COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 334 F-D
Pourvoi n° K 23-23.032
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JUIN 2025
La société Parc éolien de l'Herbissonne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-23.032 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Siemens gamesa renewable energy, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Siemens gamesa renewable energy wind,
2°/ à la société Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica SL (société de droit espagnol) (SGREEOLICA), dont le siège est [Adresse 2] (Espagne), anciennement dénommée Gamesa Eolica SLU,
défenderesses à la cassation.
Les sociétés Siemens gamesa renewable energy, venant aux droits de la société Siemens gamesa renewable energy wind et Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica SL ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société Parc éolien de l'Herbissonne, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat des sociétés Siemens gamesa renewable energy, venant aux droits de la société de Siemens gamesa renewable energy wind et Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica SL, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2023), le 27 décembre 2013, la société Parc éolien de l'Herbissonne (la société PEH) a confié aux sociétés Siemens gamesa renewable energy (la société SGRE) et Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica (la société SGRE Eolica) la fourniture et l'installation d'un parc d'éoliennes.
2. Après avoir refusé de délivrer les certificats de fin de montage et de payer le solde du prix, soutenant que les installations livrées n'étaient pas conformes, la société PEH a assigné les sociétés SGRE et SGRE Eolica pour demander la livraison et la réparation des éoliennes. En cause d'appel, elle a demandé la résolution des contrats.
Sur le second moyen du pourvoi principal et le pourvoi incident
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. La société PEH fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer irrecevables ses demandes principales en résolution des contrats, restitution du prix partiellement payé et du solde du prix séquestré, paiement de pénalités bancaires, remboursement de travaux de construction et de charges et expertise et de la condamner à payer à la société SGRE Eolica la somme de 1 937 140 euros au titre du contrat de fourniture et à la société SGRE la somme de 3 308 040 euros TTC au titre du contrat de services, ces sommes avec intérêts contractuels au taux de 5,95 % à compter du 28 avril 2016, dont à déduire en priorité sur les intérêts échus les sommes payées à titre provisionnel, alors :
« 1°/ que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ; qu'ayant été assignée par les sociétés Gamesa en paiement de diverses sommes en exécution des contrats conclus le 27 décembre 2013, la société PEH était recevable à solliciter la résolution de ces mêmes contrats afin d'obtenir le rejet de leurs demandes, fût-ce pour la première fois en cause d'appel ; qu'en jugeant le contraire, après avoir constaté que les sociétés SGRE Eolica et SGRE réclamaient le paiement du solde des factures de fourniture et d'installation des éoliennes, la cour d'appel a violé les articles 564 et 567 du code de procédure civile ;
2°/ que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la survenance d'un fait ; que la décision unilatérale des sociétés SGRE et SGRE Eolica intervenue en cause d'appel de résilier les trois contrats conclus le 27 décembre 2013, faisant partie d'une opération unique et par suite indivisibles, constituait un fait nouveau qui, en ce qu'il interdisait toute exécution future du contrat de maintenance sans lequel le parc éolien ne pouvait fonctionner, justifiait la demande nouvelle de la société PEH tendant à ce qu'il soit tiré les conséquences de ce manquement grave et définitif des sociétés du groupe Siemens à exécuter leurs obligations contractuelles, solidaires et indivisibles ; qu'en jugeant cependant irrecevable la demande en résolution des contrats du 27 décembre 2013 de la société PEH, au motif erroné qu'elle ne justifierait pas que cette résiliation rendrait impossible le maintien de sa demande en exécution en nature de l'ensemble contractuel, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile, ensemble les articles 1184 et 1218 du code civil dans leur rédaction 2016 ;
3°/ que l'action en résolution et l'action en exécution d'une convention constituent sous deux formes différentes l'exercice du même droit et tendent aux mêmes fins ; qu'en retenant, pour juger irrecevable la demande de résolution des contrats formée par la société PEH, que la demande en résolution, qui vise à mettre à néant le contrat, ne tend pas aux mêmes fins que la demande d'exécution de travaux qui le laisse subsister, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile, ensemble l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ que le contractant victime d'une inexécution a la faculté de modifier son option entre poursuivre soit l'exécution du contrat, soit sa résolution tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée, les deux demandes, d'exécution forcée ou de résiliation, participant de l'exercice d'un même droit ; qu'en retenant, pour juger irrecevable la demande de résolution des contrats formée par la société PEH, que cette demande, qui vise à mettre à néant le contrat, ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande d'exécution des travaux en conformité aux stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles 566 du code de procédure civile et 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
6. Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
7. Aux termes de l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
8. Après avoir relevé qu'en première instance, la société PEH sollicitait la livraison et la réparation des éoliennes, demandant ainsi une réparation en nature des défauts de conformité, l'arrêt retient que sa demande en résolution des contrats était nouvelle en appel. Il ajoute que la demande en résolution, qui vise à mettre à néant le contrat, ne tend pas aux mêmes fins que la demande d'exécution de travaux qui le laisse subsister, de sorte que cette demande ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande d'exécution de travaux. Il retient encore que la demande en résolution de la société PEH, substituée à la demande en exécution dont le tribunal a été saisi par acte d'assignation, n'est pas une demande formée reconventionnellement.
9. Ayant ainsi, à bon droit, retenu que la demande principale en résolution des contrats ainsi que celles subséquentes en restitution du prix partiellement payé et du solde du prix séquestré, en paiement de pénalités bancaires, de remboursement de travaux de construction et de charges étaient nouvelles, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elles étaient irrecevables.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.