LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 445 F-D
Pourvoi n° V 24-11.039
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 JUIN 2025
M. [E] [D], domicilié [Adresse 3] (Maroc), a formé le pourvoi n° V 24-11.039 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 3 , chambre 5), dans le litige l'opposant au procureur de la République près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2023), M. [D], de nationalité marocaine, a épousé le 26 octobre 2004 à [Localité 2] Mme [C] [L], de nationalité française.
2. Il a souscrit une déclaration de nationalité française le 7 décembre 2009 sur le fondement de l'article 21-2 du code civil qui a été enregistrée le 6 décembre 2010.
3. En 2019, le ministère public a introduit une action en annulation de cet enregistrement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [D] fait grief à l'arrêt d'annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 7 décembre 2009, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, et de juger qu'il n'est pas français, alors « que l'infidélité de l'époux au cours du mariage n'est susceptible d'exclure la condition de communauté de vie affective entre les époux, prévue par l'article 21-2 du code civil, à la date de la déclaration acquisitive de nationalité, que si elle constitue une violation grave ou répétée du devoir de fidélité ; qu'en retenant, pour juger que la communauté de vie affective entre M. [D] et Mme [L] avait cessé à la date de la souscription de la déclaration acquisitive de nationalité, soit le 7 décembre 2009, que « le premier enfant qu'il a eu avec Mme [Y] [P] était déjà conçu à cette date », cependant que la circonstance qu'un enfant, issu d'une relation extra-conjugale de M. [D], était conçu à la date de la souscription de la déclaration acquisitive de nationalité ne constituait pas une violation grave ou répétée du devoir de fidélité, de sorte qu'elle ne suffisait pas à retenir que la communauté de vie affective avait cessé entre les époux, la cour d'appel a violé l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article 21-2 alinéa 1er du code civil que seul le défaut de communauté de vie tant affective que matérielle au sens du droit de la nationalité fait obstacle à l'enregistrement de la déclaration de nationalité française à raison du mariage.
6. Dès lors, le moyen qui reproche à la cour d'appel de n'avoir pas constaté une méconnaissance grave et renouvelée du devoir de fidélité est inopérant.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
7. M. [D] fait grief à l'arrêt d'annuler l'enregistrement intervenu le 6 décembre 2019 de la déclaration de nationalité française souscrite le 7 décembre 2009, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, et de juger qu'il n'est pas français, alors « que la condition de communauté de vie affective, prévue par le premier alinéa de l'article 21-2 précité, doit s'apprécier au regard des circonstances de fait intervenues au cours du mariage et jusqu'à la date d'enregistrement de la déclaration de la nationalité française ; qu'en retenant, pour juger que la communauté de vie affective entre M. [D] et Mme [L] avait cessé à la date de la souscription de la déclaration acquisitive de nationalité, soit le 7 décembre 2009, que « la naissance du second enfant avec Mme [Y] [P] confirme nécessairement la cessation de la communauté de vie avec Mme [C] [L], étant précisé que de surcroît, les deux enfants sont nés au Canada et que M. [E] [R] [D] a épousé Mme [Y] [P] », cependant que les circonstances de fait tirées de la nouvelle union de M. [D], le 23 juin 2012, et de la naissance d'un second enfant issu de cette union, le 11 octobre 2012, étaient postérieures à la déclaration acquisitive de nationalité, de sorte qu'elles ne pouvaient justifier d'exclure toute communauté de vie affective à la date de cette déclaration, la cour d'appel a derechef violé l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006. »
Réponse de la Cour
8. S'il résulte de l'article 21-2, alinéa 1er, du code civil, que l'acquisition de la nationalité française par déclaration suppose qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage, elle ne prive pas le juge de prendre en considération l'ensemble des circonstances, antérieures ou postérieures au divorce des époux pour caractériser l'existence d'une telle communauté de vie à la date de la souscription de cette déclaration.
9. Ayant souverainement relevé d'une part, que M. [D] avait eu un enfant, né le 8 mai 2010 au Canada, avec Mme [P] alors qu'il était encore dans les liens du mariage avec Mme [L], que cet enfant avait été conçu avant même la souscription par le premier de la déclaration de nationalité française le 7 décembre 2009, d'autre part, qu'un second enfant était né au Canada de ses relations avec Mme [P] le 11 octobre 2012, avec laquelle il s'est ensuite marié le 23 juin 2012, la cour d'appel a pu en déduire, sans
méconnaître la date à laquelle la communauté de vie doit être appréciée, que M. [D] avait signé une attestation, datée du 7 décembre 2009, de communauté de vie, en dissimulant sciemment sa situation et en déduire que la communauté de vie avait déjà cessé à la date de la souscription de la déclaration de nationalité.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.