COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 343 F-B
Pourvoi n° B 24-14.311
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JUIN 2025
M. [H] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 24-14.311 contre l'arrêt rendu le 21 février 2024 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Le Mont-Blanc, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société [J] [Y], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [J] [Y], en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Le Mont-Blanc,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [Z], de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Le Mont-Blanc, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 21 février 2024), le 10 avril 2019, la société Le Mont-Blanc a été mise en redressement judiciaire, la société [J] [Y] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.
2. Le 6 juin 2019, M. [Z] a déclaré au passif de la société Le Mont-Blanc une créance d'un montant total de 700 000 euros correspondant à une première somme d'un montant de 500 000 euros, objet d'une reconnaissance de dette, et à une seconde somme d'un montant de 200 000 euros au titre d'un investissement dans un projet immobilier de la société Le Mont-Blanc.
3. Le 10 juin 2020, un plan de redressement par voie de continuation de la société Le Mont-Blanc a été arrêté, la société [J] [Y] étant désignée commissaire à l'exécution de ce plan.
4. A la suite de la contestation, par la société Le Mont-Blanc, de la créance que M. [Z] avait déclarée à son passif, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 2 avril 2021, constaté l'existence d'une contestation sérieuse et invité M. [Z] à saisir le tribunal compétent aux fins de faire fixer sa créance.
5. Le 3 mai 2021, M. [Z] a assigné les sociétés Le Mont-Blanc et [J] [Y] aux fins de voir fixer sa créance à la somme de 700 000 euros.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. M. [Z] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la société Le Mont-Blanc, alors :
« 1°/ que la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui ont agi au nom de celle-ci lorsqu'elle était en formation peut résulter de l'accord ou de la volonté des parties de substituer la société en formation aux personnes qui ont agi au nom de celle-ci ; qu'en retenant, pour exclure toute reprise par la société Le Mont-Blanc du prêt de 500 000 euros qui avait été consenti par M. [Z] à M. [I] [X] au nom de la société en formation, que M. [Z] avait conclu un contrat de réservation et une reconnaissance de dette le 12 avril 2016 avec M. [I] [X] et non avec la société Le Mont-Blanc, que le contrat de réservation mentionnait clairement que le réservant était M. [I] [X], gérant de société, et que la société Le Mont-Blanc était représentée à l'acte par ce dernier, associé de ladite société et cogérant, que la société Le Mont-Blanc n'était évoquée dans aucune autre clause du contrat, que la reconnaissance de dette présentait comme débiteur M. [I] [X] à l'égard de M. [Z], la clause relative aux modalités de remboursement stipulant que celui-ci s'effectuerait par la remise à titre de dation de quatre appartements de type F2 et un appartement de type F3, outre cinq parkings dans l'immeuble à construire faisant l'objet du contrat de réservation, et que cet acte ne faisait aucune référence à un engagement par anticipation d'une société en formation telle que la société Le Mont-Blanc, que compte tenu de ces éléments résultant de la seule lecture des deux actes, il convenait de faire application des textes relatifs aux obligations des sociétés en formation selon lesquels la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui avaient agi au nom de cette société lorsqu'elle était en formation ne pouvait résulter que de la signature des statuts ou d'un mandat donné avant l'immatriculation de la société et déterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités, les engagements à prendre ou, enfin, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés et qu'en l'espèce, les actes ne faisaient pas référence à l'engagement de la société Le Mont-Blanc, sans rechercher si la reprise par la société Le Mont-Blanc du prêt de 500 000 euros souscrit par M. [I] [X], qui avait agi au nom de celle-ci lorsqu'elle était en formation, ne résultait pas de l'accord ou de la volonté des parties de substituer la société en formation à la personne qui avait agi au nom de celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1843 du code civil et 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;
2°/ que la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui ont agi au nom de celle-ci lorsqu'elle était en formation peut résulter de l'accord ou de la volonté des parties de substituer la société en formation aux personnes qui ont agi au nom de celle-ci ; qu'en toute hypothèse, en retenant ainsi, pour exclure toute reprise par la société Le Mont-Blanc du prêt de 500 000 euros qui avait été consenti par M. [Z] à M. [I] [X] au nom de la société en formation, que M. [Z] avait conclu un contrat de réservation et une reconnaissance de dette le 12 avril 2016 avec M. [I] [X] et non avec la société Le Mont-Blanc, que le contrat de réservation mentionnait clairement que le réservant était M. [I] [X], gérant de société, et que la société Le Mont-Blanc était représentée à l'acte par ce dernier, associé de ladite société et cogérant, que la société Le Mont-Blanc n'était évoquée dans aucune autre clause du contrat, que la reconnaissance de dette présentait comme débiteur M. [I] [X] à l'égard de M. [Z], la clause relative aux modalités de remboursement stipulant que celui-ci s'effectuerait par la remise à titre de dation de quatre appartements de type F2 et un appartement de type F3, outre cinq parkings dans l'immeuble à construire faisant l'objet du contrat de réservation, et que cet acte ne faisait aucune référence à un engagement par anticipation d'une société en formation telle que la société Le Mont-Blanc, que compte tenu de ces éléments résultant de la seule lecture des deux actes, il convenait de faire application des textes relatifs aux obligations des sociétés en formation selon lesquels la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui avaient agi au nom de cette société lorsqu'elle était en formation ne pouvait résulter que de la signature des statuts ou d'un mandat donné avant l'immatriculation de la société et déterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités, les engagements à prendre ou, enfin, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés et qu'en l'espèce, les actes ne faisaient pas référence à l'engagement de la société Le Mont-Blanc, quand la reprise par la société Le Mont-Blanc du prêt de 500 000 euros souscrit par M. [I] [X], qui avait agi au nom de celle-ci lorsqu'elle était en formation, pouvait résulter de l'accord ou de la volonté des parties de substituer la société en formation à la personne qui avait agi au nom de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 1843 du code civil et 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978. »
Réponse de la Cour
8. La reprise d'un acte accompli au cours de la période de formation d'une société ne peut résulter du seul accord ou de la seule volonté, à les supposer établis, des parties de substituer la société à la personne qui a souscrit l'engagement, mais doit satisfaire aux conditions requises par les dispositions législatives et réglementaires régissant spécifiquement les modalités de reprise des engagements souscrits au nom ou pour le compte d'une société en formation.
9. Le moyen, qui postule contraire, n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
10. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en tout état de cause, en déboutant M. [Z] de sa demande tendant à voir juger qu'il était créancier à l'égard de la société Le Mont-Blanc d'une somme de 200 000 euros, sans répondre à ses conclusions faisant valoir que cette somme avait été versée à la société Le Mont-Blanc et qu'elle devait lui être restituée sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
12. Pour rejeter la demande de fixation de la somme de 200 000 euros au passif de la société Le Mont-Blanc, l'arrêt retient que l'acte de réservation du 12 avril 2016 et la reconnaissance de dette des 12 et 26 avril 2016 n'ont pas fait l'objet d'une reprise par cette société.
13. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [Z], qui soutenait, à titre subsidiaire, que sa demande devait être accueillie sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il rejette la demande de M. [Z] tendant à voir dire qu'il est créancier d'une somme de 200 000 euros à l'égard de la société Le Mont-Blanc et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne la société Le Mont-Blanc aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.