune condamnation à son encontre et qui ne lui fait pas grief, dès lors qu'il n'avait formé aucune demande en cause d'appel.
4. Le pourvoi formé par l'établissement public de [Localité 3] métropole est donc irrecevable.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La commune de [Localité 3] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que tout local est réputé avoir l'usage pour lequel il était affecté au 1er janvier 1970 ; que cet usage se prouve par tous moyens ; que si la seule mention de l'usage d'habitation d'un local à la date de l'établissement d'une déclaration H1 postérieure au 1er janvier 1970 ne permet pas d'établir l'usage d'habitation à la date de référence, ni de le faire présumer, d'autres mentions de la déclaration peuvent être de nature à établir un tel usage à la date de référence ; qu'ainsi le juge ne peut refuser d'examiner une déclaration H1 au seul motif qu'elle a été établie postérieurement au 1er janvier 1970 ; que pour dire que le changement d'usage des locaux litigieux n'est pas établi, l'arrêt relève que la seule déclaration H1 déposée par le propriétaire le 4 octobre 1970 ne peut rapporter la preuve de ce que les locaux étaient à usage d'habitation au 1er janvier 1970 ; qu'en refusant ainsi d'examiner la déclaration H1 au motif impropre qu'elle a été établie postérieurement au 1er janvier 1970, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles 38, 39 et 40 du décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969, l'arrêté du 6 mars 1970 et l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, 38 et 40 du décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969 :
6. Selon le premier de ces textes, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. Un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage.
7. Selon les deux derniers, les déclarations souscrites par les redevables de la contribution foncière des propriétés bâties en application de l'article 16 de la loi n° 68-108 du 2 février 1968 sont établies sur des formules spéciales qui sont fournies par l'administration et qui comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété.
8. Pour rejeter les demandes de la commune de [Localité 3], l'arrêt retient que la déclaration H1 déposée par le propriétaire des lieux le 4 octobre 1970 n'est pas suffisante pour rapporter la preuve de l'usage d'habitation des locaux au 1er janvier 1970, dès lors que ce document, qui n'est qu'une annexe au cadastre et n'est corroboré par aucun autre élément, ne saurait à lui seul rapporter la preuve de ce que les locaux étaient à usage d'habitation au 1er janvier 1970.
9. En se déterminant ainsi, sans examiner les mentions de cette fiche, alors qu'une déclaration H1 est susceptible, selon les mentions qu'elle comporte, d'établir la preuve de l'usage du bien à la date de référence, et qu'elle ne peut dès lors être écartée du seul fait de sa nature ou de sa date, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Mise hors de cause
10. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause l'établissement public de Bordeaux métropole dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est formé par l'établissement public de [Localité 3] métropole ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Met hors de cause l'établissement public de [Localité 3] métropole ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne Mme [S], la société Home Invest et la société Calma aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [S], la société Home Invest et la société Calma et les condamne à payer à la commune de [Localité 3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-neuf juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Proust, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.