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04/06/2025 | FRANCE | N°24-10.072

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 04 juin 2025, 24-10.072


COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 juin 2025




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 305 F-D

Pourvoi n° U 24-10.072




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JUIN 2025

1°/ la société Groupe petit forestier, société par ac

tions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société Stricher, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° U 24-10.072 c...

COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 juin 2025




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 305 F-D

Pourvoi n° U 24-10.072




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JUIN 2025

1°/ la société Groupe petit forestier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société Stricher, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° U 24-10.072 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - Chambre 11), dans le litige les opposant à la société Gaz Réseau Distribution de France (GRDF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Groupe petit forestier et Stricher, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société, Gaz Réseau Distribution de France (GRDF), et l'avis de Mme Luc, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2023), le 4 février 2014, un technicien d'exploitation de la société Gaz Réseau Distribution de France (la société GRDF), venant aux droits de la société Gaz de France, a constaté une consommation de gaz à un point de comptage réputé inactif se trouvant dans les locaux occupés, depuis le 1er janvier 2006, par la société Stricher, filiale de la société Groupe petit forestier, alors qu'elle n'avait pas conclu de contrat de fourniture de gaz.

2. Le 1er février 2019, invoquant une faute délictuelle des sociétés Stricher et Groupe petit forestier, la société GRDF les a assignées en paiement de la consommation de gaz depuis le 1er janvier 2006.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Les sociétés Stricher et Groupe petit forestier font grief à l'arrêt de rejeter leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par la société GRDF, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 163 267,36 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2016, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée sur la somme de 163 267,36 euros, alors :

1°/ que les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts se prescrivent par cinq ans ; que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée le 1er février 2019 par la société GRDF, tendant à l'indemnisation du préjudice qui serait résulté de la consommation de gaz par la société Stricher sans contrat de fourniture, au titre de la période du 1er janvier 2006 au 13 novembre 2014, la cour d'appel a retenu que l'article L. 432-11 du code de l'énergie n'imposait pas à la société GRDF une obligation de vérification des compteurs et relevé qu'il était constant qu'avant que la société GRDF ne constate la consommation de gaz sur l'établissement de la société Stricher situé à [Localité 4] le 4 février 2014, "ni cette dernière ni la société Groupe petit forestier n'étaient titulaires d'un contrat de fourniture de gaz avec un fournisseur d'énergie avant celui régularisé le 14 novembre 2014", de sorte, selon l'arrêt, que l'action délictuelle introduite par la société GRDF le 1er février 2019, moins de cinq ans avant la découverte du dommage le 4 février 2014, n'est pas atteinte par la prescription ; qu'en statuant de la sorte, quand la société GRDF, qui venait aux droits de la société Gaz de France, distributeur et fournisseur de gaz jusqu'en janvier 2008, puis en sa qualité de gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel en France, chargée de l'entretien, de la maintenance et de l'exploitation de ce réseau, était tenue à une obligation de contrôle et de vérification des compteurs de consommation de gaz et ne pouvait prétendre avoir légitimement ignoré pendant la période considérée que le compteur de la société Stricher fonctionnait sans qu'un contrat n'ait été conclu avec cette société ni que le prix de cette consommation n'ait été réglé, de sorte que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixée au 4 février 2014, date à laquelle un technicien aurait constaté le fonctionnement du compteur en cause, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce, 2224 et 2277 (ancien) du code civil ;

2°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée le 1er février 2019 par la société GRDF, tendant à l'indemnisation du préjudice qui serait résulté de la consommation de gaz par la société Stricher sans contrat de fourniture, au titre de la période du 1er janvier 2006 au 13 novembre 2014, la cour d'appel a retenu que l'article L. 432-11 du code de l'énergie, relatif à la continuité du service public mise à la charge de l'opérateur responsable du réseau de distribution de gaz naturel national, était "étrang[er] au contrôle de la fourniture de gaz auprès d'un abonné au réseau" et a relevé qu'il était constant qu'avant que la société GRDF ne constate la consommation de gaz sur l'établissement de la société Stricher situé à [Localité 4] le 4 février 2014, "ni cette dernière ni la société Groupe petit forestier n'étaient titulaires d'un contrat de fourniture de gaz avec un fournisseur d'énergie avant celui régularisé le 14 novembre 2014", de sorte, selon l'arrêt, que l'action délictuelle introduite par GRDF le 1er février 2019, moins de cinq ans avant la découverte du dommage le 4 février 2014, n'est pas atteinte par la prescription ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'article 19 du contrat de concession pour le service public de distribution de gaz naturel l'obligation pour la société GRDF de vérifier périodiquement les compteurs de consommation et si, en conséquence, la société GRDF n'aurait pas dû avoir connaissance du fait que le compteur de la société Stricher fonctionnait sans qu'un contrat n'ait été conclu avec cette société ni que le prix de cette consommation n'ait été réglé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-4 du code de commerce, 2224 et 2277 (ancien) du code civil ;

3°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée le 1er février 2019 par la société GRDF, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société GRDF, qui avait connaissance de l'existence du compteur situé dans l'établissement dans lequel la société Stricher s'était installée en début d'année 2006 et aurait en conséquence dû fermer ce compteur au départ du précédent exploitant ou en tout état de cause procéder à la vérification périodique de ce compteur, de sorte qu'elle ne pouvait prétendre avoir légitimement ignoré pendant la période considérée que le compteur de la société Stricher fonctionnait sans qu'un contrat n'ait été conclu avec cette société ni que le prix de cette consommation n'ait été réglé, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-4 du code de commerce, 2224 et 2277 (ancien) du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'application combinée des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, que les actions fondées sur la responsabilité délictuelle entre commerçant se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. Après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 432-11 du code de l'énergie, selon lesquelles, pour assurer techniquement l'accès au réseau de distribution de gaz naturel, le distributeur met en œuvre les programmes de mouvements de gaz naturel établis par les fournisseurs régulièrement autorisés et assure, à tout instant, la sécurité et l'efficacité de son réseau et l'équilibre des flux de gaz naturel en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci, et en avoir déduit à bon droit que cette disposition est étrangère au contrôle de la fourniture de gaz à un abonné au réseau, l'arrêt retient que la société GRDF a constaté, le 4 février 2014, une consommation de gaz sur l'établissement de la société Stricher, et que ni cette société ni la société Groupe petit forestier n'étaient titulaires d'un contrat de fourniture de gaz avec un fournisseur d'énergie depuis le 1er janvier 2006.

6. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont il ressort qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'oblige la société Gaz de France puis la société GRDF à contrôler des compteurs de consommation réputés inactifs, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche visée à la deuxième branche, inopérante dès lors qu'il résulte des stipulations de l'article 19 du contrat de concession pour le service public de distribution de gaz naturel que la société GRDF a la faculté, mais pas l'obligation, de procéder à la vérification des compteurs, ni à la recherche visée à la troisième branche, inopérante dès lors que le défaut de fermeture du compteur au départ du précédent occupant des locaux ne permettait pas à la société Gaz de France puis à la société GRDF de connaître les faits postérieurs de consommation de gaz hors contrat, a pu retenir que la société GRDF n'avait pas eu connaissance avant le 4 février 2014 des faits lui permettant d'exercer son action en responsabilité civile délictuelle contre les sociétés Stricher et Groupe petit forestier, et a exactement déduit que l'action engagée par la société GRDF le 1er février 2019 n'était dès lors pas prescrite.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. Les sociétés Stricher et Groupe petit forestier font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la société GRDF la somme de 163 267,36 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2016 ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée sur la somme de 163 267,36 euros, alors « que le fait de la partie qui se prétend victime constitue une cause d'exonération de responsabilité de l'auteur du dommage ; que, pour retenir la responsabilité de la société Stricher, la cour d'appel a énoncé que "la présence d'un compteur sur le site repris par la société Stricher ne fait pas peser sur les distributeurs ou les fournisseurs de gaz qui se sont succédé l'obligation de soumettre un contrat" et qu'en revanche, "une entreprise grande consommatrice de gaz" ne pouvait être fournie en énergie "sans solliciter de contrat d'un fournisseur ni en régler le prix pendant près de huit ans", de sorte que la faute de la société Stricher était établie ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société GRDF n'avait pas commis une faute, à tout le moins de négligence, à l'origine de son préjudice dès lors qu'elle avait connaissance de l'existence du compteur situé dans les locaux repris par la société Stricher en janvier 2006 et qu'elle s'était abstenue, soit de fermer ce compteur, soit d'en contrôler la consommation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

9. L'arrêt retient que la présence d'un compteur sur le site repris par la société Stricher ne fait pas peser sur les distributeurs ou les fournisseurs de gaz qui se sont succédé l'obligation de soumettre à cette société un contrat de fourniture. Il ajoute qu'une entreprise grande consommatrice de gaz telle que la société Stricher ne pouvait être fournie en énergie sans solliciter de contrat d'un fournisseur ni en régler le prix pendant près de huit ans.

10. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il se déduit que la faute intentionnelle de la société Stricher, qui avait fait le choix délibéré de soutirer, près de huit ans, sans rien payer, de très importantes quantités de gaz au point de comptage situé dans les locaux qu'elle reprenait, était la cause exclusive du dommage subi par la société GRDF, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. Les sociétés Stricher et Groupe petit forestier font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la somme de 163 267,36 euros, alors « que le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le fait dommageable ne s'était pas produit ; qu'une condamnation indemnitaire ne peut inclure la TVA que si son bénéficiaire justifie ne pas être assujetti à cette taxe et ne pouvoir la récupérer ; qu'en retenant, pour condamner les sociétés Stricher et Groupe petit forestier à payer la TVA sur la somme de 163 267,36 euros accordée à titre de dommages et intérêts, que l'indemnité allouée à la société GRDF "est en lien direct avec le gaz fourni, et tandis que le caractère taxable de cette somme est indépendant du fait qu'elle résulte de la loi et qu'elle est fixée par le juge, cette taxe doit être appliquée suivant la prescription de l'article 256 du code général des impôts", sans constater que la société GRDF n'aurait pas été assujettie à la TVA et n'aurait pas pu récupérer cette taxe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (désormais 1240) du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

12. Il résulte de l'article 256 du code général des impôts qu'une indemnité qui constitue la contrepartie d'une prestation de services individualisée rendue à celui qui doit la verser est assujettie à la TVA.

13. L'arrêt constate que l'indemnité allouée à la société GRDF est en lien direct avec les consommations de gaz fournies jusqu'au 31 octobre 2014 et qu'en conséquence cette somme allouée à titre de dommages et intérêts est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

14. En l'état de ces seules constatations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée au moyen, inopérante dès lors que la société GRDF ne pouvait récupérer la TVA sur d'autres opérateurs, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Stricher et Groupe petit forestier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Stricher et Groupe petit forestier et les condamne à payer à la société Gaz Réseau Distribution de France (GRDF) la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-10.072
Date de la décision : 04/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris J2


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 04 jui. 2025, pourvoi n°24-10.072


Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.10.072
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