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18/06/2025 | FRANCE | N°24-83.671

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 18 juin 2025, 24-83.671


N° T 24-83.671 F-B

N° 00854


ECF
18 JUIN 2025


CASSATION SANS RENVOI


M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JUIN 2025



Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'ordonnance de la présidente de la chambre de l'application des peines

de ladite cour d'appel, en date du 17 mai 2024, qui a confirmé l'ordonnance du juge de l'application des peines compétent en matière de terrorisme s'étant dé...

N° T 24-83.671 F-B

N° 00854


ECF
18 JUIN 2025


CASSATION SANS RENVOI


M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JUIN 2025



Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'ordonnance de la présidente de la chambre de l'application des peines de ladite cour d'appel, en date du 17 mai 2024, qui a confirmé l'ordonnance du juge de l'application des peines compétent en matière de terrorisme s'étant déclaré incompétent pour connaître de la demande de permission de sortir de M. [V] [D].

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [V] [D], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [V] [D] a été condamné le 3 décembre 2023 par la cour d'assises de Paris spécialement composée en matière de terrorisme, à six ans d'emprisonnement pour participation à une association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes.

3. Il a formé une demande de permission de sortir, qui a été transmise par le greffe de l'établissement pénitentiaire au juge de l'application des peines de Paris compétent en matière de terrorisme.

4. Par ordonnance du 15 mars 2024, ce dernier a constaté son incompétence pour connaître de la situation de M. [D].

5. Le ministère public a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé la décision d'incompétence du juge de l'application des peines compétent en matière de terrorisme à l'égard de la situation de M. [D], au motif que celui-ci n'a pas été condamné pour des infractions à caractère terroriste, alors qu'il résulte des articles 706-17 et 706-22-1 du code de procédure pénale que ce magistrat exerce une compétence exclusive pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées par les juridictions ayant statué selon leur compétence spéciale en matière de terrorisme, prévue par l'article 706-16 du même code, laquelle comprend les actes de terrorisme mais également les infractions connexes.

Réponse de la Cour

Vu les articles 706-16, 706-17 et 706-22-1 du code de procédure pénale :

7. Selon le dernier de ces textes, par dérogation aux dispositions de l'article 712-10 du même code, sont seuls compétents le juge de l'application des peines du tribunal judiciaire de Paris, le tribunal de l'application des peines de Paris et la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées par le tribunal correctionnel, la cour d'assises, le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs de Paris statuant en application de l'article 706-17, quel que soit le lieu de détention ou de résidence du condamné.

8. Il résulte des deux premiers que les juridictions d'instruction et de jugement de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52 et 382 du code de procédure pénale, pour la poursuite, l'instruction et le jugement des actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal, ainsi que des infractions connexes.

9. Pour dire que le juge de l'application des peines compétent en matière de terrorisme est incompétent pour connaître de la demande de permission de sortir de M. [D], l'ordonnance attaquée énonce que l'article 706-22-1 du code de procédure pénale, qui donne compétence à ce magistrat pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées par les juridictions statuant en application de l'article 706-17 du même code, est dérogatoire à la règle générale de compétence des juridictions de l'application des peines, et doit s'apprécier strictement. Ce dernier article renvoie à l'article 706-16 du même code, qui limite aux actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal, ainsi qu'aux infractions connexes, le champ d'application des dispositions spécifiques à la poursuite, à l'instruction et au jugement des actes de terrorisme.

10. Le juge retient que, si cette règle de compétence n'opère aucune distinction selon la nature des infractions, de sorte que les autorités de poursuite et les juridictions de jugement peuvent connaître des infractions de droit commun connexes à des infractions de nature terroriste, cette connexité ne peut être retenue au stade de l'exécution de la peine, car le juge de l'application des peines n'assure pas le suivi d'une affaire déterminée mais le suivi individuel des personnes condamnées.

11. Le juge en déduit que la compétence du juge de l'application des peines de Paris spécialisé en matière de terrorisme est limitée aux personnes condamnées pour des faits de terrorisme pour lesquels des dispositions particulières, liées à la nature de l'infraction, ont été érigées au stade de l'application des peines, notamment en matière de réductions de peine et de mesures de sûreté.

12. En statuant ainsi, la chambre de l'application des peines a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

13. En effet, la juridiction d'application des peines spécialisée en matière de terrorisme est compétente à l'égard de toutes les personnes condamnées par les juridictions spécialisées en matière de terrorisme, même en raison de faits connexes à des infractions terroristes.

14. La cassation est par conséquent encourue.



Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation aura lieu sans renvoi.

16. En effet, le condamné effectuant désormais sa peine sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique depuis le 30 octobre 2024, en exécution d'un jugement du juge de l'application des peines du 15 octobre 2024, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de permission de sortir qu'il avait présentée pendant qu'il était incarcéré, et qui est devenue sans objet.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée de la présidente de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 17 mai 2024 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, chambre de l'application des peines, et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-83.671
Date de la décision : 18/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 18 jui. 2025, pourvoi n°24-83.671, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.83.671
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