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04/06/2025 | FRANCE | N°52500571

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 juin 2025, 52500571


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 4 juin 2025








Cassation partielle




M. BARINCOU, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président






Arrêt n° 571 F-D


Pourvoi n° F 24-13.786








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025


Mme [E] [M] [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 24-13.786 contre l'arrêt rendu le 8 février 2024 par la cour d'appe...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 4 juin 2025

Cassation partielle

M. BARINCOU, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 571 F-D

Pourvoi n° F 24-13.786

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025

Mme [E] [M] [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 24-13.786 contre l'arrêt rendu le 8 février 2024 par la cour d'appel de Versailles (chambre sociale 4-6), dans le litige l'opposant à la société Suzohapp France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [M] [Z], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Suzohapp France, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 février 2024), Mme [M], engagée en qualité d'assistante commerciale le 20 août 2002 par la société Laurel Ngz, aux droits de laquelle vient désormais la société Suzohapp France (la société), occupait en dernier lieu les fonctions d'assistante de direction.

2. La salariée, dont le contrat de travail a été rompu le 12 novembre 2019 à la suite de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé, a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, dont celles tendant à ce qu'il soit dit que l'employeur a violé la législation d'ordre public relative aux critères d'ordre et aux catégories professionnelles et que ce dernier soit condamné à lui payer des dommages-intérêts pour perte injustifiée d'emploi résultant de la violation de la législation relative aux critères d'ordre et aux catégories professionnelles, alors :

« 1°/ que lorsque les catégories professionnelles devant donner lieu à des suppressions d'emplois sont fixées dans un document unilatéral élaboré par l'employeur sur le fondement de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative, saisie de la demande d'homologation de ce document, de s'assurer que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; qu'en revanche, lorsque les catégories professionnelles sont unilatéralement fixées par l'employeur en dehors d'un plan de sauvegarde de l'emploi élaboré sur le fondement de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, notamment parce que le projet de licenciement concerne moins de dix salariés, la pertinence des catégories professionnelles n'est pas soumise à l'autorité administrative qui est seulement informée par l'employeur des licenciements prononcés dans les huit jours de l'envoi des lettres de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu' "il convient de rappeler que, s'agissant d'un licenciement économique collectif, l'administration doit s'assurer que les catégories professionnelles regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune", pour en déduire que "les catégories professionnelles retenues par la société Suzohapp France ont été validées par (?) l'administration" et qu' "il n'appartient donc pas au juge judiciaire de contrôler et de remettre en cause le bien fondé des catégories professionnelles proposées au CSE et validées par lui et l'administration" ; qu'en statuant ainsi quand, en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, l'administration n'avait pas eu à connaître des catégories professionnelles établies par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-19, D. 1233-3 et L. 1233-61 du code du travail, ensemble le principe de séparation des pouvoirs ;

4°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que "les catégories professionnelles retenues par la société Suzohapp France ont été validées (?) par l'administration", cependant que ni l'employeur ni la salariée ne versait aux débats un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, un document établi unilatéralement par l'employeur, ou une décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi validant ou homologuant un tel plan, ou ne serait-ce que les catégories professionnelles arrêtées par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en se fondant, en outre, sur une prétendue validation par le comité social et économique des catégories professionnelles retenues par l'employeur, laquelle est insusceptible de soustraire à la compétence de la juridiction prud'homale la contestation du salarié relative à la définition unilatérale par l'employeur des catégories professionnelles nécessaires à l'application des critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et, derechef, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, de l'article L. 1233-61 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 et de l'article L. 1235-7-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1411-4, L. 1233-5, L. 1233-61, L. 1235-7-1 du code du travail et le principe de la séparation des pouvoirs :

5. Selon le premier de ces textes, le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre. Toute convention contraire est réputée non écrite.
Le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi.

6. Selon le dernier, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4 du code du travail. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

7. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des catégories professionnelles et des critères d'ordre, l'arrêt retient, d'abord, que les tâches confiées à la salariée étaient distinctes de celles des emplois d'agent des ventes, d'assistante administrative hotline, d'aide comptable et d'assistante administrative qu'elle invoquait.

8. Il relève, ensuite, que, s'agissant d'un licenciement économique collectif, l'administration doit s'assurer que les catégories professionnelles regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Il ajoute, enfin, que les catégories professionnelles retenues par la société ont été validées par le comité social et économique et par l'administration. Il en déduit qu'il n'appartenait pas au juge judiciaire de contrôler et de remettre en cause le bien-fondé des catégories professionnelles proposées au comité social et économique et validées par lui et l'administration.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les licenciements pour motif économique concernaient six salariés de sorte que les conditions d'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'étaient pas remplies et que le document unilatéral établi par l'employeur désignant les catégories professionnelles concernées n'avait donné lieu qu'à consultation du comité social et économique et à information de l'administration, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire qu'elle était compétente pour se prononcer sur les catégories professionnelles servant de base à l'application des critères d'ordre des licenciements, a violé les textes et principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [M] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour perte injustifiée d'emploi résultant de la violation de la législation relative aux critères d'ordre et aux catégories professionnelles et en ce qu'il statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 8 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Suzohapp aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Suzohapp et la condamne à payer à Mme [M] [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500571
Date de la décision : 04/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 février 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 jui. 2025, pourvoi n°52500571


Composition du Tribunal
Président : M. Barincou (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500571
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