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19/06/2025 | FRANCE | N°23-18.853

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation de section, 19 juin 2025, 23-18.853


CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 19 juin 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 311 FS-B

Pourvoi n° T 23-18.853




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025


La société Besson chaussures, société par actions si

mplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-18.853 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans l...

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 19 juin 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 311 FS-B

Pourvoi n° T 23-18.853




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025


La société Besson chaussures, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-18.853 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Financière internationale Monceau, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Foncière et financière Monceau, défenderesse à la cassation.

La société Financière internationale Monceau a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Besson chaussures, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Financière internationale Monceau, et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 24 mai 2023), la société Besson chaussures (la locataire), preneuse à bail commercial de plusieurs locaux appartenant à la société Financière internationale Monceau (la bailleresse), l'a assignée en constatation du caractère non écrit des clauses d'indexation stipulées aux baux commerciaux ne jouant qu'en cas de variation à la hausse de l'indice et en restitution des sommes payées au titre de celles-ci.

2. Elle a formé une demande additionnelle en paiement de diverses sommes, d'une part, en réparation du préjudice de jouissance subi, consécutif à des infiltrations en provenance de la toiture, d'un des locaux loués, situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, d'autre part, au titre du coût des travaux de reprise des faux plafonds de ce local.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le deuxième moyen du pourvoi principal

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en constatation du caractère réputé non écrit des clauses d'indexation des loyers, en restitution des loyers versés en exécution de ces clauses et de la condamner à payer diverses sommes à titre de loyers, alors « qu'une clause d'indexation excluant toute réciprocité de la variation du loyer est réputée non écrite en son entier, dès lors qu'elle est indivisible ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les clauses litigieuses prévoyaient, aux termes d'une seule et même phrase, que le loyer serait « susceptible de varier uniquement à la hausse en fonction des variations de l'indice du coût de la construction » ; qu'en retenant que « l'obligation d'indexer le loyer, telle que convenue entre les parties », n'apparaissait « pas indivisible », quand les clauses litigieuses ne prévoyaient pas le principe de l'indexation du loyer aux termes d'une première stipulation, avant d'exclure toute variation à la baisse de ce dernier par une stipulation distincte, mais, en une stipulation unique, le principe d'une indexation dans la seule hypothèse où elle entraînerait une variation à la hausse du loyer, ce qui caractérisait son indivisibilité, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1217 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. Il est jugé qu'est réputée non écrite toute clause d'indexation du loyer ne jouant qu'en cas de variation à la hausse de l'indice de référence comme contrevenant à l'article L. 145-38 du code de commerce mais que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, et non la clause en son entier, sauf cas d'indivisibilité (3e Civ., 12 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.169, publié), lorsque celle-ci ne peut être retranchée de la clause d'indexation sans porter atteinte à sa cohérence.

6. La cour d'appel a, d'abord, constaté que les baux commerciaux comprenaient une clause stipulant que le loyer sera susceptible de varier uniquement à la hausse en fonction de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE.

7. Elle a, ensuite, relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il pouvait être fait abstraction du seul membre de phrase « uniquement à la hausse » en laissant subsister la clause générale d'indexation à la hausse ou à la baisse, et que l'obligation de ne faire varier le loyer que dans le seul sens de l'augmentation était divisible et dissociable de la simple obligation de faire varier le loyer dans un sens ou dans l'autre, et ce d'autant que la clause d'indexation exclusivement à la hausse n'avait pas été mise en oeuvre par les parties, la bailleresse ayant appliqué une indexation à la baisse lors des variations à la baisse de l'indice.

8. Ayant ainsi caractérisé la divisibilité de la clause d'indexation, elle en a exactement déduit que celle-ci n'était pas réputée non écrite en son entier, et, à bon droit, a rejeté la demande de la locataire en restitution des loyers versés en exécution de la clause d'indexation lorsqu'elle a eu pour effet d'augmenter le montant du loyer.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.


Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme au titre des travaux de reprise des faux plafonds des locaux situés à [Localité 3], alors « que le bailleur est tenu d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'y procéder, pendant la durée du bail, à toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives ; que, soutenant que les fuites d'eau, dues à l'état de vétusté de la toiture, avaient créé des trous et auréoles marronâtres dans les faux plafonds des locaux donnés à bail, que des dalles, gondolées, menaçaient de tomber, que d'autres présentaient des tâches d'humidité à proximité de néons, et qu'en dépit des mises en demeure qu'elle lui avait adressées, la société Financière internationale Monceau n'avait fait procéder à aucuns travaux, la société Besson chaussures demandait qu'elle soit condamnée à lui payer une somme de 79 800 euros, montant d'un devis de réparation qu'elle avait fait établir, au titre des travaux de reprise de ces faux plafonds ; qu'après avoir relevé que la nécessité de faire réaliser des travaux de reprise de la toiture, vétuste, était certaine, et que la société Financière internationale Monceau, informée de la « dégradation importante de l'état du plafond suite à fuites d'eau depuis le toit » depuis, au plus tard, le mois de juin 2018, avait manqué à son obligation d'effectuer les diligences nécessaires auprès du syndicat des copropriétaires pour assurer à la locataire le maintien de la jouissance normale des lieux, la cour d'appel a néanmoins retenu que cette demande n'aurait pas été fondée « dès lors que ce désordre [était] apparu dès les premiers signalements faits par la société preneuse, en juin 2018 puis février 2019 » et qu'il n'aurait pas été « lié au retard fautif de la société bailleresse » ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à exclure que la bailleresse ait été tenue de procéder aux réparations des faux-plafonds situés dans les locaux loués dès lors qu'elles avaient été rendues nécessaires par des fuites d'eau provenant d'une toiture vétuste, peu important qu'elles n'aient pas été liées à son défaut de diligences auprès du syndic de copropriété, la cour d'appel a violé les articles 1719 2°, et 1720, alinéa 2, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1719, 1° et 2°, et 1720, alinéa 2, du code civil :

11. Selon le premier de ces textes, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

12. Aux termes du second, il est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

13. Il en résulte que, sauf pendant le temps où la force majeure l'empêcherait de faire ce à quoi il s'est obligé, le bailleur est tenu d'exécuter les travaux lui incombant dans les parties privatives des locaux loués.

14. Pour rejeter la demande en paiement du coût des travaux de reprise des faux plafonds, l'arrêt retient que le désordre les affectant est apparu dès les premiers signalements faits par la locataire et n'est pas lié au retard fautif de la société bailleresse.

15. En statuant ainsi, alors qu'une fois informée des infiltrations affectant les parties privatives des locaux loués, la bailleresse devait remédier aux désordres et, à défaut d'exécuter elle-même les travaux de reprise des faux plafonds, était tenue d'avancer à la locataire les sommes nécessaires à leur exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

16. Par son moyen, la locataire fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la bailleresse au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, alors « que toute hypothèse, la perte d'une chance consiste dans la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en se bornant à affirmer que le préjudice subi n'aurait consisté qu'en une perte de chance d'obtenir une réfection plus rapide de la toiture, sans caractériser l'aléa qui aurait affecté une réalisation plus rapide des travaux de réfection si la société Financière internationale Monceau avait fait toutes diligences pour l'obtenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

17. Par son moyen, la bailleresse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la locataire une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour son préjudice de jouissance, alors « que les vices apparus en cours de bail et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n'a pris aucune disposition pour y remédier ; qu'en retenant, pour condamner la société Financière internationale Monceau à verser à la société Besson chaussures la somme de 49 500 euros à titre de dommages-intérêts, qu'elle avait tardé à saisir le syndic pour qu'il soit remédié aux désordres affectant la toiture, partie commune de l'immeuble dans lequel sa locataire louait des locaux commerciaux, quand la société Financière internationale Monceau ne pouvait être recherchée que si, informée de l'existence des désordres, elle n'avait pris aucune disposition pour y remédier, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1217, du code civil, ainsi que les articles 1719 et 1720 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1149, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719, 3°, du code civil, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

18. Selon le premier de ces textes et le principe susvisé, les dommages-intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.

19. Selon le second de ces textes, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière d'assurer la jouissance paisible des locaux loués pendant la durée du bail.

20. Il est jugé que l'obligation résultant de ce dernier texte ne cesse qu'en cas de force majeure (3e Civ., 9 octobre 1974, pourvoi n° 73-11.721, Bull. n° 345) et que, sans préjudice de l'obligation continue d'entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail, et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n'a pris aucune disposition pour y remédier (3e Civ., 13 octobre 2021, pourvoi n° 20-19.278, publié).

21. Il s'ensuit que, lorsque les locaux loués sont situés dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, et que le bailleur est informé de l'existence d'un tel désordre, les diligences par lui accomplies pour obtenir du syndicat des copropriétaires la cessation d'un trouble ayant son origine dans les parties communes de l'immeuble ne le libèrent pas de son obligation de garantir la jouissance paisible des locaux loués.

22. Pour limiter l'indemnisation du préjudice de jouissance à une certaine somme sur la période de juin 2018 à mars 2021, l'arrêt constate que la locataire n'a informé la bailleresse des infiltrations d'eaux dans le local loué qu'en juin 2018, que celle-ci a laissé sans réponse l'information donnée par la locataire pendant plus d'un an et demi et qu'elle ne justifie avoir saisi le syndic de copropriété de la demande de travaux de réfection de la toiture qu'en mars 2021.

23. Il retient que la responsabilité de la bailleresse est engagée pour ce retard dans l'accomplissement des diligences auprès du syndic et en déduit que le préjudice de la locataire consiste en la perte d'une chance d'obtenir une réfection plus rapide de la toiture.

24. En statuant ainsi, alors que la bailleresse, devait, en l'absence de force majeure caractérisée, indemniser intégralement la locataire de son préjudice de jouissance à compter du jour où elle en a été informée jusqu'à sa cessation, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Financière internationale Monceau à payer à la société Besson chaussures la somme de 49 500 euros à titre de dommages-intérêts et rejette sa demande en paiement des travaux de reprise des faux plafonds des locaux situés à [Localité 3], l'arrêt rendu le 24 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Financière internationale Monceau aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Financière internationale Monceau et la condamne à payer à la société Besson chaussures la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-neuf juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Proust, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-18.853
Date de la décision : 19/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation de section, 19 jui. 2025, pourvoi n°23-18.853, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.18.853
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