N° H 24-80.441 F-D
N° 00809
RB5
12 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 JUIN 2025
M. [C] [V] [N] et la société [4], partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 28 novembre 2023, qui, pour complicité de corruption active d'agent public étranger et blanchiment, a condamné le premier à deux ans d'emprisonnement et une confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [C] [V] [N] et la société [4], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [C] [V] [N] a fait l'acquisition en 2013 d'un appartement situé à [Localité 3], puis en 2015 d'un ensemble immobilier sis à [Localité 5].
3. Le 14 juin 2016, il a apporté ces biens en nature à la société [4], dont il détient 99 % du capital et qu'il dirige.
4. Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal correctionnel a déclaré M. [V] [N] coupable des chefs susvisés et l'a condamné à un emprisonnement de deux ans et la confiscation, notamment, des deux biens immobiliers appartenant à la société [4].
5. M. [V] [N] et la société [4] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des deux biens immobiliers appartenant à la société [4], situés à Paris et à Boulogne-Billancourt, à savoir un appartement, une cave et un parking situé [Adresse 2] et un ensemble immobilier situé [Adresse 1] pour un montant de 1 050 000 euros, composé de quatre lots contenant un local à usage de restaurant, un local commercial, une cuisine, des dépendances et une cave et a rejeté la demande de mainlevée des saisies de ces biens immobiliers de la société [4] et M. [V] [N], alors :
« 1°/ que la confiscation peut porter sur le produit direct ou indirect de l'infraction ; qu'en ordonnant, sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article 131-21 du code pénal, la confiscation des deux biens immobiliers situés à Boulogne-Billancourt et Paris appartenant à la Sci [4] en tant qu'ils constituent le produit direct ou indirect de l'infraction de blanchiment (arrêt p. 19) sans établir avec certitude que l'acquisition de ces deux biens immobiliers a été financée par les fonds provenant du versement de commissions par [6] sur les comptes bancaires de M. [L] qui a, pour sa part, démontré d'une part avoir acquis le bien parisien avec des fonds en provenance du Congo-Brazzaville (conclusions d'appel de la Sci [4] p. 8) et d'autre part être en possession de fonds personnels extérieurs aux commissions lui permettant d'acquérir les biens (conclusions d'appel de la Sci [4] p. 8-9), la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 131-21 du code pénal ;
2°/ que à titre subsidiaire, hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine. ; qu'il incombe en conséquence, au juge qui décide de confisquer un bien de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'à supposer même que les deux biens immobiliers confisqués constituent le produit de l'infraction de blanchiment, en ordonnant la confiscation de ces biens en ce qu'ils ont été financés avec le montant des commissions de 1.629.200 euros et constituent dans leur totalité le produit de l'infraction de blanchiment de complicité de corruption active (arrêt p. 19) cependant que le blanchiment n'a pu porter que sur le produit de l'infraction de complicité de l'infraction principale de corruption active commise par M. [U], constitué du montant des commissions perçues par M. [L] afin d'être reversées à M. [D], soit 85.000 euros, éventuellement majoré de celui des commissions perçues par M. [V] [N] pour avoir servi d'intermédiaire à l'occasion de cette proposition corruptrice, et que les biens immobiliers ont donc été essentiellement financés par des fonds licites, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la Sci [4] et a violé les articles 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-21, 132-1 du code pénal ;
3°/ plus subsidiairement encore, qu'à supposer la somme de 1.629.200 euros issue d'un blanchiment, la cour, en ordonnant la confiscation des deux biens immobiliers sis à Boulogne-Billancourt et à Paris en ce qu'ils constitueraient dans leur totalité le produit du blanchiment cependant que seule la confiscation du bien sis à Boulogne-Billancourt pouvait être ordonnée à concurrence de la somme de 274.640 euros correspondant au montant viré du compte de M. [V] [N] à La Barclays vers l'étude notariale, la Scp Morin lors de l'achat de ce bien (conclusions d'appel de la Sci [4] p. 7 et 9), a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la Sci [4] en violation des articles 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-21, 132-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer la confiscation des deux biens immobiliers sis à Boulogne-Billancourt et à Paris, l'arrêt attaqué énonce que l'examen des flux financiers du compte de M. [V] [N] a permis d'établir que la somme de 1 629 200 euros, montant des commissions illicites versées, a été placée sur un contrat d'assurance-vie à hauteur de 800 000 euros, sur un compte sur livret à hauteur de 350 000 euros, dans l'achat d'un bien immobilier situé à Boulogne-Billancourt d'une valeur de 856 000 euros, en août 2013, par paiement d'un premier acompte pour un montant de 274 640 euros, et dans l'acquisition, le 22 avril 2015, d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1] pour un montant de 1 050 000 euros.
9. Les juges relèvent qu'aucun élément au dossier ne permet d'identifier d'autre source de revenus provenant d'une activité professionnelle licite de l'intéressé comme il le prétend. Ils ajoutent que les investissements ont été réalisés soit concomitamment, soit postérieurement à la perception des commissions, et qu'il n'est pas rapporté la preuve de la perception de revenus autres que ceux qu'il a retirés de l'infraction de complicité de corruption active.
10. Ils retiennent que ces deux biens constituent le produit direct ou indirect de l'infraction de blanchiment par conversion et qu'acquis par M. [V] [N], ils ont été apportés en nature au capital de la société [4] le 26 mai 2016. Ils précisent que le prévenu en a eu la libre disposition puisqu'il est propriétaire de 99 % des parts sociales de cette société, dont il est le gérant et qui n'est qu'un écran destiné à occulter l'origine des fonds et ne peut dès lors être considérée comme propriétaire de bonne foi pour faire obstacle à la confiscation.
11. Ils ajoutent qu'aucune atteinte disproportionnée au droit de propriété de la société [4] n'est caractérisée dès lors que le montant total de la fraude s'élève à 1 629 200 euros au minimum tandis que les biens sont évalués par l'administration fiscale à 765 000 euros et 970 000 euros.
12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
13. En premier lieu, elle a établi que les biens immobiliers, acquis au moins en partie grâce aux commissions illicites, concomitamment ou postérieurement à leur perception par M. [V] [N], qui ne démontre pas d'autre source de revenu, constituaient le produit direct ou indirect de l'infraction de complicité de corruption.
14. En second lieu, le grief portant sur la proportionnalité de la confiscation est inopérant.
15. Le moyen doit par conséquent être écarté.
16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-cinq.