CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 19 juin 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 307 F-D
Pourvoi n° F 23-21.372
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025
La société Générale immobilière, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-21.372 contre l'arrêt rendu le 27 juillet 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Trublion, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de Me Guermonprez, avocat de la société Générale immobilière, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 juillet 2023), la société civile immobilière Trublion (la bailleresse), propriétaire d'un local donné à bail commercial à la société Générale immobilière (la locataire), lui a délivré, le 22 décembre 2017, un congé pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, à effet au 30 juin 2018, correspondant à la fin d'une période triennale.
2. La locataire a assigné la bailleresse en annulation du congé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première à troisième branches
Enoncé du moyen
4. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité du congé, alors :
« 1°/ que si le bailleur est en droit de refuser le renouvellement pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, à charge de payer au locataire une indemnité d'éviction, cette faculté ne lui est pas offerte hors ces hypothèses et notamment en cas de transformation de l'immeuble ; qu'aux termes du congé rappelé par l'arrêt « Le bailleur envisage de réaliser un projet de réhabilitation d'ampleur comportant d'importants travaux qui impliquent notamment l'édification d'un immeuble de taille équivalente à celui sis [Adresse 1] et accolé à ce dernier moyennant le déplacement latéral de la façade gauche de l'immeuble abritant votre local » ; qu'en l'état de ces énonciations, invoquant le seul déplacement de la façade gauche de l'immeuble existant, dans le cadre d'un projet de réhabilitation d'ampleur impliquant la construction d'un immeuble destiné à lui être accolé, le congé délivré au prétexte de construire ou reconstruire l'immeuble était nul ; qu'en rejetant l'exception de nullité du congé qui invoquait une simple transformation de l'immeuble existant, la cour d'appel a violé les articles L. 145-4, L. 145-9, L. 145-18 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
2°/ qu'un congé pour construire ou reconstruire l'immeuble existant non motivé ou insuffisamment motivé est nul ; qu'aux termes du congé rappelé par l'arrêt « Le bailleur envisage de réaliser un projet de réhabilitation d'ampleur comportant d'importants travaux qui impliquent notamment l'édification d'un immeuble de taille équivalente à celui sis [Adresse 1] et accolé à ce dernier moyennant le déplacement latéral de la façade gauche de l'immeuble abritant votre local » ; qu'en l'état de ces énonciations, invoquant le seul déplacement de la façade gauche de l'immeuble existant, dans le cadre d'un projet de réhabilitation d'ampleur impliquant la construction d'un immeuble destiné à lui être accolé, la cour d'appel, saisie d'une demande de nullité du congé, devait rechercher si, insuffisamment motivé, ce dernier ne laissait pas le preneur dans l'incertitude des intentions du bailleur sur la construction ou la reconstruction alléguée ; qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-4, L. 145-9, L. 145-18 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
3°/ que la nullité du congé pour construire ou reconstruire s'apprécie à la date de celui-ci ; qu'après avoir établi que le congé délivré le 22 décembre 2017 invoquait le seul déplacement de la façade gauche de l'immeuble existant, dans le cadre d'un projet de réhabilitation d'ampleur impliquant la construction d'un immeuble destiné à lui être accolé, l'arrêt retient, au regard du descriptif de l'architecte du 7 mai 2018 et du permis de construire du 9 novembre 2020, que le projet de réhabilitation consistait à déposer la façade de l'immeuble situé sur la parcelle n° [Cadastre 4] pour la remonter 7 mètres plus loin, le reste de l'immeuble étant démoli pour permettre la reconstruction d'un nouveau bâtiment occupant sur les parcelles n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] à [Cadastre 6] ; qu'en appréciant la validité du congé, quant à la démolition pour reconstruire, d'après des éléments postérieurs à celui-ci qui n'étaient pas mentionnés dans le congé, la cour d'appel a violé les articles L. 145-4, L. 145-9, L. 145-18 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en l'espèce. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a, d'abord, à bon droit, énoncé que la déclaration de reprise du bailleur fondée sur l'article L. 145-18 du code de commerce était présumée sincère et que ce dernier n'était pas tenu d'obtenir préalablement à la délivrance d'un tel congé un permis de construire.
6. Elle a, ensuite, constaté que le congé délivré le 22 décembre 2017 indiquait que « le bailleur envisage de réaliser un projet de réhabilitation d'ampleur comportant d'importants travaux qui impliquent notamment l'édification d'un immeuble de taille équivalente à celui sis [Adresse 1] et « accolé » à ce dernier, moyennant le déplacement latéral de la façade gauche de l'immeuble abritant votre local », que la bailleresse établissait avoir transmis son projet de travaux, comportant une démolition des bâtiments existants et une reconstruction et qui devait être soumis à de multiples autorisations, par l'intermédiaire de son architecte à la mairie du lieu de situation de l'immeuble dès le premier semestre 2017, que son projet avait été évoqué lors de la réunion de la commission locale du secteur sauvegardé du 29 novembre 2017, qu'il ressortait du document émanant de son architecte daté du 7 mai 2018 que le projet consistait à déplacer la façade de l'immeuble loué à la locataire sur une autre parcelle voisine appartenant à la bailleresse, puis à démolir complètement le reste du bien et à construire un nouveau bâtiment et que le permis de construire délivré par la mairie par arrêté du 9 novembre 2020 avait pour objet la réhabilitation de l'ensemble immobilier occupant plusieurs parcelles.
7. Ayant pu tenir compte d'éléments extrinsèques et postérieurs au congé et sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, elle a souverainement déduit de l'ensemble de ses constatations que la bailleresse avait l'intention de démolir l'immeuble pour le reconstruire et a, donc, légalement justifié sa décision de valider le congé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Générale immobilière aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-neuf juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Proust, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.