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04/06/2025 | FRANCE | N°12500409

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 juin 2025, 12500409


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


IJ






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 4 juin 2025








Cassation partielle




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 409 F


Pourvoi n° H 24-10.084








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025


Mme [K] [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-10.084 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

IJ

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 4 juin 2025

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 409 F

Pourvoi n° H 24-10.084

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025

Mme [K] [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-10.084 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [H], domicilié [Adresse 5], pris en sa qualité d'ayant droit de [W] [H], et d'ayant droit de [O] [T], veuve [H],

2°/ à M. [G] [H], domicilié [Adresse 4], pris en sa qualité d'ayant droit de [W] [H], et d'ayant droit de [O] [T], veuve [H],

3°/ à la société La médicale, société anonyme (SA), dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [C], de la SCP Richard, avocat de MM. [D] et [G] [H], de la société La médicale, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 novembre 2023), après avoir subi, entre 1981 et 1988, des scléroses de varices réalisées par [W] [H] et [O] [H], médecins phlébologues, Mme [C] a appris en décembre 2002 qu'elle était contaminée par le virus de l'hépatite C (VHC).

2. Les 1er, 2, 6 et 9 juin 2017, imputant sa contamination aux soins prodigués par [W] [H] et [O] [H], Mme [C] a assigné en responsabilité et indemnisation [O] [H], MM. [D] et [G] [H] en leur qualité d'héritiers de [W] [H], décédé le 17 avril 2009, et leur assureur la société La médicale. Elle a mis en cause la caisse nationale militaire de sécurité sociale (la caisse) qui a sollicité le remboursement de ses débours. [O] [H] est décédée le 3 novembre 2020, au cours de la procédure.

3. MM. [D] et [G] [H], en leur qualité d'héritiers de [W] et [O] [H], ont contesté l'imputabilité de la contamination aux soins prodigués et opposé, à titre subsidiaire, la prescription de la demande formée au titre du préjudice spécifique de contamination.

4. Le lien de causalité entre les scléroses de varices et la contamination et la responsabilité de [W] et [O] [H] ayant été retenus, MM. [D] et [G] [H], es qualité, et la société La médicale ont été condamnés in solidum à payer différentes sommes à Mme [C] en réparation de ses préjudices et à la caisse.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 2262 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 2226 du code civil et l'article 26-II de cette loi :

6. En premier lieu, le préjudice spécifique de contamination, qui répare un dommage corporel, comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination et inclut, outre les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l'espérance de vie et la crainte des souffrances, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les préjudices esthétique et d'agrément générés par les traitements et soins subis, ainsi que le seul risque de la survenue d'affections opportunistes consécutives à la contamination. Il n'inclut ni le déficit fonctionnel, ni les autres préjudices à caractère personnel liés à la survenue de ces affections.

7. En deuxième lieu, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le deuxième de ces textes soumettait les actions tant réelles que personnelles à une prescription de trente ans.

8. Le troisième de ces textes, créé par cette loi, a soumis l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, à une prescription de dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé, écartant ainsi l'application de la prescription de droit commun de l'article 2224, créé par cette loi, dont le délai est réduit à cinq ans et court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

9. Le quatrième de ces textes a précisé que les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

10. En dernier lieu, si l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, créé entre temps par l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, a soumis les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à une prescription de dix ans à compter de la consolidation du dommage, ces dispositions concernent, conformément à l'article 101 de la loi, les accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées au plus tôt six mois avant la publication de la présente loi, soit à compter du 5 septembre 2001, et ne sont immédiatement applicables aux actions en responsabilité concernant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés antérieurement qu'en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit.

11. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande d'indemnisation d'un préjudice spécifique de contamination, après avoir fixé la date de la consolidation en 2009, l'arrêt retient que l'article L. 1142-28 n'est pas applicable dès lors que le préjudice spécifique de contamination existe indépendamment de toute notion de consolidation, que l'action en responsabilité contractuelle, était régie, avant la loi du 17 juin 2008, par l'article 2262 du code civil, lequel avait pour point de départ la manifestation du dommage, soit, en matière de préjudice de contamination, la révélation même de la contamination, que l'article 2224 du code civil a ramené le délai de prescription de trente ans à cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières, que les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 se sont appliquées aux prescriptions en cours non encore acquises à cette date, sous réserve de ne pas dépasser le délai de prescription initiale, que Mme [C], ayant eu connaissance de sa contamination en décembre 2002, pouvait agir jusqu'en décembre 2032, que son délai d'action s'était trouvé réduit à cinq ans par l'article 2224 du code civil, de sorte qu'elle devait agir en réparation de ce préjudice au plus tard le 19 juin 2013 et qu'à la date des assignations, son action était prescrite.

12. En statuant ainsi, alors qu'à la date des soins était en vigueur le délai de l'article 2262 du code civil, qui n'a pu courir tant que le dommage subi par Mme [C] n'était pas consolidé, et qu'en l'absence d'applicabilité de l'article L.1142-28 du code de la santé publique eu égard à la date des soins et à la durée de la prescription antérieure, l'action en réparation de l'ensemble de son dommage corporel s'est trouvée soumise au délai de dix ans de l'article 2226 du code civil, courant à compter de la consolidation constatée en 2009, de sorte que cette action n'était pas prescrite en 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déclare irrecevable comme prescrite la demande d'indemnisation d'un préjudice spécifique de contamination entraîne la cassation des chefs de dispositif qui, en conséquence, limitent le préjudice corporel de la victime à la somme de 22 005,70 euros et la condamnation in solidum de MM. [D] et [G] [H] en leur qualité d'ayants droit de [W] et [O] [H] et de la société La médicale à payer à Mme [C] la somme de 6 250 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

14. En revanche, la cassation de ces chefs de dispositif n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant MM. [D] et [G] [H], en leur qualité d'ayants droit, aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de ceux-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite la demande de Mme [C] d'indemnisation d'un préjudice spécifique de contamination et, en conséquence, limite le préjudice corporel de Mme [C] à la somme de 22 005,70 euros et la condamnation in solidum de MM. [D] et [G] [H] en leur qualité d'ayants-droit de [W] et [O] [H] et de la société La médicale à payer à Mme [C] la somme de 6 250 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice corporel, après déduction de la créance des tiers payeurs, l'arrêt rendu le 14 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne aux dépens MM. [D] et [G] [H], en leur qualité d'ayants droit de [W] et [O] [H], et la société La médicale ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [D] et [G] [H], en leur qualité d'ayants droit de [W] et [O] [H], et la société La médicale et les condamne à payer à Mme [C] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12500409
Date de la décision : 04/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

SANTE PUBLIQUE


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 14 novembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 jui. 2025, pourvoi n°12500409


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:12500409
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