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27/05/2025 | FRANCE | N°24-83.444

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 27 mai 2025, 24-83.444


N° W 24-83.444 F-D

N° 00701


SL2
27 MAI 2025


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 MAI 2025



M. [U] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 11 avril 2024, qui, pour travail dissimulé, prêt

illicite de main-d'oeuvre et marchandage, a prononcé une peine de confiscation.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référen...

N° W 24-83.444 F-D

N° 00701


SL2
27 MAI 2025


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 MAI 2025



M. [U] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 11 avril 2024, qui, pour travail dissimulé, prêt illicite de main-d'oeuvre et marchandage, a prononcé une peine de confiscation.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [U] [E], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Au cours de contrôles menés sur des chantiers de construction, les inspecteurs du travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ont constaté la présence d'ouvriers détachés par la société de droit luxembourgeois [3] auprès de la société [2], sociétés ayant toutes deux pour gérant M. [U] [E].

3. Plusieurs des salariés ont déclaré qu'ils étaient hébergés dans une maison d'habitation appartenant à leur employeur, située à [Localité 4], et qu'ils ne payaient pas de loyer en contrepartie de la réalisation de travaux de rénovation sur cet immeuble ou au domicile de M. [E] au Luxembourg.

4. Ce bien immobilier a été saisi par ordonnance du juge des libertés et de la détention.

5. Les sociétés [2] et [3] et leur dirigeant ont été cités devant le tribunal correctionnel des chefs susmentionnés.

6. Par jugement du 28 novembre 2022, le tribunal correctionnel a déclaré M. [E] coupable et l'a condamné à seize mois d'emprisonnement avec sursis, 12 000 euros d'amende dont 6 000 euros avec sursis, cinq ans d'exclusion des marchés publics et cinq ans d'interdiction de gérer. Le tribunal correctionnel a dit n'y avoir lieu à confiscation du bien immobilier saisi.

7. Le ministère public a interjeté appel de la décision, en le limitant au refus de confiscation du bien immobilier.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

8. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Thionville du 28 novembre 2022 et a ordonné la confiscation de la part indivise de M. [E] de la maison sise [Adresse 1] à [Localité 4], alors :

« 1°/ que, hormis le cas où le bien saisi constitue, dans sa totalité, l'objet ou le produit de l'infraction ou la valeur de ceux-ci, le juge qui en prononce la confiscation doit, lorsqu'une telle garantie est invoquée, apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé, au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits ; que la peine de confiscation doit encore être motivée au regard de la personnalité des prévenus et de leur situation personnelle ; qu'en se bornant à relever, pour ordonner la confiscation de la part indivise de M. [E] de la maison sise [Adresse 1] à [Localité 4], qu'il est propriétaire d'un appartement d'une valeur estimée à 115.000 euros et d'une maison d'une valeur estimée de 140.000 euros et que ces éléments permettent à la Cour de s'assurer que la confiscation n'encourt pas le grief de disproportionnalité au regard du préjudice engendré par les délits ainsi que du patrimoine de M. [E], sans rechercher si, au regard de sa personnalité, M. [E] n'ayant jamais été condamné, cette peine constitue une sanction appropriée à sa personnalité, la Cour d'appel a méconnu les articles 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 et 132-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

« 2°/ que, hormis le cas où le bien saisi constitue, dans sa totalité, l'objet ou le produit de l'infraction ou la valeur de ceux-ci, le juge qui en prononce la confiscation doit, lorsqu'une telle garantie est invoquée, apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé, au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits ; que le caractère proportionné de la confiscation doit également s'apprécier à la lumière du droit à l'exécution des décisions de justice, dont il résulte que la décision judiciaire doit être réalisable et utile ; qu'en prononçant la confiscation de la part indivise de l'exposant, d'une valeur de 50.000 euros, de la maison sis à [Localité 4], lorsque cette mesure, qui ne pourra pas porter atteinte aux sûretés dont est grevé ce bien pour un montant total de plus de 100.000 euros, apparaît ainsi vaine et dépourvue de toute utilité, la Cour d'appel a méconnu les articles 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 131-21 et 132-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

« 3°/ que, seul le bien ayant servi à commettre une infraction peut être confisqué ; que si la loi n'apporte aucune précision sur l'usage dont il est question, il résulte de l'article 131-21 du code pénal que le bien confiscable est celui qui a directement concouru à la réalisation des éléments constitutifs de l'infraction ou bien à une action périphérique à l'infraction quand il a été indispensable à sa consommation ; qu'en relevant, pour prononcer la confiscation de l'immeuble, que celui-ci a servi d'hébergement aux employés dont la main d'oeuvre était dissimulée, lorsque cette offre d'hébergement n'a ni concouru à la constitution des infractions, ni constitué une action indispensable à la consommation des infractions poursuivies, la cour d'appel a méconnu les articles 131-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

10. Le grief manque en fait, dès lors que les énonciations de l'arrêt établissent que la valeur nette de la part indivise du condamné dans l'immeuble est de 53 690,87 euros après remboursement du capital restant dû, en considération d'une valeur vénale de l'immeuble estimée à 170 000 euros et d'un capital restant dû au 18 juin 2021 d'un montant de 64 236,53 euros.

11. Au surplus, le grief est inopérant, dès lors que les conditions d'exécution d'une peine de confiscation ne sont pas susceptibles d'affecter son prononcé, ce dont il résulte que la valeur économique résiduelle d'un bien, après désintéressement des créanciers, est sans emport sur la validité de la décision de confiscation.

12. Ainsi, le grief doit être écarté.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

13. Pour prononcer une peine de confiscation de droits indivis dans un immeuble, l'arrêt énonce que M. [E] est propriétaire indivis par moitié avec deux autres personnes d'une maison sise à [Localité 4], dans laquelle plusieurs employés de la société [2] ont déclaré avoir été hébergés en contrepartie de travaux réalisés dans cette dernière.

14. Les juges concluent que ces déclarations permettent de qualifier cet immeuble d'instrument des infractions de travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes, marchandage et opération illicite de prêt de main-d'œuvre exclusif dans un but lucratif commis également à l'égard de plusieurs personnes, pour lesquelles M. [E] est définitivement déclaré coupable.

15. En statuant ainsi, par des motifs dont il résulte que le bien indivis a servi à l'hébergement de salariés d'une entreprise étrangère travaillant en France en fraude des règles sur le détachement, ce dont il se déduit qu'il a permis la commission des délits d'exécution d'un travail dissimulé, prêt illicite de main-d'oeuvre et marchandage poursuivis, et dès lors qu'il est indifférent que son usage ait été déterminant ou non de leur commission, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

16. Ainsi, le grief doit être écarté.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Vu les articles 132-1 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale :

17. Il se déduit de ces textes qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine de confiscation doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire.

18. Pour prononcer une peine de confiscation de droits indivis dans un immeuble, l'arrêt attaqué identifie le bien visé, précise le fondement de la décision et s'assure que la confiscation de la part indivise de M. [E] dans la maison sise à [Localité 4] n'est pas disproportionnée au regard du préjudice engendré par les délits ainsi que de son patrimoine.

19. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur la personnalité et la situation personnelle du condamné, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

20. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 11 avril 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-83.444
Date de la décision : 27/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 27 mai. 2025, pourvoi n°24-83.444


Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.83.444
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