LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 28 mai 2025
Cassation
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 347 FS-B
Pourvois n°
D 21-13.519
E 21-13.520 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
I - La société Real Madrid Club de Futbol, dont le siège est [Adresse 3] (Espagne), a formé le pourvoi n° D 21-13.519 contre un arrêt n° RG : 18/09031 rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [I], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société Editrice du Monde, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
II - M. [U] [L], domicilié [Adresse 2] (Espagne), a formé le pourvoi n° E 21-13.520 contre un arrêt n° RG : 18/09180 rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Editrice du Monde,
2°/ à M. [M] [I],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° D 21-13.519 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le demandeur au pourvoi n° E 21-13.520 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Corneloup, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société Real Madrid Club de Futbol et de M. [L], de la SCP Spinosi, avocat de la société Editrice du Monde et de M. [I], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Champalaune, président de chambre, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, M. Chaumont, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du premier président, du président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 15 septembre 2020, n° RG 18/09031 et 18/09180), le 7 décembre 2006, l'édition numérique du journal Le Monde a publié un article, rédigé par M. [I], journaliste salarié de ce journal (le journaliste), intitulé « Le Real Madrid et le Barça liés au docteur [C] ». Le lendemain, l'article est paru dans l'édition papier, accompagné d'un entretien avec ce médecin.
2. Le journal affirmait que le Real Madrid Club de Futbol (le club) recourait aux services du docteur [C], qui était l'instigateur d'un réseau de dopage sanguin auparavant révélé dans le milieu du cyclisme. Un extrait de l'article figurait en première page, assorti d'un dessin sous-titré « Dopage : le football après le cyclisme » et représentant un cycliste vêtu des couleurs du drapeau espagnol et entouré de petits footballeurs et de seringues.
3. De nombreux médias, notamment espagnols, se sont fait l'écho de cette publication.
4. Le 23 décembre 2006, le journal Le Monde a publié, sans commentaire, la lettre de démenti que lui avait fait parvenir le Real Madrid.
5. Le club et M. [L] (le membre de l'équipe médicale) ont engagé, devant les juridictions espagnoles, contre la société Editrice du Monde (la société éditrice) et le journaliste, des actions en responsabilité, fondées sur l'atteinte à leur honneur.
6. Le 27 février 2009, le tribunal de première instance n° 19 de Madrid a condamné la société éditrice et le journaliste à payer au premier la somme de 300 000 euros et au second celle de 30 000 euros. Le tribunal a également ordonné la publication de sa décision dans les pages intérieures du journal Le Monde et en première page, avec le même niveau d'importance que celui employé pour publier l'information litigieuse, outre la publication dans un journal espagnol.
7. Le 18 octobre 2010, l'Audience provinciale de Madrid a confirmé les condamnations pécuniaires et limité l'obligation de publication à la première page du journal Le Monde et du journal espagnol.
8. Le 24 février 2014, le Tribunal suprême espagnol a rejeté le recours formé par la société éditrice et le journaliste.
9. Le 11 juillet 2014, le tribunal de première instance de Madrid a ordonné l'exécution de la décision du Tribunal suprême et le paiement, au profit du club, de la somme de 390 000 euros en principal, intérêts et frais.
10. Les 9 octobre et 3 novembre 2014, ce même tribunal a également ordonné l'exécution dudit arrêt du Tribunal suprême et le paiement, au profit du membre de l'équipe médicale, de la somme de 33 000 euros en principal, intérêts et frais.
11. Le 15 février 2018, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal de grande instance de Paris a rendu deux déclarations constatant le caractère exécutoire, la première, à la requête du club, de la décision du 24 février 2014 et de l'ordonnance du 11 juillet 2014, la seconde, à la requête du membre de l'équipe médicale, de cette même décision du 24 février 2014 et de l'ordonnance du 9 octobre 2014, rectifiée le 3 novembre 2014.
12. Le 15 septembre 2020, la cour d'appel de Paris a infirmé ces déclarations et dit que les décisions espagnoles ne sauraient recevoir exécution en France en ce qu'elles étaient manifestement contraires à l'ordre public international français.
13. Le club et le membre de l'équipe médicale ont formé un pourvoi en cassation.
14. Le 28 septembre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a ordonné la jonction des pourvois n° D 21-13.519 et E 21-13.520, a renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne sept questions préjudicielles portant sur l'interprétation des articles 34 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (le règlement Bruxelles I) et de l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (la Charte), a sursis à statuer jusqu'à la décision de cette dernière et a réservé les dépens.
15. Le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l'Union européenne, réunie en grande chambre (CJUE, arrêt du 4 octobre 2024, Real Madrid Club de Fútbol, C-633/22), a répondu aux questions posées.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° D 21-13.519, pris en ses huitième, neuvième et dixième branches, et le moyen du pourvoi n° E 21-13.520, pris en ses neuvième et dixième branches
16. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les moyens des pourvois n° D 21-13.519 et E 21-13.520, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
17. Le club et le membre de l'équipe médicale font grief aux arrêts d'infirmer les déclarations rendues le 15 février 2018 par le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal de grande instance de Paris constatant le caractère exécutoire en France de la sentence du 24 février 2014, de ordonnance du 11 juillet 2014 et de l'ordonnance du 9 octobre 2014, telle que rectifiée par l'ordonnance du 3 novembre 2014, et de dire que ces décisions ne sauraient recevoir exécution en France en ce qu'elles sont manifestement contraires à l'ordre public international français, alors « qu'une condamnation à des dommages-intérêts prononcée par un juge étranger ne peut faire l'objet d'un contrôle de proportionnalité de la part du juge de l'exequatur, au titre de sa conformité à l'ordre public international, qu'à la condition que les dommages-intérêts alloués par le juge étranger présentent un caractère punitif ; qu'en examinant en l'espèce la proportionnalité des condamnations pécuniaires prononcées par le juge espagnol au profit du Real Madrid [et de M. [L]] sans vérifier au préalable qu'elles consistaient en des dommages-intérêts punitifs et non compensatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 34, point 1, et 36 du règlement (CE) n° 44/2001, du Conseil, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »
Réponse de la Cour
18. Répondant aux questions préjudicielles qui lui avaient été renvoyées dans le présent litige, la Cour de justice a dit pour droit :
« L'article 34, point 1, et l'article 45 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, lus conjointement avec l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que l'exécution d'un jugement condamnant une société éditrice d'un journal et l'un de ses journalistes au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par un club sportif et l'un des membres de son équipe médicale en raison d'une atteinte à leur réputation du fait d'une information les concernant publiée par ce journal doit être refusée pour autant qu'elle aurait pour effet une violation manifeste de la liberté de la presse, telle que consacrée à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux et, ainsi, une atteinte à l'ordre public de l'État membre requis. »
19. Au point 69 de l'arrêt précité, la Cour de justice a indiqué qu'il incombe à la juridiction nationale de vérifier si les dommages et intérêts accordés s'avèrent manifestement disproportionnés par rapport à l'atteinte à la réputation en cause et risquent ainsi d'avoir un effet dissuasif dans l'État membre requis sur la couverture médiatique de questions analogues à l'avenir ou, plus généralement, sur l'exercice de la liberté de la presse, telle que consacrée à l'article 11 de la Charte.
20. La Cour de justice, qui a expressément visé les dommages et intérêts accordés en réparation du préjudice moral subi, n'a pas limité l'examen de la proportionnalité des condamnations pécuniaires aux seuls dommages et intérêts punitifs.
21. Les moyens, qui reposent sur un postulat erroné, ne sont donc pas fondés.
Sur les moyens des pourvois n° D 21-13.519 et E 21-13.520, pris en leur quatrième branche, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
22. Le club et le membre de l'équipe médicale font le même grief aux arrêts, alors « qu'une condamnation à des dommages-intérêts prononcée par un juge d'un Etat membre ne peut être considérée comme manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis qu'à la condition qu'elle soit manifestement disproportionnée au regard du préjudice subi d'une part, et de la faute de la partie condamnée d'autre part ; que la situation économique et financière de la partie condamnée n'est en revanche pas un critère pertinent aux fins d'apprécier la proportionnalité de la condamnation prononcée par le juge d'origine ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'une contrariété manifeste à l'ordre public international français des décisions espagnoles qui lui étaient déférées, sur le fait que les condamnations pécuniaires prononcées par le juge espagnol étaient disproportionnées tant au regard du préjudice subi par le Real Madrid Club de Futbol [et par M. [L]] que de la situation de la société Editrice du Monde et de M. [I], la cour d'appel a violé l'article 34, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001, du Conseil, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les articles 11, 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 6, 10, 14 et 1er du protocole n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
23. La Cour de justice a indiqué, au point 68 de l'arrêt précité, qu'il « appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce, parmi lesquelles figurent non seulement les ressources des personnes condamnées mais également la gravité de leur faute et l'étendue du préjudice telles qu'elles ont été constatées dans les décisions en cause au principal, si l'exécution de ces décisions aurait pour effet, au regard des critères énoncés aux points 53 à 64 du présent arrêt, une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l'article 11 de la Charte. »
24. La Cour de justice a indiqué, au point 64 du même arrêt, qu'un effet dissuasif sur l'exercice de la liberté de la presse « peut même résulter d'une condamnation à des sommes relativement modestes, au regard des standards appliqués dans des affaires de diffamation comparables. Tel est, en principe, le cas lorsque les sommes allouées s'avèrent substantielles par rapport aux moyens dont dispose la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, § 96), qu'il s'agisse d'un journaliste ou d'un éditeur de presse. »
25. Les moyens, qui postulent au contraire que la situation économique et financière des personnes condamnées pour diffamation n'est pas un critère pertinent d'appréciation du caractère manifestement disproportionné de cette condamnation, ne sont donc pas fondés.
Mais sur les moyens des pourvois n° D 21-13.519 et E 21-13.520, pris en leur deuxième branche, réunis
Enoncé des moyens
26. Le club fait le même grief à l'arrêt n° RG 18/09031, alors « que le juge de l'Etat membre requis ne saurait, sous peine de contrevenir au principe de prohibition de la révision au fond de la décision étrangère, contrôler l'exactitude des appréciations de droit ou de fait qui ont été portées par le juge de l'Etat d'origine ; que le juge de l'Etat membre requis ne saurait dès lors substituer sa propre appréciation de la consistance et de la gravité du préjudice à celle du juge de l'Etat d'origine ; que dans sa sentence n° 70/2014 rendu le 24 février 2014, la Cour suprême espagnole a notamment relevé que "l'information divulguée supposait, par son contenu, un discrédit incontestable de la considération du club demandeur, car le traitement de l'information concrète concernant son implication dans une activité de dopage, qui faisait de plus l'objet d'une investigation judiciaire, était susceptible de porter atteinte à son droit à l'honneur, en raison de la gravité des faits et de leur transcendance sociale" ; que dans cette même sentence, la Cour suprême a également considéré qu'au regard des "circonstances de l'affaire et [de] la gravité du préjudice, comme le prévoit l'article 9.3 de la LOPJ, il n'existe aucune raison juridique justifiant la réduction du montant des indemnisations accordées en faveur de chacun des défendeurs, car la présente Chambre partage l'avis du tribunal ayant rendu la sentence selon lequel l'information contestée peut être qualifiée de « bombe informative » quant au moment où elle a été publiée, compte tenu du prestige mondialement reconnu du journal Le Monde, de la publication de l'information dans son édition numérique également et de la répercussion consécutive à la publication dans les médias sportifs espagnols" ; que pour tenter d'atténuer la gravité du préjudice ainsi soulignée par la Cour suprême espagnole, la cour d'appel a considéré que "le préjudice subi du fait du retentissement médiatique invoqué a été limité par le démenti apporté par les organes de presse locaux dont le lectorat est majoritairement espagnol" ; qu'en minimisant ainsi le préjudice subi, la cour d'appel a substitué sa propre appréciation du préjudice à celle du juge d'origine et révisé la décision étrangère, en violation des articles 34, point 1, et 36 du règlement (CE) n° 44/2001, du Conseil, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »
27. Le membre de l'équipe médicale fait le même grief à l'arrêt n° RG 18/09180, alors « que le juge de l'Etat membre requis ne saurait, sous peine de contrevenir au principe de prohibition de la révision au fond de la décision étrangère, contrôler l'exactitude des appréciations de droit ou de fait qui ont été portées par le juge de l'Etat d'origine ; que le juge de l'Etat membre requis ne saurait dès lors substituer sa propre appréciation de la consistance et de la gravité du préjudice à celle du juge de l'Etat d'origine ; que dans sa sentence n° 70/2014 rendu le 24 février 2014, la Cour suprême espagnole a notamment relevé que "l'information contestée a également porté atteinte au droit à l'honneur du codemandeur M. [U] [L], s'agissant de la personne qui, selon l'opinion publique, apparaissait comme médecin du Real Madrid" ; que dans cette même sentence, la Cour suprême a également considéré qu'au regard des "circonstances de l'affaire et [de] la gravité du préjudice, comme le prévoit l'article 9.3 de la LOPJ, il n'existe aucune raison juridique justifiant la réduction du montant des indemnisations accordées en faveur de chacun des défendeurs, car la présente Chambre partage l'avis du tribunal ayant rendu la sentence selon lequel l'information contestée peut être qualifiée de « bombe informative » quant au moment où elle a été publiée, compte tenu du prestige mondialement reconnu du journal Le Monde, de la publication de l'information dans son édition numérique également et de la répercussion consécutive à la publication dans les médias sportifs espagnols" ; que pour minorer la gravité du préjudice ainsi constatée par la Cour suprême espagnole, la cour d'appel, citant certains passages de la sentence de l'Audience provinciale de Madrid, a notamment relevé que "le préjudice est généralement associé au préjudice moral" et partant difficile à quantifier "en termes économiques" ; qu'elle a ajouté qu'"aucun des organes de presse espagnol ¿n'a consenti à la véracité de cette nouvelle, mais au contraire, ils l'ont remise en question" et que "M. [L] n'est jamais cité nommément dans l'article en question" ; qu'en tentant ainsi de minorer l'importance du préjudice subi par M. [L], la cour d'appel a substitué sa propre appréciation du préjudice à celle du juge d'origine et révisé la décision étrangère, en violation des articles 34, point 1, et 36 du règlement (CE) n° 44/2001, du Conseil, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 34, point 1, et 45 du règlement Bruxelles I, et l'article 11 de la Charte :
28. Aux termes du premier de ces textes, une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis.
29. Selon le second, la juridiction saisie d'un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire ne peut refuser ou révoquer la déclaration que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35. En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.
30. Aux termes du troisième, toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés.
31. Aux points 66 et 67 de l'arrêt précité, la Cour de justice a dit pour droit que l'exécution « doit être refusée, lorsqu'elle aurait pour effet une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l'article 11 de la Charte », puisqu'une « telle violation manifeste de l'article 11 de la Charte relève de l'ordre public de l'État membre requis et constitue, dès lors, le motif de refus d'exécution visé à l'article 34, point 1, du règlement n° 44/2001, lu en combinaison avec l'article 45 de celui-ci. »
32. Au point 69 du même arrêt, la Cour de justice a indiqué qu'il incombe à la juridiction nationale de vérifier, à cet effet, si les dommages et intérêts accordés s'avèrent manifestement disproportionnés par rapport à l'atteinte à la réputation en cause et risquent ainsi d'avoir un effet dissuasif dans l'État membre requis sur la couverture médiatique de questions analogues à l'avenir ou, plus généralement, sur l'exercice de la liberté de la presse, telle que consacrée à l'article 11 de la Charte.
33. Au point 71, la Cour de justice a ajouté que la vérification à effectuer par la juridiction de renvoi ne saurait impliquer un contrôle des appréciations de fond portées par les juridictions de l'Etat membre d'origine, un tel contrôle constituant une révision au fond, laquelle est expressément prohibée par l'article 36 et l'article 45, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I, et qu'en l'occurrence, la juridiction de renvoi ne saurait notamment examiner si le journaliste et la société éditrice ont agi, en publiant l'article en cause au principal, dans le respect de leurs devoirs et responsabilités ou remettre en cause les constats de l'arrêt du Tribunal suprême espagnol du 24 février 2014 en ce qui concerne la gravité de la faute ou l'étendue du préjudice subi.
34. Pour révoquer les déclarations constatant la force exécutoire des décisions espagnoles, les arrêts relèvent, d'une part, que le membre de l'équipe médicale, qui n'est jamais cité nommément dans l'article en question, et le club ne se prévalent pas d'un préjudice patrimonial, mais, sur le fondement de l'article 93 de la loi organique sur la protection civile du droit à l'honneur, d'un préjudice qui, selon les juridictions espagnoles, est généralement associé au préjudice moral, lequel est difficile à quantifier en termes économiques, et, d'autre part, que le préjudice subi du fait du retentissement médiatique invoqué a été limité par le démenti apporté par les organes de presse locaux.
35. En statuant ainsi, alors que la juridiction espagnole avait mentionné ces éléments sans en tirer aucune conséquence pour l'évaluation du préjudice dont elle avait souligné l'ampleur, la cour d'appel, qui l'a minorée, s'est livrée à une révision au fond des décisions espagnoles, violant les textes susvisés.
Et sur les moyens des pourvois n° D 21-13.519 et E 21-13.520, pris en leur troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
36. Le club et le membre de l'équipe médicale font le même grief aux arrêts, alors « qu'une condamnation à des dommages-intérêts prononcée par un juge d'un Etat membre ne peut être considérée comme manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis qu'à la condition qu'elle soit manifestement disproportionnée au regard du préjudice d'une part, et de la faute de la partie condamnée d'autre part ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'une contrariété manifeste à l'ordre public international français des décisions espagnoles qui lui étaient déférées, sur le fait que les condamnations pécuniaires prononcées par le juge espagnol étaient disproportionnées tant au regard du préjudice subi par le Real Madrid Club de Futbol [et par M. [L]] que de la situation de la société Editrice du Monde et de M. [I], sans tenir le moindre compte, pour apprécier la proportionnalité de la condamnation prononcée, de la gravité des fautes retenues par le juge espagnol à l'encontre de la société Editrice du Monde et de M. [I], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 34, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001, du Conseil, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, des articles 11, 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 6, 10 et 1er du protocole n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 34, point 1, et 45 du règlement Bruxelles I, et l'article 11 de la Charte :
37. Au point 68 de l'arrêt précité, la Cour de justice a énoncé qu'il « appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce, parmi lesquelles figurent non seulement les ressources des personnes condamnées mais également la gravité de leur faute et l'étendue du préjudice telles qu'elles ont été constatées dans les décisions en cause au principal, si l'exécution de ces décisions aurait pour effet, au regard des critères énoncés aux points 53 à 64 du présent arrêt, une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l'article 11 de la Charte ».
38. Pour révoquer les déclarations constatant la force exécutoire des décisions espagnoles, les arrêts retiennent que les condamnations apparaissent disproportionnées tant au regard du préjudice subi par le club et le membre de son équipe médicale que de la situation de la société éditrice et du journaliste.
39. En se déterminant ainsi, sans prendre en considération, pour apprécier le caractère manifestement disproportionné des dommages et intérêts, la gravité de la faute, telle qu'elle a été déterminée par les juridictions espagnoles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le moyen du pourvoi n° D 21-13.519, pris en sa cinquième branche, et le moyen du pourvoi E 21-13.520, pris en sa sixième branche, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
40. Le club et le membre de l'équipe médicale font le même grief aux arrêts, alors « que même à supposer qu'il faille, dans l'appréciation du caractère manifestement disproportionné de la condamnation à des dommages-intérêts prononcée par le juge étranger, s'attacher à la situation économique et financière de la personne condamnée, il y aurait lieu, pour évaluer cette situation, de prendre en compte le patrimoine de la personne condamnée, lequel se compose de l'ensemble des éléments figurant à son actif d'une part et à son passif d'autre part ; que la cour d'appel s'est bornée, pour conclure à l'existence d'une disproportion entre le montant de la condamnation à des dommages-intérêts prononcée par le juge espagnol et la situation de M. [I], à relever que ce dernier était une personne physique et qu'il était journaliste de profession ; qu'en statuant ainsi, au regard d'éléments qui ne permettaient nullement, à eux seuls, de connaître la consistance du patrimoine de M. [I], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 34, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001, du Conseil, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, des articles 11, 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 6, 10 et 1er du protocole n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 34, point 1, et 45 du règlement Bruxelles I, et l'article 11 de la Charte :
41. La Cour de justice a indiqué, au point 64 de l'arrêt, qu'un effet dissuasif sur l'exercice de la liberté de la presse « peut même résulter d'une condamnation à des sommes relativement modestes, au regard des standards appliqués dans des affaires de diffamation comparables. Tel est, en principe, le cas lorsque les sommes allouées s'avèrent substantielles par rapport aux moyens dont dispose la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2005 : 0215JUD006841601, § 96), qu'il s'agisse d'un journaliste ou d'un éditeur de presse. »
42. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, à laquelle se réfère la Cour de justice, n'impose pas une méthode spécifique d'évaluation des ressources. En particulier, elle n'exige pas que l'appréciation de la proportionnalité soit fondée sur la réalité de la composition du patrimoine de la personne condamnée. En effet, il est possible de s'appuyer sur des valeurs de référence, tel le salaire minimum (CEDH, arrêt du 19 avril 2011, Kasabova c. Bulgaria, n° 22385/03, § 71 ; CEDH, arrêt du 19 avril 2011, Bozhkov c. Bulgaria, n° 3316/04, § 55 ; CEDH, arrêt du 2 juin 2020, Tolmachev c. Russie, n° 42182/11, § 53 à 55) ou le salaire moyen (CEDH, arrêt du 23 juin 2009, Sorguç c. Turquie, n° 17089/03, n° 37 ; CEDH, arrêt du 7 juillet 2015, Morar c. Roumanie, n° 25217/06, § 70) dans l'Etat en cause.
43. Il en résulte que, sans être tenu de déterminer l'ensemble des éléments figurant à l'actif et au passif du patrimoine de la personne physique condamnée, il incombe au juge de rechercher si la condamnation pécuniaire s'avère substantielle par rapport aux revenus que cette personne tire de son activité professionnelle, le cas échéant par référence à la rémunération moyenne dans le secteur professionnel considéré.
44. Pour révoquer les déclarations constatant la force exécutoire des décisions espagnoles relatives au journaliste, les arrêts constatent qu'elles frappent une personne physique, journaliste de profession.
45. En se déterminant ainsi, sans indiquer aucune valeur de référence permettant d'apprécier les conséquences des condamnations sur la situation économique et financière du journaliste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le moyen du pourvoi n° D 21-13.519, pris en sa sixième branche, et le moyen du pourvoi E 21-13.520, pris en sa septième branche, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
46. Le club et le membre de l'équipe médicale font le même grief aux arrêts, alors « que même à supposer qu'il faille, dans l'appréciation du caractère manifestement disproportionné de la condamnation à des dommages-intérêts prononcée par le juge étranger, s'attacher à la situation économique et financière de la personne condamnée, il y aurait lieu, pour évaluer cette situation, de prendre en compte le patrimoine de la personne condamnée, lequel se compose de l'ensemble des éléments figurant à son actif d'une part et à son passif d'autre part ; que la cour d'appel s'est bornée, pour conclure à l'existence d'une disproportion entre le montant de la condamnation à des dommages-intérêts prononcée par le juge espagnol et la situation de la société Editrice du Monde, à relever que le montant de cette condamnation représentait plus de 50 % de la perte nette de cette société et 6 % du montant de ses disponibilités au 31 décembre 2017 ; qu'en statuant ainsi, au regard d'éléments qui ne permettaient nullement, à eux seuls, de connaître la consistance du patrimoine de la société Editrice du Monde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 34, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001, du Conseil, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, des articles 11, 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 6, 10 et 1er du protocole n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 34, point 1, et 45 du règlement Bruxelles I, et l'article 11 de la Charte :
47. La Cour de justice a indiqué, au point 64 de l'arrêt, qu'un effet dissuasif sur l'exercice de la liberté de la presse « peut même résulter d'une condamnation à des sommes relativement modestes, au regard des standards appliqués dans des affaires de diffamation comparables. Tel est, en principe, le cas lorsque les sommes allouées s'avèrent substantielles par rapport aux moyens dont dispose la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2005:0215JUD006841601, § 96), qu'il s'agisse d'un journaliste ou d'un éditeur de presse. »
48. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, à laquelle se réfère la Cour de justice, n'impose pas une méthode spécifique d'évaluation des ressources. S'agissant de la liberté d'expression des journalistes, elle veille à ce que le montant des dommages et intérêts imposés aux sociétés de presse ne soit pas de nature à menacer leurs assises économiques (CEDH, arrêt du 27 novembre 2007,Timpul Info-Magazin et Anghel c. Moldova, n° 42864/05, § 39 ; CEDH, arrêt du 26 novembre 2013, Blaja News Sp. z o. o. c. Pologne, n° 59545/10, § 71).
49. Il en résulte qu'il incombe au juge de rechercher si la condamnation pécuniaire s'avère substantielle par rapport aux moyens dont dispose la personne morale condamnée pour l'exercice de son activité.
50. Pour révoquer les déclarations constatant la force exécutoire des décisions espagnoles relatives à la société éditrice, les arrêts retiennent que les ressources de la société éditrice s'apprécient au regard de ses comptes sociaux, régulièrement versés aux débats, qui révèlent que le montant total des condamnations prononcées par les juridictions espagnoles représente plus de 50 % de la perte nette de cette société et 6 % du montant des disponibilités au 31 décembre 2017.
51. En se déterminant ainsi, sur le fondement d'éléments insuffisants pour établir que les condamnations avaient un caractère substantiel par rapport aux moyens dont disposait la société éditrice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le moyen du pourvoi n° E 21-13.520, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
52. Le membre de l'équipe médicale fait le même grief à l'arrêt n° RG 18/09180, alors « que lorsque la demande d'exequatur ne porte que sur une partie de la décision étrangère, seuls les chefs du dispositif concernés par cette demande peuvent faire l'objet d'un exequatur ; que, saisi d'une telle demande, le juge de l'exequatur doit donc se borner à vérifier la régularité internationale de ces chefs du dispositif, à l'exclusion de celle des autres chefs du dispositif de la décision étrangère ; que, statuant sur l'appel formé par la société Editrice du Monde et par M. [M] [I] contre la déclaration du 15 février 2018 constatant le caractère exécutoire en France des décisions espagnoles dans la procédure opposant M. [U] [L] à la société Editrice du Monde et à M. [M] [I], la cour d'appel se devait d'examiner la régularité de ces décisions dans la seule mesure où elles concernaient M. [L] ; que la proportionnalité de la condamnation à des dommages-intérêts prononcée par le juge espagnol ne pouvait dès lors être appréciée par la cour d'appel qu'à l'aune du chef du dispositif des décisions espagnoles prononçant une condamnation au profit de M. [U] [L], à l'exclusion du chef du dispositif prononçant une condamnation au profit du Real Madrid, dont le caractère exécutoire en France avait été affirmé par une déclaration distincte et faisait l'objet, en France, d'un appel distinct ; qu'à cet égard, rien n'interdisait à la cour d'appel d'accorder l'exequatur aux décisions espagnoles en tant qu'elles avaient prononcé une condamnation au profit de M. [L] tout en refusant l'exequatur aux décisions espagnoles en tant qu'elles avaient prononcé une condamnation au profit du Real Madrid ; que, dès lors, en se fondant, pour retenir le caractère disproportionné des condamnations pécuniaires prononcées par le juge espagnol à l'encontre de la société Editrice du Monde et de M. [I], sur le montant cumulé des condamnations prononcées tant au profit du Real Madrid que de M. [L], la cour d'appel a violé l'article 34, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001, du Conseil, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les articles 11, 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 6, 10 et 1er du protocole n°1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 34, point 1, et 45 du règlement Bruxelles I, et l'article 11 de la Charte :
53. Au point 72 de l'arrêt précité, la Cour de justice a observé qu'il ne saurait être exclu que la juridiction de renvoi soit amenée, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, à constater l'existence d'une violation manifeste de la liberté de la presse résultant d'une exécution des décisions en cause au principal en ce qui concerne seulement l'une des deux parties requérantes ou l'une des deux parties défenderesses visées par ces décisions.
54. La Cour de justice a ajouté, au point 73 de l'arrêt, que dans l'hypothèse où elle constaterait l'existence d'une violation manifeste de la liberté de la presse, cette juridiction devrait limiter le refus d'exécution desdites décisions à la partie manifestement disproportionnée, dans l'État membre requis, des dommages et intérêts alloués.
55. Enfin, au point 58 de l'arrêt, la Cour de justice a souligné qu'il « convient de distinguer la condamnation en faveur d'une personne morale et celle en faveur d'une personne physique, une atteinte à la réputation d'une personne physique pouvant entraîner des répercussions sur la dignité de cette dernière, alors que la réputation d'une personne morale est dépourvue de cette dimension morale (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, CE : CHR : 2005 : 0215JUD006841601, § 94 ; Cour EDH, 19 juillet 2011, UJ c. Hongrie, CE:ECHR:2011:0719JUD002395410, § 22, et Cour EDH, 11 janvier 2022, Freitas Rangel c. Portugal, CE:ECHR:2022:0111JUD007887313, §§ 48, 53 et 58). »
56. Pour déclarer que les condamnations pécuniaires prononcées par la juridiction espagnole étaient disproportionnées, tant au regard du préjudice subi par le membre de l'équipe médicale que de la situation de la société éditrice et du journaliste, l'arrêt (RG n° 18/09180) retient que cette disproportion doit s'apprécier en cumulant les condamnations prononcées au bénéfice du membre de l'équipe médicale et celles qui l'ont été au bénéfice du club.
57. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait d'apprécier la proportionnalité des condamnations de façon distincte à l'égard de chaque victime et de chaque auteur, afin de vérifier si une exécution seulement partielle permettrait d'éviter une violation manifeste des droits et libertés consacrés par l'article 11 de la Charte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts n° RG 18/09031 et 18/09180 rendus le 15 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Editrice du Monde et M. [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.