N° G 24-84.789 F-D
N° 00766
GM
4 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 JUIN 2025
M. [J] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 3 juillet 2024, qui, pour conduite après usage de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, et sur les armes, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende, six mois de suspension du permis de conduire, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, une confiscation et a ordonné la révocation d'un sursis probatoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [J] [E], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Lors d'un contrôle du véhicule dont il était conducteur, M. [J] [E] a été soumis à un dépistage de stupéfiants qui s'est révélé positif, et des stupéfiants ont été retrouvés sur lui.
3. Des perquisitions effectuées à son domicile, dans l'épicerie dirigée par lui et dans un garage dont les clefs étaient en sa possession ont, en outre, permis la découverte de plusieurs kilos de cannabis ainsi que d'armes de poing.
4. M. [E] a été poursuivi des chefs d'acquisition, détention, transport, offre ou cession, non autorisés, de stupéfiants, en récidive, détention non autorisée d'arme de catégorie B, et conduite après usage de stupéfiants, devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 4 mars 2024, l'a relaxé des faits d'offre ou cession de stupéfiants, l'a déclaré coupable pour le surplus, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende, six mois de suspension du permis de conduire, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, une confiscation, et a ordonné la révocation d'un sursis probatoire.
5. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité soulevées par M. [E], alors :
« 1°/ que le procureur de la République doit être avisé « dès le début » des mesures de garde à vue prises par les enquêteurs ; que le contrôle du respect de cette exigence suppose que soient mentionnées dans les procès-verbaux de garde à vue l'heure exacte du début de la mesure et l'heure exacte de l'avis à parquet ; qu'au cas d'espèce, M. [E] faisait valoir qu'il ne pouvait s'assurer qu'un magistrat du parquet avait bien été avisé de son placement en garde à vue dès le début de la mesure puisque le procès-verbal établi par les enquêteurs se contentait de mentionner que la vice-procureure de la République avait été informée « immédiatement » de la mesure de garde à vue prise à son encontre, sans précision horaire ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que « les dispositions susvisées [l'article 63 alinéa 2 du code de procédure pénale] n'imposent nullement à l'officier de police judiciaire d'indiquer sur le procès-verbal de placement en garde à vue l'heure exacte à laquelle le procureur de la République a été informé » quand faute d'indiquer, au sein du procès-verbal, l'heure à laquelle l'avis à parquet a été donné, les officiers de police judiciaire placent à la fois la défense et les juges dans l'impossibilité de vérifier que le procureur de la République a bien été informé du placement en garde à vue « dès le début de la mesure », conformément aux dispositions de l'article 63 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les articles préliminaires, 62-3, 63, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que s'il ne précise pas l'heure à laquelle l'avis a été donné au parquet, le procès-verbal rédigé par un officier de police judiciaire n'établit pas que le procureur de la République a été informé du placement en garde à vue dès le début de cette mesure ; qu'au cas d'espèce, M. [E] faisait valoir qu'il ne pouvait contrôler qu'un magistrat du parquet avait bien été avisé de son placement en garde à vue dès le début de la mesure puisque le procès-verbal établi par les enquêteurs se contentait de mentionner que la vice-procureure de la République avait été informée « immédiatement » de la mesure de garde à vue prise à son encontre, sans précision horaire ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de ce chef, que le procès-verbal de notification, d'exercice des droits et de déroulement de garde à vue listait les formalités réalisées par les enquêteurs dans l'ordre chronologique de leur réalisation et qu'il pouvait s'en déduire que l'avis à magistrat avait été réalisé avant la fouille et donc avant 6 h 30, la cour d'appel a statué par un motif impropre à écarter tout grief dès lors que ledit procès-verbal n'indiquait aucunement que les formalités répertoriées avaient été réalisées dans cet ordre chronologique et qu'à défaut de mention de l'heure à laquelle l'avis avait été donné au parquet, il était impossible d'établir avec certitude que la vice-procureure de la République ait été informée du placement en garde à vue de l'exposant dès le début de cette mesure, de sorte qu'elle n'a pas justifié sa décision au regard des articles préliminaires, 62-3, 63, 591 et 593 du vode de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 63, alinéa 2, du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ce texte que l'officier de police judiciaire qui, pour les nécessités de l'enquête, place une personne en garde à vue, doit aviser le procureur de la République dès le début de cette mesure et l'informer des motifs et de la qualification des faits notifiés à la personne, et que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de ladite personne.
8. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de l'information tardive du procureur de la République sur la mesure de garde à vue, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions précitées n'imposent pas à l'officier de police judiciaire d'indiquer sur le procès-verbal de placement en garde à vue l'heure exacte à laquelle le procureur de la République a été informé.
9. Ils retiennent en outre que le déroulement de la garde à vue tel que relaté par procès-verbal permet de constater que M. [E] a été placé en garde à vue le 11 janvier 2024 à 6 heures 40, cette mesure prenant effet à 6 heures 15, heure de son interpellation, et que le procureur de la République a été informé immédiatement de la mesure de garde à vue, de l'identité complète de l'intéressé, de l'heure de placement en garde à vue, des motifs la justifiant, et de la qualification des faits notifiés, avant qu'une fouille par palpation soit effectuée sur M. [E] à 6 heures 30.
10. Ils en déduisent que la mention indiquant que le procureur de la République a été informé immédiatement de la mesure de garde à vue prise à l'encontre de M. [E], et les éléments de chronologie résultant des procès-verbaux de placement en garde à vue et de fouille, leur permettent de déterminer que le procureur de la République a été informé avant 6 heures 30 et, par conséquent, dès le début de la mesure.
11. En se déterminant ainsi, alors que, faute d'indiquer l'heure à laquelle a été donné l'avis contesté, le procès-verbal dressé par l'officier de police judiciaire n'établit pas que le procureur de la République a été informé du placement en garde à vue de M. [E] dès le début de cette mesure, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 3 juillet 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt-cinq.