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18/06/2025 | FRANCE | N°24-87.317

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 18 juin 2025, 24-87.317


N° F 24-87.317 F-D

N° 00856


ECF
18 JUIN 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JUIN 2025



M. [I] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 6 décembre 2024, qui, dans l'information suiv

ie contre lui du chef de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, aggravées, a prononcé sur une demande d'annulation d'act...

N° F 24-87.317 F-D

N° 00856


ECF
18 JUIN 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JUIN 2025



M. [I] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 6 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, aggravées, a prononcé sur une demande d'annulation d'actes de la procédure.

Par ordonnance du 24 février 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.

Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [I] [S], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 6 juin 2023, [M] [O] [S], âgée de 5 mois, a été hospitalisée pour un traumatisme crânien avec trouble de conscience.

3. Le 21 juin 2023, M. [I] [S], son père, a été mis en examen du chef de violences par ascendant sur mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente.

4. Par ordonnance du 24 novembre 2023, le juge d'instruction a commis Mme [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à l'expertise médicale de l'enfant.

5. Le rapport d'expertise qui fait état de ce que l'expert s'est adjoint les services d'un radiologue, M. [U], non désigné par le juge d'instruction, a été notifié le 13 mai 2024.

6. Par requête du 6 août 2024, M. [S] a saisi la chambre de l'instruction afin qu'il soit statué sur la nullité du rapport d'expertise.

Examen des moyens

Enoncé des moyens

7. Le moyen proposé pour M. [S] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a seulement ordonné la cancellation de la cote D 104/16 commençant par « IV Etude de l'imagerie (voir rapport sapiteur Dr [Z] [C] [U] » à D 104/22 : « chute de 50 cm environ », de la cote D 104/29 de la phrase commençant par : « L'imagerie cérébrale mettaient en évidence » à « les lésions constatées présentaient un risque vital », de la cote D 104/30 de la phrase commençant par : « concernant l'origine du traumatisme » à « une chute de 50 cm environ » D 104/31 ; de la cote D 104/32 de la phrase commençant par : « concernant le pronostic en imagerie » à « ces séquelles sont également irréversibles » après qu'il aura été établi une copie certifiée conforme à l'original et classée au greffe de la cour d'appel de Rennes et a ainsi rejeté la demande d'annulation totale du rapport d'expertise coté D 104, alors :

« 1°/ d'une part, que lorsque la Chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulés par voie de conséquence tous les actes et pièces qui ont pour support nécessaire l'acte vicié ; qu'au cas d'espèce, le magistrat instructeur a commis le docteur [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à une expertise or, cette dernière s'est adjoint l'expertise d'un médecin-radiologue, le docteur [U] qu'elle s'est fondé sur son rapport d'analyse et en a intégré des extraits au sein du rapport d'expertise ; que la défense a sollicité l'annulation de ce rapport d'expertise au motif que le docteur [U] n'avait pas été désigné par le magistrat instructeur et qu'il n'avait pas prêté serment, en précisant que cette annulation ne saurait être partielle eu égard à l'importance des analyses irrégulières au sein de l'expertise ; qu'après avoir constaté la nullité du rapport d'analyse rédigé par le docteur [U], la Chambre de l'instruction s'est bornée à canceller partiellement le rapport d'expertise du docteur [D]-[E] au motif que « certaines parties dudit rapport font référence directement aux opérations irrégulières du Dr [U]. En revanche d'autres parties sont régulières, en ce qu'elles font référence aux propres analyses de Madame [H] [D] [E] se référant aux documents et pièces du dossier antérieures à l'intervention litigieuse du Dr [U] (cf. lesdits documents énumérés en côte D104/6 et étudiés en côte D104/7 à D104/15), son entretien avec la mère de l'enfant et son examen clinique » ; qu'en statuant ainsi quand les analyses qu'elle avait jugé irrégulières infusaient dans tout le rapport d'expertise de sorte qu'elles constituaient son support nécessaire et que le rapport litigieux devait, en conséquence, être annulé dans son intégralité, la Chambre de l'instruction qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations a violé les articles 160, 162, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ d'autre part, que doivent être cancellés les actes partiellement annulés, ainsi que toute référence directe et explicite aux actes irréguliers ; qu'au cas d'espèce, le magistrat instructeur a commis le docteur [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à une expertise or, cette dernière s'est adjoint l'expertise d'un médecin-radiologue, le docteur [U], qu'elle s'est fondé sur son rapport d'analyse et en a intégré des extraits au sein du rapport d'expertise ; que la défense a sollicité l'annulation de ce rapport d'expertise au motif que le docteur [U] n'avait pas été désigné par le magistrat instructeur et qu'il n'avait pas prêté serment, en précisant que cette annulation ne saurait être partielle eu égard à l'importance des analyses irrégulières au sein de l'expertise ; qu'après avoir constaté la nullité du rapport d'analyse rédigé par le docteur [U], la Chambre de l'instruction s'est bornée à canceller partiellement le rapport d'expertise du docteur [D]-[E] au motif que « certaines parties dudit rapport font référence directement aux opérations irrégulières du Dr [U]. En revanche d'autres parties sont régulières, en ce qu'elles font référence aux propres analyses de Madame [H] [D] [E] se référant aux documents et pièces du dossier antérieures à l'intervention litigieuse du Dr [U] (cf. lesdits documents énumérés en côte D104/6 et étudiés en côte D104/7 à D104/15), son entretien avec la mère de l'enfant et son examen clinique » ; qu'en omettant de canceller certaines parties du rapport d'expertise qui reprenaient explicitement des extraits du rapport d'analyse qu'elle avait annulé, et notamment l'intégralité de la réponse à la question 8, la Chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 160, 162, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

3°/ de troisième part, que lorsque la Chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulés par voie de conséquence tous les actes et pièces qui ont pour support nécessaire l'acte vicié ; qu'au cas d'espèce, le magistrat instructeur a commis le docteur [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à une expertise or, cette dernière s'est adjoint l'expertise d'un médecin-radiologue, le docteur [U] qu'elle s'est fondé sur son rapport d'analyse et en a intégré des extraits au sein du rapport d'expertise ; que la défense a sollicité l'annulation de ce rapport d'expertise au motif que le docteur [U] n'avait pas été désigné par le magistrat instructeur et qu'il n'avait pas prêté serment, en précisant que cette annulation ne saurait être partielle eu égard à l'importance des analyses irrégulières au sein de l'expertise ; qu'après avoir constaté la nullité du rapport d'analyse rédigé par le docteur [U], la Chambre de l'instruction s'est bornée à canceller partiellement le rapport d'expertise du docteur [D]-[E] au motif que « certaines parties dudit rapport font référence directement aux opérations irrégulières du Dr [U]. En revanche d'autres parties sont régulières, en ce qu'elles font référence aux propres analyses de Madame [H] [D] [E] se référant aux documents et pièces du dossier antérieures à l'intervention litigieuse du Dr [U] (cf. lesdits documents énumérés en côte D104/6 et étudiés en côte D104/7 à D104/15), son entretien avec la mère de l'enfant et son examen clinique » ; qu'en statuant ainsi, par voie d'affirmation, quand il ne ressortait nullement du dossier de la procédure que partie des analyses de l'expert désigné avaient été réalisées antérieurement à l'intervention irrégulière du docteur [U], la Chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a violé les articles 160, 162, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

4°/ enfin, que l'expert judiciaire ne figurant pas sur les listes de la Cour de cassation ou des cours d'appel ne peut être désigné qu'à titre exceptionnel au terme d'une décision spécialement motivée et à condition qu'il prête serment devant le juge d'instruction ; qu'au cas d'espèce, le magistrat instructeur a commis le docteur [D]-[E], neuropédiatre, pour procéder à une expertise or, cette dernière s'est adjoint l'expertise d'un médecin-radiologue, le docteur [U], qu'elle s'est fondée sur son rapport d'analyse et en a intégré des extraits au sein du rapport d'expertise ; que la défense a sollicité l'annulation de ce rapport d'expertise au motif que le docteur [U] n'avait pas été désigné par le magistrat instructeur et qu'il n'avait pas prêté serment, en précisant que cette annulation ne saurait être partielle, eu égard à l'importance du rapport d'analyse au sein de l'expertise ; qu'en omettant de répondre au moyen d'annulation tiré du fait que le docteur [U] n'avait pas prêté serment, quand cette irrégularité qui avait trait à la bonne administration de la justice aurait pu conduire à l'annulation de l'intégralité du rapport d'expertise litigieux, la Chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs en violation des articles 157, 159, 160, 162, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

8. Le moyen proposé par M. [S] est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 169, 162, 174, 591 et 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé seulement partiellement le rapport d'expertise médicale alors :

1°/ que l'irrégularité affectant le rapport du docteur [U], qui n'avait pas été désigné par le juge d'instruction, entachait d'irrégularité l'intégralité du rapport d'expertise ;

2°/ qu'après avoir déclaré l'expertise du docteur [U] entachée d'irrégularité et prononcé la nullité de son rapport, la chambre de l'instruction n'a pas cancellé toutes les parties du rapport d'expertise médicale faisant explicitement référence à l'acte annulé ;

3°/ qu'en retenant, pour n'annuler que partiellement le rapport d'expertise, que d'autres parties de ce rapport étaient régulières, en ce qu'elles résultaient des propres analyses de Mme [D]-[E] puisqu'elles se référaient aux documents et pièces du dossier antérieures à l'intervention litigieuse du docteur [U], la chambre de l'instruction, qui a prononcé par voie de pure affirmation, n'a pas justifié sa décision ;

4°/ qu'il n'a pas été répondu au moyen faisant valoir que le rapport d'expertise était irrégulier en l'absence de prestation de serment du docteur [U].

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

Vu l'article 174, alinéa 2, du code de procédure pénale :

11. Selon ce texte, lorsque la chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulés par voie de conséquence les actes qui ont pour support nécessaire l'acte vicié.

12. Après avoir constaté l'irrégularité de l'intervention de M. [U], radiologue dont l'expert nommé pour procéder à l'expertise médicale s'est adjoint les services sans l'autorisation du juge d'instruction, et prononcé l'annulation du rapport d'analyse d'imagerie qu'il a réalisé, l'arrêt attaqué a procédé à l'annulation, par voie de conséquence, de certaines parties du rapport d'expertise médicale affectées par cette irrégularité, visées au dispositif.

13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé, pour les motifs qui suivent.

14. En premier lieu, il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que la chambre de l'instruction a omis de canceller des mentions de l'expertise médicale, cotées D 104/30 et D 104/31, reproduisant l'analyse du docteur [U] dans son rapport annulé.

15. En second lieu, elle n'a annulé que certaines parties du rapport d'expertise médicale alors que celui-ci, qui se prononce sur la nature, la cause et l'évolution des lésions constatées sur la victime, trouve son support nécessaire dans le rapport annulé ayant procédé à la description et à l'analyse des lésions observées en imagerie.

16. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation sera limitée aux seules dispositions de l'arrêt ayant refusé d'annuler certaines parties du rapport d'expertise médicale de Mme [D]-[E] et l'ayant partiellement cancellé, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 6 décembre 2024, mais en ses seules dispositions ayant refusé d'annuler certaines parties du rapport d'expertise médicale de Mme [D]-[E] et l'ayant partiellement cancellé, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-87.317
Date de la décision : 18/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 18 jui. 2025, pourvoi n°24-87.317


Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.87.317
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