CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 5 juin 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 287 F-D
Pourvoi n° G 23-19.787
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2025
1°/ M. [X] [N],
2°/ Mme [D] [E], épouse [N],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° G 23-19.787 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2022 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société L'Auxiliaire, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Rhône Alpes Auvergne, caisse de réassurances mutuelles agricole, (Groupama Rhône Alpes), dont le siège est [Adresse 4], prise en sa qualité d'assureur de la société Charpente Labarge,
3°/ à la société Charpente Labarge, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. et Mme [N], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Rhône Alpes Auvergne, et de la société Charpente Labarge, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société L'Auxiliaire, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 25 octobre 2022), par contrat de construction de maison individuelle du 20 novembre 2001, M. et Mme [N] (les maîtres de l'ouvrage) ont confié à la société Prost construction, assurée auprès de la société L'Auxiliaire au titre de la responsabilité décennale, la réalisation de pavillons.
2. Après réception des ouvrages, les maîtres de l'ouvrage ont fait état de fissures affectant les murs extérieurs de certains pavillons.
3. Après expertise, portant également sur des désordres de couverture, les maîtres de l'ouvrage ont assigné la société L'Auxiliaire en indemnisation.
4. Celle-ci a appelé en garantie la société Charpente Labarge et, son assureur, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricole de Rhône Alpes Auvergne.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt d'infirmer partiellement le jugement et, statuant à nouveau, de rejeter leurs demandes en réparation des désordres affectant le pavillon 4, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en énonçant que « la cour relève que les constatations et conclusions de l'expert, telles que retranscrites dans le tableau constituant l'annexe 5 de son rapport, ne sont contestées ou discutées par aucune des parties, qui toutes se réfèrent à ce tableau. En conséquence, la cour se fonde sur les éléments figurant dans cette pièce » quand, dans leurs conclusions d'appel notifiées le 12 mai 2022, M. et Mme [N] faisaient valoir, sans se référer aux mentions figurant dans l'annexe n° 5 du rapport d'expertise où était cochée, s'agissant du pavillon n° 4, la colonne « désordre esthétique », « qu'en l'espèce, Mme l'expert conclut à des fissures évolutives sur les pavillons 2 et 4 qui rendent ces pavillons impropres à leur destination (pièce 9, page 20) », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces écritures et a méconnu par là-même les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
7. Pour rejeter les demandes des maîtres de l'ouvrage en réparation des désordres affectant le pavillon 4, l'arrêt relève que les constatations et conclusions de l'expert, telles que retranscrites dans le tableau constituant l'annexe 5 de son rapport, lequel qualifie les fissures de désordre de nature esthétique, ne sont contestées ou discutées par aucune des parties, qui toutes se réfèrent à ce tableau, et précise se fonder en conséquence sur les éléments figurant dans cette pièce.
8. Il retient, ensuite, que les désordres du pavillon 4 consistent essentiellement en des fissures extérieures, qui ne sont pas évolutives et qui ne compromettent pas, même à terme, de manière certaine, la solidité de l'immeuble, ne constituant que des désordres d'ordre esthétique.
9. En statuant ainsi, alors que les maîtres de l'ouvrage, qui sollicitaient la confirmation du jugement ayant retenu que les désordres affectant le pavillon 4 constituaient des dommages décennaux au titre de l'article 1792 du code civil et que la société L'Auxiliaire était tenue de les réparer, soutenaient dans leurs écritures que l'expert avait conclu à des fissures évolutives sur ce pavillon le rendant impropre à sa destination, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de celles-ci, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement, il rejette la demande de M. et Mme [N] en réparation des désordres affectant le pavillon 4, l'arrêt rendu le 25 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société L'Auxiliaire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.