COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 294 F-B
Pourvoi n° B 24-16.013
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
La société Assurance mutuelle des motards, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 24-16.013 contre l'arrêt n° RG 22/03295 rendu le 2 avril 2024 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côtes d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la directrice générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Assurance mutuelle des motards, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côtes d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône et de la la directrice générale des finances publiques, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 avril 2024), la société Assurance mutuelle des motards (la société AMDM) a fait, au cours de l'année 2012, l'objet d'une vérification de compatibilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a retenu que la garantie « équipement du conducteur » prévue par le contrat d'assurance multirisques moto/scooter/auto commercialisé par la société devait être soumise à la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA) au taux de 18 % prévu au 5° bis de l'article 1001 du code général des impôts.
2. Le 28 septembre 2018, la société AMDM a formé une réclamation contentieuse, sollicitant la restitution partielle de la TSCA payée, d'une part, au titre de la garantie « équipement conducteur » pour les années 2016 et 2017, d'autre part, au titre des frais de fractionnement pour la même période.
3. L'administration fiscale ayant rejeté cette demande, la société AMDM l'a assignée en décharge partielle de la TSCA.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société AMDM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de décharge partielle de la TSCA payée au titre de la garantie « équipement du conducteur », alors :
« 1° / qu'en application de l'article 1001 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestre à moteur (5° bis) et à 9 % pour toutes autres assurances (6°), en se fondant, pour juger que la garantie « équipement du conducteur » constituait une assurance contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestre à moteur, au sens du 5° bis du texte précité, sur le seul critère de l'« accident de la circulation », insuffisant à démontrer le caractère indissociable des risques couverts par cette garantie de ceux couverts par les garanties principales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article précité ;
2°/ que la garantie « équipement du conducteur » ne couvre que les effets de protection du conducteur et non les éléments du véhicule lui-même, de sorte qu'elle ne peut pas constituer une assurance contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur, en décidant néanmoins que la garantie litigieuse entrait dans le champ d'application de l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts, qui est d'interprétation stricte, s'agissant d'un texte dérogatoire qui fixe un taux de 18 %, alors que le taux de droit commun est de 9 %, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article précité ;
3°/ qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, de l'analyse de l'article 3.3 des conditions générales du contrat d'assurance multirisque moto/scooter/cyclo/side/trike/quad, proposé par la mutuelle, que la dissociation entre la mise en jeu des garanties principes du contrat et la garantie « équipement du conducteur » ne serait pas possible, quand la garantie en question ne peut jouer qu'à l'occasion d'un accident de la circulation, qui est défini au lexique des conditions générales de la mutuelle comme un « événement non intentionnel, soudain, imprévu et extérieur à la victime ou au bien endommagé et constituant la cause des dommages corporels ou matériels », de sorte que les conditions générales permettent tout à fait la mise en jeu de la garantie « équipement du conducteu » sans la garantie responsabilité civile ou dommages matériels, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat d'assurance et ainsi violé l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, le tarif de la TSCA est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur autres que les assurances relatives à l'obligation d'assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l'article L. 211-1 du code des assurances.
6. Ces dispositions s'appliquent lorsque la garantie, qui n'est pas nécessairement incluse dans un contrat d'assurance relevant de l'article L. 211-1 du code des assurances, joue à l'occasion d'un sinistre mettant en cause un véhicule terrestre à moteur. Il importe peu que la garantie ne couvre pas les éléments du véhicule lui-même.
7. Ayant constaté que la garantie « équipement du conducteur » proposée par la société AMDM, qu'elle soit mise en uvre concomitamment à la garantie responsabilité civile ou à la garantie dommages matériels ou de façon distincte de ces deux garanties, lorsque les dommages sont exclusivement subis par des tiers ou que le propriétaire du véhicule assuré n'est pas le conducteur, ne peut jouer qu'à l'occasion d'un accident de la circulation dans lequel le conducteur subit des dommages affectant son équipement, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturer le contrat d'assurance, que cette garantie était soumise au tarif de 18 % prévu au 5° bis de l'article 1001 du code général des impôts.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. La société AMDM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de décharge partielle de la TSCA payée au titre des frais de fractionnement, alors « que les frais de fonctionnement [fractionnement] n'ont pas comme contrepartie la couverture d'un risque assuranciel, qu'ils ne constituent pas un profit mais une simple compensation du manque à gagner que l'assureur aurait pu percevoir en plaçant les sommes s'ils les avaient perçues directement et que lorsqu'un élément taxable n'est pas visé spécifiquement par une disposition à l'article 1001 du code général des impôts, il n'existe qu'une seule base juridique pour sa taxation, à savoir le droit commun de 9 % prévu au 6° du même texte lorsqu'aucun autre taux n'est spécifiquement prévu, en jugeant néanmoins, par motifs propres et adoptés, que les frais occasionnés à l'assureur par le paiement fractionné de l'assuré doivent être assujettis en tant qu'accessoires des sommes versées au titre de la convention d'assurance, le tarif applicable étant celui correspondant au risque couvert par la garantie souscrite, la cour d'appel a violé les articles 991 et 385 alinéa 3 du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
10. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 991 du code général des impôts, la TSCA est perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l'assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l'assuré.
11. L'article 1001 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, fixe, d'une part, en ses points 1° à 5° quater, le taux de la taxe pour les assurances couvrant une liste de risques qu'il énumère, d'autre part, en son point 6°, le taux de la taxe à 9 % pour les autres assurances.
12. En application de l'article 385 de l'annexe III au code général des impôts, la taxe est liquidée sur le montant des primes et autres sommes stipulées au profit de l'assureur qui font l'objet d'une émission de quittance au cours de chaque mois, déduction faite des annulations et remboursements constatés au cours de chaque mois.
13. Doit être soumise à la TSCA en tant qu'elle constitue un accessoire des sommes stipulées au profit de l'assureur, au sens de l'article 991, alinéa 2, du code général des impôts, la majoration d'une prime d'assurance pour paiement fractionné de celle-ci calculée en fonction de son montant et mise à la charge de l'assuré (Com., 8 juillet 2003, pourvoi n° 01-12.408, Bulletin civil 2003, IV, n° 130).
14. Il en résulte que les frais de fractionnement payés par l'assuré, assujettis à la TSCA en tant qu'accessoires des sommes versées au titre de la convention d'assurance, doivent être soumis au taux de TSCA applicable au risque couvert par la garantie souscrite.
15. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Assurance mutuelle des motards aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Assurance mutuelle des motards et la condamne à payer à la directrice générale des finances publiques et au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.