SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 668 FS-B
Pourvoi n° B 23-19.022
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JUIN 2025
La société Publicis Sapient France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 4], a formé le pourvoi n° B 23-19.022 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [U] [I], domicilié [Adresse 1], [Localité 3],
2°/ à Pôle emploi, devenu France travail, direction régionale d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 6],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Publicis Sapient France, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [I], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2023), M. [I] a été engagé en qualité de directeur du développement, le 12 juin 2001, par la société Duke, aux droits de laquelle vient la société Publicis Sapient France (la société). En dernier lieu, il occupait les fonctions de directeur associé.
2. Convoqué à un entretien préalable, avec mise à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute par lettre du 30 mars 2018.
3. Le 30 août 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des dommages-intérêts en raison des circonstances vexatoires de la rupture, alors :
« 1°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'enquête diligentée par l'employeur n'apparaissait pas suffisamment probante, la cour d'appel a relevé, d'une part, que le compte-rendu de l'entretien avec Mme [D] était partiellement tronqué concernant certains faits qu'elle décrivait, d'autre part, qu'il n'était pas produit le compte-rendu d'entretien de M. [G] à qui Mme [F] avait rapporté les faits dont elle avait été témoin, en outre, qu'aucune autre personne n'a été personnellement témoin des faits relatés par M. [H] dont le compte-rendu d'entretien comportait des passages tronqués, le nom des personnes citées étant caviardé, sans que ces faits soient corroborés par d'autres éléments, par ailleurs, que les faits décrits par Mme [H] n'étaient pas confirmés par d'autres témoins, de plus, que l'intégralité de l'enquête n'était pas versée aux débats puisque seulement cinq comptes-rendus sur les quatorze réalisés étaient produits, sans que la société le justifie, ne pouvant être alors exclu que ces comptes-rendus soient absents des pièces produites en raison de leur caractère favorable à M. [I] ou de ce qu'ils infirment tout ou partie des faits imputés à celui-ci et, enfin, que les conclusions de l'enquête, au demeurant non détaillées, n'étaient pas à même de suppléer cette absence de production, ce d'autant plus au regard des conditions de l'enquête critiquées de manière similaire par deux témoins ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter l'enquête interne et les différents comptes-rendus établis, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement moral et sexuel ; qu'il en résulte qu'en cas de licenciement d'un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne, à laquelle recourt l'employeur, informé de possibles faits d'agissements sexistes et harcèlement sexuel ou moral dénoncés par des salariés et tenu envers eux d'une obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes dispositions nécessaires en vue d'y mettre fin et de sanctionner leur auteur, peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié ; qu'il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'enquête diligentée par l'employeur, qui n'était produite que de manière incomplète, n'apparaissait pas suffisamment probante, la cour d'appel a notamment relevé que l'intégralité de l'enquête n'était pas versée aux débats puisque seulement cinq comptes-rendus sur les quatorze réalisés étaient produits, et que, si la société affirme que cette absence de communication résulte de la volonté de salariés de conserver l'anonymat et de ne pas produire leur témoignage, cela n'est pas établi puisqu'elle ne verse pas aux débats de courriels adressés à ces derniers pour leur demander leur accord, ni de réponse de refus de leur part, alors qu'elle produit ces échanges de mails pour ceux y ayant consenti, outre qu'elle n'explique pas en quoi elle n'aurait pu anonymiser ces éléments ; qu'elle a ajouté que, dès lors, la société ne justifiant pas du motif allégué à ce titre, il ne pouvait être exclu que ces comptes-rendus soient absents des pièces produites en raison de leur caractère favorable à M. [I] ou de ce qu'ils infirment tout ou partie des faits imputés à celui-ci et, d'autre part, que les conclusions de l'enquête, au demeurant non détaillées, n'étaient pas à même de suppléer cette absence de production, ce d'autant plus au regard des conditions de l'enquête critiquées de manière similaire par deux témoins ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter le rapport d'enquête, alors que la société disposait de la liberté de communiquer tout ou partie du rapport et notamment de ne pas produire les comptes-rendus des salariés souhaitant conserver l'anonymat, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-5 et L. 1153-6 du code du travail ;
3°/ que le droit à la preuve ne peut porter atteinte à la vie privée et personnelle des salariés, à moins que cette atteinte soit indispensable à son exercice et proportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'enquête diligentée par l'employeur, qui n'était produite que de manière incomplète, n'apparaissait pas suffisamment probante, la cour d'appel a notamment relevé que des passages des comptes-rendus de Mme [D] et de M. [H] ont été tronqués, le nom des personnes citées étant caviardé ; qu'elle a également relevé que l'intégralité de l'enquête n'était pas versée aux débats puisque seulement cinq comptes-rendus sur les quatorze réalisés étaient produits, et que, si la société affirme que cette absence de communication résulte de la volonté de salariés de conserver l'anonymat et de ne pas produire leur témoignage, cela n'est pas établi puisqu'elle ne verse pas aux débats de courriels adressés à ces derniers pour leur demander leur accord, ni de réponse de refus de leur part, alors qu'elle produit ces échanges de mails pour ceux y ayant consenti, outre qu'elle n'explique pas en quoi elle n'aurait pu anonymiser ces éléments ; qu'elle a ajouté que, dès lors, la société ne justifiant pas du motif allégué à ce titre, il ne pouvait être exclu que ces comptes-rendus soient absents des pièces produites en raison de leur caractère favorable à M. [I] ou de ce qu'ils infirment tout ou partie des faits imputés à celui-ci et que les conclusions de l'enquête, au demeurant non détaillées, n'étaient pas à même de suppléer cette absence de production, ce d'autant plus au regard des conditions de l'enquête critiquées de manière similaire par deux témoins ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si en ne rompant pas l'anonymat des salariés qui n'avaient pas souhaité voir leur nom et témoignage produits en justice, l'employeur n'avait pas assuré le respect de leur vie privée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'il résulte des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique ou mentale des travailleurs ; qu'il prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements sexistes, de harcèlement moral et de harcèlement sexuel et d'y mettre fin ; qu'ainsi, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement, il est tenu de prendre les mesures immédiates propres à le faire cesser ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme [F] a relaté que M. [I] lui a affirmé ''Tu sais j'ai toujours eu envie de retirer les lunettes d'une femme avant de la violer'' alors qu'elle était seule avec lui et portait ses lunettes de vue, ou encore ''rappelle-moi, on a baisé encore ou pas ?'', qu'il lui a montré sur son téléphone une photo où il portait un tee-shirt, laissant apparaître ses testicules et qu'il lui a dit, alors qu'elle souhaitait lui emprunter le chargeur de son téléphone, ''oui mais tu me donnes quoi en échange ? Tu me fais une pipe ?'' ; qu'elle a, en outre, constaté que, dans son compte-rendu, Mme [D] a exposé que, le 5 janvier 2018, M. [I] l'a reçue, accompagnée de M. [M], en disant ''Bienvenue dans l'équipe, tu vas passer à la casserole comme les autres'' ; qu'elle a, par ailleurs, relevé que M. [M] a relaté que le 5 janvier 2018, il a présenté Mme [D] à M. [I] et l'a entendu lui dire ''Tu vas passer à la casserole comme les autres'' ; qu'elle a encore relevé que M. [H] indiquait dans son compte-rendu que lors d'un déjeuner avec M. [I], celui-ci a évoqué son épouse en la désignant de ''pute'' ; qu'elle a, enfin, constaté que Mme [H] a précisé que, lors d'une réunion, alors qu'elle avait une main sur sa souris d'ordinateur, M. [I], qui se trouvait à côté, a posé sa main sur la sienne en la caressant de façon insistante et qu'elle lui a demandé d'arrêter ; que, pour considérer que l'enquête diligentée par l'employeur n'apparaissait suffisamment probante et ainsi décidé que, les faits imputés à M. [I] n'étant pas établis avec certitude, il y avait lieu de juger que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a notamment considéré que les témoignages de Mme [F], de M. [H] et de Mme [H] n'étaient corroborés par aucune autre personne ; qu'en statuant ainsi, en écartant des attestations relatant des faits susceptibles de caractériser des agissements sexistes ou de harcèlement sexuel justifiant que l'employeur prenne des mesures destinées à protéger la santé de ses salariées et ce, au motif erroné que les faits relatés dans chacune des attestations n'ont pas été confirmés par un autre témoin, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1152-4 et L. 1153-5 du code du travail, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code. »
Réponse de la Cour
6. En cas de licenciement d'un salarié en raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral ou d'agissements sexistes ou à connotation sexuelle, il appartient aux juges du fond d'apprécier la valeur probante d'une enquête interne produite par l'employeur, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.
7. La cour d'appel, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits par les parties, notamment le rapport de l'enquête interne à laquelle avaient conjointement recouru l'employeur et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), a d'abord relevé que les faits du 5 janvier 2018 dénoncés par Mme [D] dans son compte rendu d'entretien étaient décrits de manière assez semblable dans le compte rendu d'entretien de M. [M], mais que le compte rendu d'entretien de Mme [D] était partiellement tronqué concernant les autres faits qu'elle décrivait, sans permettre d'établir qu'elle en avait été personnellement témoin.
8. Elle a ensuite constaté, d'une part, que les faits dénoncés par Mme [F] n'étaient confirmés par aucune personne en ayant été témoin et qu'il n'était pas produit le compte rendu d'entretien de M. [G], entendu par la commission d'enquête, alors que celui-ci avait reçu en 2017 les confidences de Mme [F] concernant deux des quatre incidents dont elle disait avoir été victime de la part du salarié et, d'autre part, que les faits décrits par Mme [L] n'étaient confirmés par aucune autre personne bien que des salariés en aient été témoins selon l'intéressée.
9. Elle a encore retenu qu'aucune autre personne n'indiquait avoir été personnellement témoin des remarques faites par le salarié concernant son épouse telles que relatées par M. [H] et il n'apparaissait pas que celui-ci ait été personnellement témoin des autres faits évoqués par lui, outre que les passages de son compte rendu d'entretien y ayant trait avaient été tronqués, le nom des personnes citées étant caviardé, sans que ces faits ne soient corroborés par d'autres éléments.
10. Elle a enfin constaté que l'intégralité de l'enquête n'était pas versée aux débats puisque seulement cinq comptes rendus sur les quatorze entretiens réalisés étaient produits, que si la société affirmait que cette absence de communication résultait de la volonté de salariés de conserver l'anonymat et de ne pas produire leur témoignage, elle n'expliquait pas en quoi elle n'aurait pu anonymiser ces éléments, et a retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que la société ne justifiant pas du motif allégué à ce titre, il ne pouvait être exclu que ces comptes rendus soient absents des pièces produites par la société du fait de leur caractère favorable au salarié ou de ce qu'ils infirmaient précisément tout ou partie des faits imputés à ce dernier, les conclusions de l'enquête n'étant pas à même de suppléer à cette absence de production, ce d'autant plus au regard des conditions de l'enquête critiquées de manière similaire par deux témoins.
11. En l'état de ces constatations, dont il ressort qu'elle a apprécié la valeur probante du rapport d'enquête interne au regard des autres éléments de preuve produits, de part et d'autre, par les parties, la cour d'appel a estimé que les griefs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement n'étaient pas établis par des éléments suffisamment probants et que le doute devait dès lors profiter à l'intéressé.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour non-respect du droit d'accès aux données personnelles, alors :
« 1°/ que, selon l'article 15 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, la personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, l'accès auxdites données à caractère personnel ; que ne peuvent toutefois pas constituer une donnée à caractère personnel les courriels émis ou reçus par un salarié dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. [I] indiquait avoir pris attache de son employeur pour récupérer son dossier personnel et lui reprochait de s'être borné à lui communiquer ses seuls documents contractuels, à l'exclusion notamment des mails échangés à l'occasion de l'exécution du contrat de travail ; qu'elle a estimé que la réalité des mails concernant M. [I] n'était pas discutée et se trouvait corroborée par ceux produits par le salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'étaient en cause des courriels à caractère professionnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions de l'article 15 du règlement (UE) n° 2016/679 ;
2°/ que, selon l'article 15 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, la personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, l'accès auxdites données à caractère personnel ; que le droit d'accès aux données personnelles consacré par ces dispositions n'emporte pas un droit d'accès aux documents contenant ces données personnelles ; qu'en l'espèce, pour allouer à M. [I] de dommages-intérêts pour non-respect du droit d'accès aux données personnelles, la cour d'appel a relevé que, si la société a transmis à M. [I] un bon nombre d'éléments, elle n'a pas donné suite à sa demande relative aux courriels sans le moindre motif ; qu'en se fondant sur la seule absence de transmission des courriels demandés à M. [I] pour considérer que la société Publicis Sapient France avait manqué à son obligation de communication des données personnelles concernant le salarié sans rechercher si la société, dont elle a relevé qu'elle avait transmis à ce dernier ''un bon nombre d'éléments'', n'avait néanmoins pas communiqué les données personnelles contenues dans ces courriels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 15 du règlement (UE) n° 2016/679. »
Réponse de la Cour
14. Aux termes du point (1) de l'article 4 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), on entend par « données à caractère personnel » toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable (ci-après dénommée « personne concernée »), est réputée être une « personne physique identifiable » une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu'un nom, un numéro d'identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale.
15. Selon l'article 15, §§ 3 et 4, du RGPD relatif au « Droit d'accès de la personne concernée », la personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, l'accès auxdites données à caractère personnel. Le responsable du traitement fournit une copie des données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement, sous réserve que le droit d'obtenir une copie ne porte pas atteinte aux droits et libertés d'autrui.
16. Il en résulte, d'une part, que les courriels émis ou reçus par le salarié grâce à sa messagerie électronique professionnelle sont des données à caractère personnel au sens de l'article 4 du RGPD et, d'autre part, que le salarié a le droit d'accéder à ces courriels, l'employeur devant lui fournir tant les métadonnées (horodatage, destinataires
) que leur contenu, sauf si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte aux droits et libertés d'autrui.
17. La cour d'appel, après avoir relevé que le salarié avait demandé la communication des courriels émis ou reçu par lui dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, a constaté, procédant à la recherche prétendument omise, que la société s'était bornée à lui transmettre divers documents (de fin de contrat, bulletins de paie, prévoyance, documents relatifs à une place de parking, une voiture, documents contractuels, avis d'arrêt de travail, suivi individuel de santé, R.I.B, documents relatifs au licenciement) mais ne justifiait pas avoir communiqué ni les métadonnées ni le contenu des courriels émis ou reçus par lui, et n'invoquait aucun motif pour expliquer cette abstention.
18. La cour d'appel a pu en déduire que cette abstention était fautive et a constaté qu'elle avait causé à l'intéressé un préjudice dont elle a souverainement apprécié le montant.
19. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Publicis Sapient France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Publicis Sapient France et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.