CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 5 juin 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 295 F-D
Pourvoi n° B 23-19.712
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2025
La société Entreprise générale Léon Grosse, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-19.712 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société du Donjon, anciennement Snc du Donjon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Entreprise générale Léon Grosse, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société du Donjon, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 14 juin 2023) et les productions, la société du Donjon a pris à bail commercial un ensemble immobilier à construire sous la maîtrise d'ouvrage de la société 2ID, afin d'y exploiter un hôtel.
2. La société 2ID a confié à la société Entreprise générale Léon Grosse (la société Léon Grosse) la construction de cet hôtel.
3. La société du Donjon a assigné la société Léon Grosse en indemnisation de sa perte d'exploitation résultant du retard dans la livraison de l'immeuble.
4. Une sentence arbitrale rendue le 30 juin 2020, entre la société Léon Grosse et la société 2ID, a jugé que la société Léon Grosse était seule responsable de l'essentiel des retards d'exécution survenus entre le 15 septembre 2017 et le 31 décembre 2019, à l'exclusion des retards excusables de 86,4 jours calendaires.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. La société Léon Grosse fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes indemnitaires formées par la société du Donjon, de la déclarer responsable des dommages subis par la société du Donjon en raison du retard de livraison de l'ensemble immobilier et, sur l'évaluation des préjudices, de réserver la demande relative à la perte d'exploitation et d'ordonner une expertise, alors :
« 1°/ qu'en se fondant sur l'autorité de chose jugée par la sentence arbitrale pour retenir une faute à l'encontre de la société Léon Grosse tout en considérant que cette dernière ne pouvait opposer ladite autorité de chose jugée à la recevabilité des demandes de la société du Donjon faute d'identité de parties et d'objet entre les demandes successives, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ;
2°/ qu'à supposer qu'elle ne se soit pas fondée sur l'autorité positive de chose jugée par la sentence arbitrale, en ne statuant pas elle-même sur l'existence de la faute imputée à la société Léon Grosse pour s'en remettre à ce que le tribunal arbitral avait décidé sur ce point, la cour d'appel a commis un déni de justice et violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel, qui a constaté que le délai de livraison convenu entre le maître de l'ouvrage et la société Léon Grosse avait été fixé au 1er août 2019 et que la réception des travaux n'était intervenue que le 9 décembre 2020, retardant d'autant la livraison de l'hôtel au preneur et l'ouverture de celui-ci, a relevé que, par sa sentence du 30 juin 2020, le tribunal arbitral, saisi du litige opposant la société Léon Grosse au maître de l'ouvrage, avait retenu que les retards constatés jusqu'au 31 décembre 2019 n'étaient « excusables » qu'à hauteur de 86,4 jours et que la société Léon Grosse avait commis plusieurs fautes contractuelles qui avaient eu un rôle causal déterminant dans le retard de livraison.
8. Elle a, encore, relevé que la société Léon Grosse, qui se référait à cette sentence pour combattre les demandes adverses, n'apportait aucune explication quant au retard constaté après le 31 décembre 2019.
9. Elle a pu en déduire, sans se contredire, les sentences arbitrales étant opposables aux tiers eu égard aux contestations qu'elles tranchent, ni violer l'article 4 du code de procédure civile, que le non-respect par la société Léon Grosse de son obligation de livraison à date avait causé un préjudice à la société du Donjon et par conséquent, déclarer la société Léon Grosse responsable des dommages résultant du retard de livraison de l'immeuble pris à bail et ordonner une expertise sur l'évaluation des préjudices, en réservant la demande relative à la perte d'exploitation.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Entreprise générale Léon Grosse aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Entreprise générale Léon Grosse et la condamne à payer à la société du Donjon la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.