COMM.
LC
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 345 F-D
Pourvoi n° V 23-23.731
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JUIN 2025
M. [P] [S] [L] [R], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 23-23.731 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2023 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la directrice générale des finances publiques, en la personne de la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du Département des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, plusieurs moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R], de la SCP Froussard et Froger, avocat de la directrice générale des finances publiques, en la personne de la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 10 juillet 2023), rendu sur renvoi après cassation (Com., 25 mai 2022, pourvoi n° 19-21.414), [F] [R] est décédée le [Date décès 2] 1998, en laissant notamment pour lui succéder M. [R], son fils. Le 28 octobre 2002, l'administration fiscale, après avoir constaté qu'aucune déclaration de succession n'avait été souscrite, a procédé à une taxation d'office des droits de succession et notifié à M. [R] un redressement d'un montant total de 165 412 euros. Le 26 février 2004, elle a émis un avis de mise en recouvrement d'un montant de 162 730 euros, soit 92 460 euros de droits et 70 270 euros de pénalités.
2. Le 11 mars 2004, M. [R] a contesté le redressement, demandé la décharge de l'imposition et sollicité l'octroi d'un sursis au paiement des sommes dues, puis a déposé, le 24 mai 2004, une déclaration de succession et remis un chèque de 2 457 euros à l'administration fiscale, que celle-ci a encaissé.
3. Le 28 juin 2006, l'administration fiscale a accueilli partiellement la réclamation de M. [R] en procédant à un dégrèvement d'un montant total de 93 905 euros et en abandonnant la rectification de l'actif successoral portant sur un immeuble sis à [Localité 4], tout en précisant qu'elle envisageait de reprendre la procédure de taxation concernant ce bien immobilier.
4. Contestant cette décision, M. [R] a assigné l'administration fiscale. Par un jugement du 9 septembre 2008, confirmé en appel, un tribunal a dit n'y avoir lieu à annulation de la décision du 28 juin 2006 et a statué sur les redressements opérés par l'administration fiscale sans se prononcer sur les contestations portant sur l'évaluation de l'immeuble sis à Terreville.
5. Le 30 octobre 2006, l'administration fiscale a adressé une proposition de rectification, annulée et remplacée par une nouvelle proposition le 15 novembre 2007, fixant la valeur du bien immobilier sis à [Localité 4] à 273 759,30 euros. Après rejet de sa demande de dégrèvement, M. [R] a assigné l'administration fiscale devant le même tribunal qui, par jugement du 23 octobre 2012, non frappé d'appel, a accueilli partiellement sa demande en fixant la valeur de l'immeuble à 161 857,93 euros.
6. Le 1er mars 2013, l'administration a notifié à M. [R] le montant des droits de succession restant dus, fixés, après déduction du versement de 2 457 euros, à la somme de 77 265,56 euros, dont 26 701 euros représentaient des intérêts de retard. Le 28 mars 2013, M. [R] a contesté ce dégrèvement. Le 23 mars 2015, l'administration fiscale a finalement accordé à M. [R] une remise des pénalités dues de 19 000 euros, soit 13 800 euros sur les intérêts de retard qu'elle fixait à 26 701 euros, et 5 200 euros sur la majoration d'assiette, ramenant le solde dû par la succession au titre des droits et pénalités à 80 507 euros.
7. Le 6 juin 2015, M. [R] a sollicité le remboursement de la somme de 2 457 euros, qu'il affirmait avoir versée à titre de "caution", et non "d'acompte". Après rejet partiel de sa contestation, il a assigné l'administration fiscale aux fins d'obtenir le remboursement de la somme de 2 457 euros et d'un trop-versé de 8 428 euros.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir le remboursement d'un trop-versé sur les droits et pénalités dus par les héritiers de [F] [R], de constater que sa demande tendant à obtenir le remboursement de la somme de 2 457 euros assortie des intérêts moratoires a été satisfaite et est devenue sans objet et de limiter la condamnation de la direction générale des finances publiques à la somme de 256,13 euros au titre du solde des intérêts moratoires dus sur la somme de 2 457 euros remboursée le 7 février 2023, alors « qu'en retenant que le point d'arrêt des intérêts moratoires ayant couru sur la somme de 2 457 euros restituée par l'administration fiscale à M. [R] devait être fixé au 7 février 2023, date à laquelle l'administration avait procédé au virement de cette somme au profit de M. [R], et non au 9 février 2023, même si la somme de 2 457 euros n'avait été créditée sur son compte bancaire qu'à cette date, quand le point d'arrêt des intérêts moratoires dus en cas de restitution de sommes par l'administration fiscale correspond, non pas à la date à laquelle elles ont fait l'objet d'un paiement, en droit, mais à la date à laquelle elles ont été effectivement restituées, en fait, au contribuable, c'est-à-dire, en l'espèce, à la date à laquelle le compte bancaire de M. [R] avait été effectivement crédité de la somme de 2 457 euros, soit le 9 février 2023, la cour d'appel a violé les articles L. 208 et R.* 208-2 du livre des procédures fiscales ;
2°/ qu'en relevant que le point d'arrêt des intérêts moratoires ayant couru sur la somme de 2 457 euros restituée par l'administration fiscale à M. [R] devait être fixé au 7 février 2023, date à laquelle l'administration avait procédé au virement de cette somme au profit de M. [R], conformément à la doctrine fiscale publiée le 7 juillet 2021 au BOFIP sous la référence BOI-CTX-DG-20-50-30 produite aux débats par l'administration, quand une telle doctrine, qui était défavorable à M. [R], ne pouvait lui être opposée ni par les services fiscaux, ni par les juges de l'impôt, la cour d'appel a violé l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte des articles 1239, devenu 1342-2, et 1937 du code civil que le virement vaut paiement dès réception des fonds par le banquier du bénéficiaire, qui les détient pour le compte de son client.
10. Selon l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires qui courent du jour du paiement.
11. Selon les articles R.* 208-1 et R.* 208-2 du même code, ces intérêts moratoires, qui sont calculés sur la totalité des sommes remboursées au contribuable au titre de l'impôt objet du règlement, courent jusqu'au jour du remboursement.
12. Il s'en déduit qu'en présence d'un remboursement effectué au contribuable, par virement bancaire, de sommes indûment perçues par l'Etat, les intérêts moratoires dus sur ces sommes, qui visent à réparer le préjudice subi par le contribuable résultant de l'indisponibilité des sommes indûment versées en paiement d'impositions, courent du jour du paiement jusqu'au jour de la réception des fonds par le banquier du bénéficiaire, concomitante au débit du compte du donneur d'ordre, et non jusqu'à la date à laquelle les fonds ont été crédités sur le compte du bénéficiaire.
13. Le moyen, qui postule le contraire en sa première branche, et est inopérant en sa seconde branche, en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
14. M. [R] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à obtenir le remboursement d'un trop-versé sur les droits et pénalités dus par les héritiers de [F] [R], alors « qu'en relevant, pour considérer que M. [R] échouait à rapporter la preuve d'un quelconque trop-perçu par l'administration fiscale au détriment des héritiers de [F] [R], que la remise de 19 000 euros accordée par l'administration le 23 mars 2015 avait ramené le solde dû par la succession à 80 955 euros, alors que les héritiers n'avaient réglé qu'une somme inférieure de 78 498 euros, quand il résulte de ses propres motifs que la succession était redevable, avant la remise de 19 000 euros, de la somme de 91 527 euros en droits et pénalités, ce dont il résultait qu'elle n'était plus redevable, après cette remise, que d'une somme de 72 527 euros, inférieure à celle de 78 498 euros qu'elle avait réglée, de sorte que M. [R] était en droit d'obtenir le remboursement de la somme de 5 971 euros (78 498 - 72 527), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
15. Il résulte de l'appréciation souveraine de la cour d'appel que les droits dus étaient de 80 955 euros.
16. Le moyen, qui manque partiellement en fait, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à la directrice générale des finances publiques, prise en la personne de la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.