N° Q 25-82.453 F-D
N° 00985
SL2
12 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 JUIN 2025
M. [A] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 14 mars 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [A] [R], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 8 mars 2024, M. [A] [R] a été mis en examen des chefs susmentionnés et placé en détention provisoire.
3. Par ordonnance du 3 mars 2025, après débat contradictoire du même jour, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de sa détention provisoire.
4. M. [A] [R] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de prolongation de détention provisoire prise à l'égard de M. [A] [R] et a confirmé cette ordonnance, alors :
« 1°/ que d'une part que l'avocat de la personne mise en examen doit pouvoir accéder au dossier de l'information dans sa totalité avant le débat contradictoire préalable au placement en détention. ; qu'il doit en particulier pouvoir accéder aux décisions prises avant le débat contradictoire par le juge des libertés et de la détention à l'égard des autres mis en examen ; qu'au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal de débat contradictoire qu'avant même la tenue du débat, le conseil de Monsieur [R] a sollicité du juge des libertés et de la détention la consultation des décisions prises en matière de détention provisoire « concernant notamment [T] [M] et [N] [O] » et à défaut a demandé un renvoi, que le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de renvoi et permis au conseil de Monsieur [R] de consulter uniquement les « décisions concernant [T] [M] et [N] [O] » et que lors du débat, le conseil de Monsieur [R] a indiqué qu'il n'avait « pas pu avoir accès aux pièces concernant les autres mis en examen [X] [M], [W] [Y], [F] [U] et [R] [K] » ; qu'en affirmant, pour refuser de faire droit au moyen d'annulation du débat contradictoire et de l'ordonnance prise à son issue, que la demande de communication portant « notamment » sur les décisions concernant Messieurs [T] et [N] était insuffisamment précise pour imposer au juge des libertés et de la détention la communication des décisions prises, avant le débat, sur la détention provisoire de Messieurs [X], [W], [F] et [K] [R], quand l'emploi de l'adverbe « notamment » valait demande de communication de l'ensemble des décisions prises en matière de détention concernant les autres mis en examen, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 114, 116, 145, 145-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que le juge des libertés et de la détention qui n'entend pas faire droit à la demande de report du débat contradictoire dont il est régulièrement saisi doit justifier sa décision ; qu'au cas d'espèce, il résulte des mentions du procès-verbal de débat contradictoire et de l'ordonnance de prolongation que le conseil de Monsieur [R] avait sollicité le renvoi du débat faute pour lui d'avoir pu accéderà l'ensemble des décisions prises à l'égard des autres mis en examen en matière de détention provisoire ; qu'en affirmant, pour approuver le rejet de la demande de renvoi, que celle-ci n'avait été faite qu'à titre subsidiaire pour l'hypothèse où les décisions concernant Messieurs [T] et [N] ne seraient pas communiquées à l'avocat et que ces décisions avaient bien été communiquées, quand il résultait des termes mêmes de la demande qu'elle visait l'hypothèse où l'ensemble des décisions prises à l'égard des autres mis en examen n'avait pas été communiqué, ce qui n'avait pas été le cas, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 114, 116, 145, 145-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
3°/ enfin que le juge des libertés et de la détention qui n'entend pas faire droit à la demande de report du débat contradictoire dont il est régulièrement saisi doit justifier sa décision ; qu'au cas d'espèce, il résulte des mentions du procès-verbal de débat contradictoire et de l'ordonnance de prolongation que le conseil de Monsieur [R] avait sollicité le renvoi du débat faute pour lui d'avoir pu accéder à l'ensemble des décisions prises à l'égard des autres mis en examen en matière de détention provisoire ; qu'en jugeant justifié le rejet de la demande de renvoi motivé par le juge des libertés et de la détention parla circonstance que la défense pouvait consulter le dossier au greffe du juge d'instruction et que le mandat de dépôt de Monsieur [R] expirait le 7 mars à minuit, motifs impropres à justifier le refus d'un débat contradictoire programmé le 3 mars, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 114, 116, 145, 145-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Pour écarter le moyen de nullité tiré de l'absence de communication de l'entier dossier de la procédure avant le débat contradictoire et du rejet de la demande de renvoi du fait de cette absence de communication, l'arrêt attaqué énonce que régulièrement convoqué en vue du débat contradictoire, l'avocat de M. [A] [R] disposait de la faculté de consulter le dossier de la procédure au cabinet du juge d'instruction.
7. Les juges ajoutent qu'aucun élément de la procédure ne permet de considérer que cela n'a pas été possible et qu'il résulte au contraire du procès-verbal de débat contradictoire que la procédure a été mise à la disposition de cet avocat.
8. Ils relèvent que ce dernier a spécialement sollicité la communication des décisions relatives à deux autres personnes mises en examen, MM. [M] [T] et [O] [N], dont les détentions provisoires faisaient l'objet de débats contradictoires préalables à d'éventuelles prolongations le jour même, à 14 heures et 15 heures.
9. Ils constatent qu'il ressort du procès-verbal de débat contradictoire que les décisions dont il a été demandé la consultation ont été mises à sa disposition et qu'il en a pris connaissance.
10. Ils estiment qu'il ne peut être soutenu que la mention d'une demande de communication portant « notamment » sur les décisions relatives à MM. [T] et [N], laquelle a été satisfaite, portait également sur la communication de pièces relatives à MM. [M] [X], [Y] [W], [U] [F] et [K] [R] alors qu'aucune précision ne figure au dossier de la procédure sur ce que recouvrait le terme « notamment ».
11. Ils soulignent que ce n'est qu'au cours du débat contradictoire et après les réquisitions du ministère public que l'avocat a demandé à avoir accès aux décisions concernant MM. [X], [W], [F] et [K] [R].
12. Les juges précisent en outre que les débats contradictoires en vue de l'éventuelle prolongation des détentions provisoires ont eu lieu le 25 février 2025 s'agissant de MM. [F] et [X], le 27 février 2025 concernant M. [W], mais que rien n'établit qu'un débat contradictoire avait déjà été organisé pour M. [K] [R], dont la détention provisoire expirait le 19 mars 2025.
13. Ils retiennent que l'absence au dossier des pièces relatives à MM. [T] et [N] s'explique par le fait que les actes les concernant ont été réalisés parallèlement à ceux concernant M. [A] [R], ces trois personnes ayant été convoquées le même après-midi.
14. Ils concluent, sur la demande de renvoi du débat contradictoire, qu'elle a été présentée « le cas échéant », soit dans la seule hypothèse où il n'aurait pas été donné accès aux décisions concernant MM. [T] et [N], lesquelles ont été communiquées.
15. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
16. D'une part, les juges ont constaté que la procédure avait été mise à la disposition de l'avocat de M. [A] [R] et que le juge des libertés et de la détention lui avait communiqué les décisions relatives à MM. [T] et [N], dont les débats contradictoires avaient eu lieu l'après-midi même du débat de M. [R], et qui avaient été sollicitées par cet avocat.
17. D'autre part, le surplus de la demande, par l'emploi du terme « notamment », était équivoque et ne constituait pas une demande formelle de communication des décisions prises concernant la détention provisoire de MM. [F], [X], [W] et [K] [R], qui n'étaient pas désignés.
18. Ainsi, le moyen, qui est infondé, doit être écarté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-cinq.