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12/06/2025 | FRANCE | N°24-86.521

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 12 juin 2025, 24-86.521


N° R 24-86.521 F-B

N° 00801


RB5
12 JUIN 2025


CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 JUIN 2025



M. [Z] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 7 novemb

re 2024, qui, dans l'information suivie, notamment, contre lui des chefs de recel aggravé et blanchiment, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de ...

N° R 24-86.521 F-B

N° 00801


RB5
12 JUIN 2025


CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 JUIN 2025



M. [Z] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 7 novembre 2024, qui, dans l'information suivie, notamment, contre lui des chefs de recel aggravé et blanchiment, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 4 février 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [Z] [R], les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [U] [P], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 2 mars 2015, Madame [U] [P], fille de [V] [D], dernière épouse de [C] [D], a déposé plainte auprès des services de police pour vol et recel.

3. Elle a indiqué que, courant 2008, elle avait chargé M. [L] [W] de dresser l'inventaire des œuvres stockées dans l'ancienne résidence de [C] [D] et de les déménager dans les locaux de la société [1] à [Localité 2] (92) et qu'elle s'est rendu compte par la suite qu'il en avait détourné une partie.

4. Elle a en outre indiqué suspecter M. [Z] [R], directeur de la société genevoise [3], qui a confié à un restaurateur d'oeuvre d'art la restauration d'œuvres de [C] [D] entreposées précisément à [Localité 2].

5. A la suite de l'enquête diligentée, une information contre personne non dénommée des chefs de vols, recel de vol et escroquerie, a été ouverte le 23 mars 2015.

6. Le 14 septembre 2015, M. [R] a été mis en examen pour recel habituel par professionnel d'œuvres de [C] [D] provenant d'un délit commis notamment au préjudice de Mme [P].

7. Il a présenté une requête en nullité. Madame [P], partie civile, a, par mémoire présenté devant la chambre de l'instruction, sollicité que soient écartées des pièces de la procédure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et les troisième et quatrième moyens

8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté la forclusion partielle de la requête, dit que la requête en nullité n'est recevable que pour les actes postérieurs au 15 mai 2017 soit à compter de la cote D 2028, l'a dite mal fondée, a écarté de la procédure par cancellation certaines des cotes comprises entre D 3051/74 et D 3051/257 et certaines des cotes comprises entre D 3050/120 et D 3050/304, et a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3146, alors :

« 2°/ que la chambre de l'instruction, à laquelle la partie civile, dans son simple mémoire, ne demandait pas la cancellation de certaines des cotes comprises entre D3050/120 et D3050/304, ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, canceller lesdites cotes, en méconnaissance de l'article 173 du code de procédure pénale et du droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ que la personne mise en examen a droit à l'exercice effectif de ses droits à la défense ; que la chambre de l'instruction, en écartant par cancellation des cotes comprises entre D3050/120 et D3050/304, versées à la procédure par le mis en examen, a porté atteinte au droit à l'exercice effectif des droits de la défense de ses droits par une sanction disproportionnée et a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

4°/ que la nullité tirée de l'application d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme à laquelle la partie civile qui se prévaut de celle-ci n'était pas partie, ni d'ailleurs devant les juridictions internes de l'Etat étranger en cause, suppose l'existence d'un grief et que la cause de nullité porte atteinte aux intérêts de la personne qui s'en prévaut ; que la chambre de l'instruction a cancellé des pièces de la procédure en vertu d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme à laquelle Madame [P] n'était pas partie et concernant un Etat étranger sans rechercher si cette décision faisait grief à Madame [P] et portait atteinte aux intérêts de celle-ci ; que la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 171, 802 du code de procédure pénale et 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 170 du code de procédure pénale :


10. En vertu du premier de ces textes, toute personne a droit à un procès équitable.

11. Il résulte du second qu'en toute matière, au cours de l'information, seules peuvent être annulés ou cancellés par la chambre de l'instruction des actes ou pièces de la procédure au sens de ce texte.

12. Pour faire droit au mémoire de la partie civile sollicitant que la cote D 3051 soit écartée du dossier d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que par arrêt définitif du 6 juin 2024, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé l'exploitation du téléphone portable de Mme [H], avocate, illégale comme ayant été faite en violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

13. Les juges relèvent notamment que selon l'article 46 de ladite Convention, l'Etat partie doit prendre dans son ordre juridique interne des mesures individuelles et/ou, le cas échéant, des mesures générales propres à mettre un terme à la violation constatée par la Cour européenne et à en effacer les conséquences.

14. Ils ajoutent que l'examen de la cote D 3051 démontre que les cotes D 3051/47 à D 3051/49 proviennent de l'exploitation jugée illégale par l'arrêt du 6 juin 2024 du téléphone de Mme [H], qu'il en va de même des cotes D 3050/81, D 3050/83 et D 3050/85 et que, dès lors, ces pièces doivent être écartées de la procédure d'information.

15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

16. En effet, en premier lieu, les pièces contenant l'exploitation d'un téléphone portable communiquées par la personne mise en examen ne constituent pas, au sens de l'article 170 du code de procédure pénale, des actes ou pièces de l'information susceptibles d'être annulés, mais des moyens de preuve soumis à discussion contradictoire.

17. En second lieu, la décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme relative à l'exploitation jugée illégale des données téléphoniques, à laquelle la partie civile requérante n'est d'ailleurs pas partie, est sans effet sur la production de ces pièces par la personne mise en examen dans le cadre d'un autre dossier d'information, pièces qui constituent un moyen de preuve et peuvent être discutées à ce titre devant une juridiction de jugement.

18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 7 novembre 2024, mais en ses seules dispositions ayant écarté de la procédure par cancellation les pièces qu'il énumère, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-86.521
Date de la décision : 12/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 12 jui. 2025, pourvoi n°24-86.521, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.86.521
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