N° W 24-82.593 F-B
N° 00828
SL2
17 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 JUIN 2025
La société [1], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante des consorts [B], [K], [Z], [W] et [J], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 19 décembre 2023, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile contre personne non dénommée du chef de faux public.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société [1], tant en son nom propre qu'en qualité de représentante des consorts [B], [K], [Z], [W] et [J], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. La société [1] (la société [2]) a porté plainte et s'est constituée partie civile, en son nom et celui de plusieurs de ses clients qui s'estimaient lésés dans une opération successorale litigieuse, pour des faits qualifiés de faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique et escroqueries en bande organisée, complicité et recel de faux en écriture publique.
3. Par ordonnance du 14 juin 2023, le juge d'instruction a déclaré cette plainte irrecevable.
4. Appel a été interjeté notamment par la société [2].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société [2] à titre de mandataire des personnes mentionnées dans la plainte, alors :
« 1°/ que la chambre de l'instruction qui, bien qu'elle ait constaté que la société [2] avait reçu mandat de « saisir le procureur de la République compétent de toute plainte contre X ou personne dénommée, et le cas échéant se constituer partie civile », ce dont il résultait qu'elle avait été investie du pouvoir de porter plainte avec constitution de partie civile, a néanmoins retenu, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la société [2] en qualité de mandataire des héritiers de la succession [W], qu'il n'était pas démontré que les mandants l'avaient autorisée à mettre en mouvement l'action publique par le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile, a méconnu la loi des parties et ainsi méconnu l'article 1103 du code civil ;
2°/ que, subsidiairement, dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, la société [2] avait fait valoir que, selon la procuration signée par ses clients, elle avait été mandatée pour « représenter le constituant en justice tant en demande qu'en défense » et « effectuer ou requérir tout acte de procédure », tel que « saisir le procureur de la République compétent de toute plainte contre X ou personne dénommée, et le cas échéant se constituer partie civile » ; qu'en se contentant de relever, pour statuer comme elle l'a fait, que l'intention des mandants d'autoriser la mise en mouvement de l'action publique ne pouvait se déduire de la seule formule « le cas échéant se constituer partie civile », qui ne désignerait pas le fait de déposer plainte avec constitution de partie civile, sans s'expliquer sur les autres mentions de la procuration et les analyser dans leur ensemble, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'un tiers peut être valablement mandaté par une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit pour, au nom de ce mandant, porter plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction ; qu'en retenant néanmoins, pour statuer comme elle l'a fait, que la société [2] ne disposait d'aucune qualité à agir dès lors que « l'action civile ne peut se déléguer », la chambre de l'instruction a méconnu les articles 1984 du code civil et 85 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Sauf exceptions légales, le droit de porter plainte et de se constituer partie civile est une prérogative que l'article 85 du code de procédure pénale réserve à la seule personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit.
7. Il en résulte que les clients de la société [2] ne pouvaient valablement mandater celle-ci pour déposer plainte et se constituer partie civile en leur nom.
8. Dès lors, il s'ensuit que le moyen, inopérant en ses deux premières branches qui critiquent l'interprétation par la cour d'appel des termes du mandat confié à la société appelante, ne peut être accueilli.
9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt-cinq.