COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 342 F-D
Pourvoi n° X 24-13.893
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JUIN 2025
L'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Champagne-Ardenne, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 6], a formé le pourvoi n° X 24-13.893 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2024 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société So Far Away Holding UG, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 1] (Allemagne),
2°/ à la société [O] [B] [L], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], en la personne de M. [G] [L], prise en qualité de liquidateur de la société Fse sécurité Grand-Est,
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Metz, domicilié en son parquet général Palais de Justice, [Adresse 5], [Localité 7],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Champagne-Ardenne, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société So Far Away Holding UG, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 janvier 2024), rendu sur renvoi après cassation (Com., 25 mai 2022, pourvoi n° 19-24.470), l'Urssaf de Champagne-Ardenne (l'Urssaf) a notifié à la société Fse sécurité Grand-Est (la société Fse sécurité) plusieurs mises en demeure en raison d'impayés de cotisations sociales à compter du mois de décembre 2016. Le 2 août 2017, l'Urssaf l'a informée de sa décision de reprendre les poursuites, compte tenu du non-respect de l'échéancier qu'elle lui avait accordé. Le 3 septembre 2017, la commission des chefs des services financiers a notifié à la société Fse sécurité sa décision de ne pas donner une suite favorable à sa demande de plan de règlement des dettes fiscales et sociales.
2. Le 9 octobre 2017, les actions de la société Fse sécurité ont été cédées à la société So Far Away Holding UG (la société So Far Away), de droit allemand, qui en est devenue l'associé unique. Il a été procédé le même jour à la dissolution sans liquidation de la société Fse sécurité, cette décision étant publiée dans un journal d'annonces légales le 13 novembre 2017. Le 6 décembre 2017, la société Fse sécurité a cédé son fonds de commerce à la société Fse, alors en cours d'immatriculation. Le 5 janvier 2018, la société Fse sécurité a été radiée du registre du commerce et des sociétés, cette radiation étant publiée au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 11 janvier 2018.
3. Se prévalant d'une créance contre la société Fse sécurité, l'Urssaf l'a assignée en ouverture d'une procédure de redressement et subsidiairement de liquidation judiciaires. Invoquant la perte de la personnalité morale de la société Fse sécurité, la société So Far Away a soulevé la nullité de la procédure.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'Urssaf fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'assignation, d'annuler le jugement et d'ordonner la radiation du registre du commerce et des sociétés des mentions relatives à la procédure de liquidation judiciaire de la société Fse sécurité, alors « qu'un créancier peut se prévaloir du principe suivant lequel la fraude corrompt tout pour remettre en cause la dissolution sans liquidation d'une société si la société bénéficiaire de la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute a mis en uvre un processus lui ayant permis de priver d'efficacité la faculté d'opposition ouverte par l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil ; qu'en se bornant à juger que l'Urssaf de Champagne-Ardenne n'établissait pas que la vente par la société Fse sécurité de son fonds de commerce pour la somme de 100 000 euros le 6 décembre 2017, réalisée quelques jours seulement avant la fin du délai de 30 jours laissé aux créanciers pour s'opposer à la dissolution, avait été consentie afin de priver d'efficacité l'éventuelle opposition de l'Urssaf contre cette décision, tout en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si la société Fse, cessionnaire du fonds, en cours d'immatriculation au moment de la cession et créée pour l'occasion, ne s'était pas abstenue de faire publier ladite cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard au regard du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir relevé que la décision de la société So Far Away de dissoudre la société Fse sécurité avait été publiée dans un journal d'annonces légales le 13 novembre 2017 et en avoir déduit que les exigences de publication de l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil avaient été respectées, l'arrêt retient qu'à supposer qu'une erreur ait été commise dans cette publication, s'agissant de la date de dissolution qui y aurait été mentionnée, selon l'Urssaf qui n'en justifie cependant pas, au 9 octobre 2017 au lieu du 9 novembre 2017, celle-ci est indifférente dans la mesure où c'est la date de publication qui fait courir le délai pour faire opposition à la dissolution de la société, de sorte que l'erreur invoquée, à supposer même qu'elle soit imputable à la société So Far Away, n'était pas de nature à faire obstacle au recours dont disposait l'Urssaf et ne saurait par conséquent constituer une manuvre frauduleuse. L'arrêt ajoute que l'identité de gérant des sociétés Fse sécurité et So Far Away et l'absence de règlement, par cette dernière, de la créance de l'Urssaf, n'établissent pas la volonté de la société So Far Away de priver d'efficacité la faculté d'opposition prévue à l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil et qu'il n'est pas établi que la vente, par la société Fse sécurité, de son fonds de commerce, quelques jours seulement avant l'expiration du délai de trente jours laissé à l'Urssaf pour s'opposer à la dissolution de cette société avait été réalisée afin de priver d'efficacité son éventuelle opposition. L'arrêt en déduit que l'Urssaf ne rapporte pas la preuve que la société So Far Away a commis des manuvres frauduleuses destinées à priver d'efficacité son recours pour s'opposer à la dissolution de la société Fse sécurité.
6. En l'état de ces constatations et appréciations, rendant inopérante la recherche prétendument omise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Champagne-Ardenne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Champagne-Ardenne et la condamne à payer à la société So Far Away Holding UG la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.