COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 346 F-D
Pourvoi n° N 24-17.357
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JUIN 2025
M. [H] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 24-17.357 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2024 par la cour d'appel de Bourges (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [Y] [I], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [J], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [I], après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 11 avril 2024) et les productions, M. [J] a fait réaliser des travaux de rénovation dans un immeuble lui appartenant par la société Etablissements [I] [Y], lesquels ont été réceptionnés le 5 août 2015 et réglés le 12 août suivant.
2. Le 30 juin 2016, l'assemblée générale de la société Etablissements [I] [Y] a décidé la dissolution anticipée de la société et désigné M. [I] en qualité de liquidateur amiable, lequel a procédé le 13 novembre 2017 à la clôture des opérations de liquidation.
3. Invoquant l'apparition de désordres, M. [J] a assigné en référé la société Etablissements [I] [Y] aux fins d'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire, laquelle a été ordonnée le 15 mars 2017, le rapport étant déposé le 1er août 2019.
4. Au vu de ce rapport, M. [J] a assigné le 27 février 2020 la société Etablissements [I] [Y], prise en la personne de son liquidateur amiable, pour qu'elle soit déclarée responsable des désordres et condamnée à lui payer la somme de 33 970,82 euros correspondant au coût des travaux de remise en état, outre 10 000 euros en réparation d'un préjudice de jouissance.
5. Par une ordonnance du 2 mars 2021, le juge de la mise en état a annulé l'assignation après avoir considéré que les demandes étaient dirigées contre une personne dépourvue du pouvoir de représenter la personne morale, le liquidateur amiable ne pouvant plus représenter la société après la clôture des opérations de liquidation amiable.
6. Le 27 avril 2021, soutenant que M. [I] avait commis une faute en sa qualité de liquidateur amiable de la société Etablissements [I] [Y], en omettant sciemment de provisionner dans les comptes de dissolution sa créance au titre de la reprise des désordres des travaux, M. [J] l'a assigné aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 43 970,82 euros en réparation de son préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir le paiement de la créance qui lui était due par la société Etablissements [I] [Y].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [J] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action par lui engagée à l'encontre de M. [I], en sa qualité de liquidateur amiable de la société Etablissements [I] [Y], alors « que l'action en responsabilité contre le liquidateur amiable se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; que toutefois, lorsque la créance contre la société liquidée n'est établie que postérieurement à cette date, le délai de prescription de l'action engagée par le créancier contre le liquidateur amiable, au titre des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions, ne commence à courir que du jour où les droits du créancier ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée ; qu'en l'espèce, il s'infère des constatations même de l'arrêt que la clôture de la procédure de liquidation amiable de la société Etablissements [I] [Y] est intervenue dès le 13 novembre 2017, soit au cours de l'expertise judiciaire qui avait été ordonnée pour établir l'imputabilité des désordres affectant l'immeuble de M. [J] à la société dissoute, le rapport d'expertise n'ayant été déposé que le 1er août 2019, et donc avant que M. [J] n'ait pu solliciter et obtenir la condamnation judiciaire de la société, l'action en responsabilité contre celle-ci n'ayant été engagée que le 27 février 2020 et ayant échoué en raison précisément de la clôture prématurée de la procédure de liquidation amiable, qui avait fait perdre à M. [I] son pouvoir de représentation ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de toute décision de justice établissant la créance de M. [J] contre la société liquidée, le délai triennal de prescription de l'action en responsabilité dirigée contre le liquidateur amiable, justifiée par la clôture prématurée de la liquidation judiciaire et le défaut de provisionnement de la créance litigieuse, n'avait pas même commencé à courir lorsque M. [J] a fait assigner en responsabilité M. [I] le 27 avril 2021 ; qu'en considérant néanmoins que ce délai avait couru dès le jour où M. [J] aurait été informé de la clôture des opérations de liquidation amiable de la société Etablissements [I] [Y], qui constituait le fait dommageable, pour en déduire que l'action en responsabilité était irrecevable comme prescrite, la cour d'appel a violé les articles L.237-12 et L. 225-254 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de la combinaison des articles L. 237-12 et L. 225-254 du code de commerce que l'action en responsabilité contre le liquidateur amiable se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.
9. Après avoir énoncé que le fait dommageable fondant l'action de M. [J] consiste en la clôture des opérations de liquidation amiable de la société Etablissements [I] [Y], sans avoir constitué provision de la créance que celui-ci prétendait détenir et ce, alors même que M. [I], en sa qualité de liquidateur amiable, ne pouvait ignorer qu'elle était susceptible d'être débitrice d'une indemnité importante au titre des malfaçons affectant les travaux de rénovation réalisés, l'arrêt relève que M. [J] avait, le 17 janvier 2017, assigné en référé expertise cette société « prise en la personne de son liquidateur amiable [Y] [I] ». Il retient que M. [I] justifie avoir adressé par courrier électronique du 26 février 2018, à l'expert judiciaire un extrait K-bis de la société Etablissements [I] [Y] mentionnant l'existence de cette procédure de liquidation amiable et la clôture desdites opérations avec radiation du RCS le 29 novembre 2017, pour en déduire qu'il en résulte nécessairement que M. [J] avait été informé par l'expert judiciaire le 26 février 2018 de la clôture des opérations de liquidation amiable de la société Etablissements [I] [Y] et de la radiation de celle-ci du RCS constituant le fait dommageable fondant son action, de sorte qu'en l'absence ainsi de toute dissimulation de celui-ci, le délai de trois ans prévu à l'article L. 225-254 du code de commerce avait nécessairement commencé à courir à cette date pour s'achever le 26 février 2021.
10. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, desquelles il ressort, d'un côté, que M. [J] était informé de l'ouverture de la procédure de liquidation amiable lorsqu'il a assigné la société en référé, puis, en cours d'expertise, de sa clôture et de la radiation de la société au registre du commerce et des sociétés, et, de l'autre, que ses droits de créancier n'avaient pas été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée, la cour d'appel a exactement retenu que son action en responsabilité engagée contre le liquidateur était prescrite pour avoir été formée plus de trois ans après la date à laquelle, au plus tard, il a été informé de la clôture de la liquidation.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.