CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 5 juin 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 285 F-D
Pourvoi n° Y 23-20.422
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2025
La société Socco promotion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 23-20.422 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2023 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, première section), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [B],
2°/ à M. [O]-[W] [B],
3°/ à M. [C] [B],
tous trois domiciliés [Adresse 2], [Localité 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de la société Socco promotion, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 juin 2023), par acte notarié du 25 septembre 2017, MM. [P], [O] et [C] [B] (les promettants) ont consenti à la société Socco promotion (la bénéficiaire) une promesse unilatérale de vente d'une parcelle bâtie à [Localité 3], au prix de 970 000 euros, l'acte expirant le 30 mars 2018.
2. Cette promesse stipulait en faveur de la bénéficiaire une condition suspensive d'établissement par les promettants d'une origine de propriété de la parcelle remontant à un acte translatif d'au moins trente ans.
3. Par lettre du 29 novembre 2017, la bénéficiaire a informé les promettants qu'elle n'entendait pas donner suite à la promesse.
4. Ces derniers l'ont assignée en paiement de l'indemnité d'immobilisation mentionnée dans l'acte.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La bénéficiaire fait grief à l'arrêt de la condamner à verser aux promettants une certaine somme à titre d'indemnité d'immobilisation, alors :
« 1°/ que les juges du fond ne sauraient dénaturer les termes clairs d'un contrat ; que la cour d'appel a énoncé que « le fait que le côté du passage Saint-Bernard de Menthon, le long de leur parcelle, indiqué sur le cadastre comme faisant partie de leur parcelle, n'appartienne pas [aux promettants], n'a aucune incidence sur le fait qu'ils ont parfaitement respecté l'obligation qui était à leur charge aux termes de la promesse de vente » de justifier de l'origine de leur propriété, de sorte que c'était « à bon droit que le premier juge a dit que la société Socco promotion ne pouvait exiger que les consorts [B] justifient de leur propriété sur la totalité de l'assiette de leur parcelle dans sa représentation au cadastre » ; que la cour d'appel a ainsi considéré que cette obligation ne portait pas sur la totalité de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi, quand le contraire résultait des termes de la promesse de vente, la cour d'appel a dénaturé la promesse de vente et ainsi violé l'article 1103 du code civil ;
2°/ que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que, pour considérer que la condition suspensive litigieuse avait été accomplie, la cour d'appel, après avoir relevé que la promesse stipulait que « seules les limites et superficies réelles déterminées par un géomètre-expert sont garanties » et que « le promettant ne confère aucune garantie de contenance du terrain ni de superficie de construction », puis constaté la production par la partie promettante de quatre actes translatifs, a énoncé que « le fait que le côté du [Adresse 4], le long de leur parcelle, indiqué sur le cadastre comme faisant partie de leur parcelle, n'appartienne pas [aux promettants], n'a aucune incidence sur le fait qu'ils ont parfaitement respecté l'obligation qui était à leur charge aux termes de la promesse de vente » de justifier de l'origine de leur propriété, de sorte que c'était « à bon droit que le premier juge a dit que la société Socco promotion ne pouvait exiger que les consorts [B] justifient de leur propriété sur la totalité de l'assiette de leur parcelle dans sa représentation au cadastre » ; qu'en statuant ainsi, quand, suivant ses propres constatations, la promesse de vente prévoyait que l'immeuble qui en était l'objet était « désigné par ses références cadastrales et figure en teinte jaune sur le plan annexé » et que les parties avaient convenu d'une condition suspensive suivant laquelle devait être « établi[e] une origine de propriété régulière remontant à un titre translatif d'au moins trente ans », ce dont il résultait que l'origine de propriété dont devait justifier la partie promettante portait nécessairement sur la totalité de l'immeuble tel que « désigné par ses références cadastrales », la cour d'appel, en décidant du contraire, a méconnu la loi des parties et a violé 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir constaté que la promesse de vente comportait un paragraphe « contenance du terrain et des constructions » qui précisait que « le promettant ne confère aucune garantie de contenance du terrain ni de superficie de construction » et indiquait, s'agissant de la désignation de la parcelle, que sa contenance et ses limites cadastrales n'avaient qu'une valeur indicative, le cadastre n'étant pas un document à caractère juridique mais fiscal, et que seules les limites et superficies réelles déterminées par un géomètre-expert étaient garanties, ce dont la bénéficiaire a déclaré avoir été informée, la cour d'appel a retenu, sans dénaturation de l'acte, que le fait que le côté du passage Saint-Bernard-de-Menthon, figurant au cadastre comme faisant partie de la parcelle des promettants, ne leur appartenait pas, n'avait aucune incidence sur la seule obligation qui était la leur, aux termes de la condition suspensive, de justifier de l'origine régulière de propriété par un acte translatif de plus de trente ans, ce qui avait été fait, la bénéficiaire ne pouvant exiger des promettants la justification de leur propriété sur la totalité de l'assiette de la parcelle dans sa représentation cadastrale.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Socco promotion aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.