LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 4 juin 2025
Rejet
M. BARINCOU, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 567 F-D
Pourvoi n° J 23-19.949
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
La société Axa Antilles Guyane, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-19.949 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2023 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [W] [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Axa Antilles Guyane, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 16 juin 2023), Mme [Z], engagée en qualité de conseiller stagiaire en assurances et placements par la société Axa Antilles Guyane le 22 avril 2002, occupait en dernier lieu les fonctions d'inspecteur conseil.
2. Par lettre du 15 mai 2018, l'employeur a averti la salariée de la disparition de son poste des métiers exercés au sein de l'entreprise et lui a proposé trois autres postes qu'elle a refusés.
3. La salariée, qui a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle le 23 juillet 2018 et à qui l'employeur a notifié la rupture de son contrat de travail pour motif économique le 1er août 2018, a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution loyale du contrat de travail, alors « que la suppression d'un poste de travail qui emporte disparition de ce poste de l'organigramme de l'entreprise et réduction de l'effectif, est distincte de la modification du contrat de travail pour motif économique sans incidence sur l'existence du poste occupé par le salarié ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que par courrier du 15 mai 2018 mentionnant en objet "modification du contrat de travail", la société Axa Antilles Guyane informait Mme [Z] de ce que la réorganisation mise en oeuvre en son sein avait abouti à la disparition de son poste de travail et lui adressait trois propositions de reclassement sur d'autres postes ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la société Axa Antilles Guyane justifiait le motif économique du licenciement de Mme [Z] par la suppression de son poste du fait de la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'en retenant que "la suppression du poste de Mme [Z] constituait une modification d'un élément essentiel du contrat de travail signé le 28 avril 2008, la qualification du travail et les responsabilités du salarié étant des éléments du contrat", pour en déduire que le courrier du 15 mai 2018 ne constituait pas une proposition de reclassement, mais une proposition de modification du contrat de travail qui, adressée tardivement dans les formes requises par l'article L. 1222-6 du code du travail, caractérisait une exécution déloyale du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1222-1 et L. 1222-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté que la salariée avait été convoquée le 2 juillet 2018 à un entretien préalable à une éventuelle rupture de son contrat de travail pour motif économique, la cour d'appel a fait ressortir que la lettre du 15 mai 2018, indiquant qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus et qu'elle serait réputée avoir accepté la modification proposée à défaut de réponse dans ce délai, avait été adressée à la salariée avant l'engagement de la procédure de licenciement, de sorte qu'elle constituait nécessairement une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique en application de l'article L. 1222-6 du code du travail.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique dans tout document écrit, porté à la connaissance du salarié au plus tard au moment de son acceptation, lequel peut être précisé par l'employeur dans le délai de quinze jours suivant l'adhésion du salarié au dispositif ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que par lettre du 15 mai 2018, la société Axa Antilles Guyane avait informé la salariée de la "nécessaire réorganisation de l'entreprise" lui indiquant que "compte tenu de l'évolution de notre structure, de conditions nouvelles d'exploitation des activités dans le domaine de l'assurance, votre poste de travail est à ce jour vidé de sa substance puisque aujourd'hui les agents généraux qui sont externes à l'entreprise, assurent en direct les prestations dont vous aviez la charge. C'est dans cette mesure que votre poste de travail vient à disparaître des métiers exercés au sein de l'entreprise", ce dont la cour d'appel a déduit que la salariée avait ainsi été informée du motif économique ; que pour juger dépourvue de cause réelle et sérieuse la rupture du contrat de travail de Mme [Z] résultant de son acceptation, le 23 juillet 2018, du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement énonçant le motif économique lui avait été adressée postérieurement, le 1er août 2018 ; qu'en statuant ainsi lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la salariée avait été destinataire dès le 15 mai 2018 d'un document énonçant le motif économique de la rupture à intervenir, lequel lui avait ensuite été rappelé et détaillé 8 jours après son acceptation, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-2, L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail, ensemble l'article 4 de la convention Unedic du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015. »
Réponse de la Cour
9. La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.
10. La cour d'appel a constaté, d'une part, que la salariée, convoquée à l'entretien préalable au licenciement par lettre du 2 juillet 2018, s'est vue proposer lors de celui-ci, le 11 juillet 2018, d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle qu'elle a accepté le 23 juillet suivant et, d'autre part, que le motif économique de la rupture du contrat de travail ne lui a été notifié que par lettre du 1er août 2018.
11. De ces énonciations et constatations, dont il résulte qu'aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture n'avait été remis ou adressé à la salariée au cours de la procédure de licenciement, la lettre du 15 mai 2018 ayant été adressée lors de la procédure spécifique de modification de son contrat de travail, la cour d'appel a exactement déduit que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation légale d'informer la salariée du motif économique de la rupture et que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa Antilles Guyane aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa Antilles Guyane et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.