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27/05/2025 | FRANCE | N°23-86.955

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 27 mai 2025, 23-86.955


N° S 23-86.955 F-D

N° 00699


SL2
27 MAI 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 MAI 2025



M. [V] [Z], la société [4], M. [F] [X] et M. [W] [Y] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 4 octobr

e 2023, qui a condamné le premier, pour infractions au code de la propriété intellectuelle, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende,...

N° S 23-86.955 F-D

N° 00699


SL2
27 MAI 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 MAI 2025



M. [V] [Z], la société [4], M. [F] [X] et M. [W] [Y] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 4 octobre 2023, qui a condamné le premier, pour infractions au code de la propriété intellectuelle, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, la deuxième, pour infractions au code de la propriété intellectuelle, à 4 000 euros d'amende, le troisième, pour associations de malfaiteurs et infractions au code de la propriété intellectuelle et au code des douanes, à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, 400 000 euros d'amende dont 200 000 euros avec sursis, le quatrième, pour infractions au code de la propriété intellectuelle et au code des douanes, à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois assortis d'un sursis probatoire et à une confiscation, a ordonné une mesure de restitution et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.


Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de MM. [F] [X] et [V] [Z] et la société [4], les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [W] [Y], les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat des sociétés [1] et [3], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société [4], son président, M. [V] [Z], MM. [F] [X] et [W] [Y] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel à l'issue d'une information portant sur des faits de contrefaçon de sacs de la marque [1].

3. M. [Z] et la société [4], pour avoir gravé la marque « [2] » sur des pièces métalliques dorées destinées à orner les sacs, ont été poursuivis des chefs de détention en bande organisée de marchandise présentée sous une marque contrefaisante, contrefaçons par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, par reproduction et imitation d'une marque sans l'autorisation de son propriétaire, par usage d'une marque imitée sans l'autorisation de son propriétaire, par usage ou apposition d'une marque sans l'autorisation de son propriétaire et par diffusion ou représentation d'oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur.

4. M. [X], pour avoir fourni des peaux de crocodile pour la fabrication de sacs, et mis en relation certaines personnes qui ont oeuvré aux contrefaçons et acquis des sacs contrefaisants pour les revendre à M. [Y], a été poursuivi des chefs d'associations de malfaiteurs, importation et exportation en bande organisée de marchandise présentée sous une marque contrefaisante, importation en contrebande et en bande organisée de marchandise prohibée, blanchiment, blanchiment aggravé et contrefaçons en bande organisée par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, par usage d'une marque imitée sans l'autorisation de son propriétaire, par détention de marchandise présentée sous une marque contrefaisante, par reproduction et imitation d'une marque sans l'autorisation de son propriétaire, par usage ou apposition d'une marque sans l'autorisation de son propriétaire, par diffusion ou représentation d'oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, ainsi que des chefs de vente ou mise en vente, en bande organisée, de marchandise présentée sous une marque contrefaisante, vente ou mise en vente de marchandise présentée sous une marque contrefaisante, détention en bande organisée de marchandise contrefaisante sans document justificatif régulier réputée importation en contrebande, détention de marchandise présentée sous une marque contrefaisante et détention de marchandise contrefaisante sans document justificatif régulier, réputée importation en contrebande.

5. M. [Y], pour avoir revendu des sacs acquis auprès de M. [X], a été poursuivi des chefs de contrefaçons par édition ou reproduction et diffusion ou représentation d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, détention, vente ou mise en vente de marchandise présentée sous une marque contrefaisante et détention de marchandise contrefaisante sans document justificatif régulier, réputée importation en contrebande.

6. Les juges du premier degré les ont déclarés coupables et, après avoir reçu les sociétés [1] et [3] en leur constitution de partie civile, ont prononcé sur les intérêts civils.

7. Les prévenus, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposés pour M. [Z] et la société [4], les premier et deuxième moyens, le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposés pour M. [X], les premiers, deuxième, troisième, quatrième, cinquième moyens, le sixième moyen, pris en sa seconde branche, le septième moyen, pris en sa première branche, et les huitième, neuvième et dixième moyens, proposés pour M. [Y]

8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le troisième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour M. [Z] et la société [4] et le troisième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour M. [X]

Enoncé des moyens

9. Le moyen, proposé pour M. [Z] et la société [4], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a condamnés, solidairement avec d'autres co-prévenus, à verser, concernant le réseau dit national ([T] [U]), à [3], la somme de 601 020 euros en réparation de son préjudice matériel, au titre du profit généré par la contrefaçon, alors :

« 3°/ que les dispositions des articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, en ce qu'elles permettent de condamner l'auteur de la contrefaçon à des dommages et intérêts dissuasifs, voire punitifs, qui se cumulent avec d'éventuelles sanctions pénales, doivent être interprétées à la lumière du principe de proportionnalité de la peine prévu par l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe de nécessité du cumul de sanctions prévues, déduit de l'article 50 de la Charte ; qu'en condamnant M. [Z] et la société [4] à verser à la société [3] la somme de 601 020 euros au titre du profit généré par le réseau de contrefaçon national, sans vérifier que le cumul de cette condamnation dissuasive, voire punitive, avec l'amende pénale était proportionné à la gravité des faits et nécessaire, la cour d'appel a violé les articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprétés à la lumière du droit de l'Union, 13 et 16 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et 49.3 et 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4°/ que l'auteur d'une contrefaçon ne peut pas être tenu, solidairement avec d'autres, à verser une somme correspondant à des bénéfices qu'il n'a pas personnellement perçus ; qu'en retenant que chacun des coprévenus était solidairement tenu de restituer les sommes correspondant au bénéfice réalisé du fait de la contrefaçon, la cour d'appel, qui a mis à la charge de chacun des coprévenus une somme qui, faute pour chacun d'eux de l'avoir perçue, n'était pas en lien causal avec les faits qui leur était personnellement reprochés, a violé les articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, 2, 3 et 480-1 du code de procédure pénale. »

10. Le moyen, proposé pour M. [X] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné, solidairement avec d'autres co-prévenus, à verser, concernant le réseau dit national ([T] [U]), à [3], la somme de 601 020 euros en réparation de son préjudice matériel, au titre du profit généré par la contrefaçon, alors :

« 3°/ que les dispositions des articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, en ce qu'elles permettent de condamner l'auteur de la contrefaçon à des dommages et intérêts dissuasifs, voire punitifs, qui se cumulent avec d'éventuelles sanctions pénales, doivent être interprétées à la lumière du principe de proportionnalité de la peine prévu par l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe de nécessité du cumul de sanctions, déduit de l'article 50 de la Charte ; qu'en condamnant M. [X] à verser à la société [3] la somme de 601 020 euros au titre du profit généré par le réseau de contrefaçon national, sans vérifier que le cumul de cette condamnation dissuasive, voire punitive, avec l'amende pénale prononcée à hauteur de 400 000 euros et la peine de confiscation du produit de l'infraction, portant sur la somme de 70 000 euros, était proportionné à la gravité des faits et nécessaire, la cour d'appel a violé les articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprétés à la lumière du droit de l'Union, 13 et 16 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et 49.3 et 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4°/ que l'auteur d'une contrefaçon ne peut pas être tenu, solidairement avec d'autres, à verser une somme correspondant à des bénéfices qu'il n'a pas personnellement perçus ; qu'en retenant que chacun des coprévenus était solidairement tenu de restituer les sommes correspondant au bénéfice réalisé du fait de la contrefaçon, la cour d'appel, qui a mis à la charge de chacun des coprévenus des sommes qui, faute pour chacun d'eux de l'avoir perçue, n'est pas en lien causal entre les faits reprochés et le préjudice subi, a violé les articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, 2, 3 et 480-1 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis.

Sur les troisièmes moyens, pris en leur troisième branche

12. Les prévenus ne sauraient se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué les a condamnés à verser à la société [3] la somme de 601 020 euros au titre du profit généré par les faits de contrefaçon, en sus des peines d'amende et confiscations qui leur ont été infligées.

13. En effet, l'attribution de cette somme à la partie civile à titre de dommages-intérêts est fondée sur les dispositions du 3° des articles L. 716-14, devenu L. 716-4-10, et L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle qui transposent les articles 28 et 32 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

14. Ces textes, dont l'interprétation au regard du droit de l'Union européenne et en particulier de la directive précitée ne laisse place à aucun doute raisonnable justifiant que soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle, prévoient que les dommages-intérêts sont fixés en prenant en considération notamment les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits ou le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels générées par la contrefaçon.

15. De telles dispositions, qui ont pour seul objet d'assurer la réparation effective, proportionnée et dissuasive du préjudice causé par les infractions en matière de propriété intellectuelle, sur la base objective de critères économiques tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit, ne revêtent pas un caractère punitif.

16. Les dommages-intérêts alloués à ce titre, qui ont pour seul objet de réparer le préjudice causé par les infractions, peuvent donc, sans méconnaître les articles 49 et 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, se cumuler avec les sanctions pénales, seules soumises au respect de l'exigence de proportionnalité invoquée aux moyens, prononcées par ailleurs contre leurs auteurs

17. Dès lors, les griefs doivent être écartés.

Sur les troisièmes moyens, pris en leur quatrième branche

18. Pour confirmer le jugement qui a condamné solidairement les demandeurs et les autres personnes condamnées pour les faits commis dans le cadre du réseau national, à verser à la société [3] la somme de 601 020 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, au titre du profit généré par ces faits de contrefaçon et réalisé par l'ensemble des maillons du réseau, l'arrêt attaqué énonce que l'article 480-1 du code de procédure pénale prévoit que les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts, la solidarité s'imposant au juge comme une conséquence légale de la condamnation prononcée.

19. Les juges précisent que cette solution s'applique également aux délits connexes, c'est-à-dire aux délits procédant d'une même conception, déterminés par la même cause et tendant au même but.

20. Ils retiennent, par motifs propres et adoptés, qu'en l'espèce, les infractions pour lesquelles sont poursuivis l'ensemble des prévenus du réseau national sont connexes et indivisibles, s'agissant d'un réseau organisé dans lequel il est indifférent que certains des auteurs ne se connaissent pas ou ne soient pas tous poursuivis pour les mêmes infractions.

21. Ils observent enfin que s'il n'y a pas lieu, à ce stade, à un partage de responsabilité, les co-auteurs pourront exercer entre eux une action récursoire au titre de la solidarité.

22. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés aux moyens.

23. En effet, la circonstance que chacun des co-auteurs n'a pas tiré les mêmes bénéfices des infractions entre lesquelles un lien de connexité a été souverainement constaté n'est pas de nature à rompre le lien de causalité existant entre la faute de chacun d'entre eux et le préjudice subi par la partie civile.

24. Dès lors, les moyens doivent être écartés.

Sur les quatrièmes moyens proposés pour M. [Z] et la société [4] et pour M. [X]

Enoncé des moyens

25. Le moyen, proposé pour M. [Z] et la société [4], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il les a condamnés, solidairement avec d'autres co-prévenus, à verser, concernant le réseau dit national ([T] [U]), à [3], la somme de 601 020 euros en réparation de son préjudice matériel, au titre du profit généré par la contrefaçon et, à [1], la somme de 24 040 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel au titre de la perte de redevances, alors :

« 1°/ que selon les dispositions des articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts dus par l'auteur d'une contrefaçon au titulaire du droit protégé, la juridiction peut prendre en considération les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits ou « à titre d'alternative » une somme forfaitaire fixée en fonction du montant des redevances qui auraient été dues si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; qu'en condamnant les prévenus, de manière cumulative et non alternative, à verser à la fois une somme correspondant au profit généré par la contrefaçon à la société [3] et une autre correspondant aux redevances qui aurait été dues à la société [1] s'ils avaient obtenu une licence, la cour d'appel a violé ces dispositions ;

2°/ subsidiairement, que, pour fixer les dommages et intérêts dus par l'auteur d'une contrefaçon au titulaire du droit protégé, la juridiction peut prendre en considération les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, ce qui suppose qu'il soit établi un lien causal certain entre l'acte de contrefaçon et la conséquence économique invoquée ; si l'arrêt est interprété comme ayant assimilé les redevances éludées à une conséquence économique négative de la contrefaçon, la cour d'appel a, en condamnant les prévenus à verser à la société [1] une somme correspondant aux redevances éludées sans établir qu'il aurait été certain que, sans la contrefaçon, ces redevances auraient été perçues, violé les articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, 2 et 3 du code de procédure pénale et 1382, devenu 1240 du code civil.

26. Le moyen proposé pour M. [X] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné solidairement avec d'autres co-prévenus, à verser, concernant le réseau dit national ([T] [U]), à [3], la somme de 601 020 euros en réparation de son préjudice matériel, au titre du profit généré par la contrefaçon et, à [1], la somme de 24 040 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel au titre de la perte de redevances, alors :

« 1°/ que selon les dispositions des articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts dus par l'auteur d'une contrefaçon au titulaire du droit protégé, la juridiction peut prendre en considération les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits ou « à titre d'alternative » une somme forfaitaire fixée en fonction du montant des redevances qui auraient été dues si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; qu'en condamnant les prévenus, de manière cumulative et non alternative, à verser à la fois une somme correspondant au profit généré par la contrefaçon à la société [3] et une autre correspondant aux redevances qui aurait été dues à la société [1] s'ils avaient obtenu une licence, la cour d'appel a violé ces dispositions ;

2°/ subsidiairement, que, pour fixer les dommages et intérêts dus par l'auteur d'une contrefaçon au titulaire du droit protégé, la juridiction peut prendre en considération les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, ce qui suppose qu'il soit établi un lien causal certain entre l'acte de contrefaçon et la conséquence économique invoquée ; si l'arrêt est interprété comme ayant assimilé les redevances éludées à une conséquence économique négative de la contrefaçon, la cour d'appel a, en condamnant les prévenus à verser à la société [1] une somme correspondant aux redevances éludées sans établir qu'il aurait été certain que, sans la contrefaçon, ces redevances auraient été perçues, violé les articles L. 333-1-3 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, 2 et 3 du code de procédure pénale et 1382, devenu 1240 du code civil.

Réponse de la Cour

27. Les moyens sont réunis.

28. Il résulte des articles L. 716-14, devenu L. 716-4-10, et L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle que le préjudice économique généré par l'atteinte au droit d'auteur ou au droit des marques doit être évalué selon deux modalités alternatives consistant, soit dans la prise en considération des conséquences économiques négatives de l'infraction, dont notamment le manque à gagner, et des bénéfices réalisés par l'auteur des faits, soit dans la fixation d'une somme forfaitaire supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur des faits avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte.

29. Pour condamner les prévenus à payer, au titre du préjudice matériel causé par la contrefaçon de 315 sacs de la marque [1], la somme de 601 020 euros à la société [3] et celle de 24 040 euros à la société [1], l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que la première somme correspond à la réparation du préjudice matériel, au titre du profit généré par les faits de contrefaçon, sans prise en compte des ventes perdues, la seconde, au préjudice matériel au titre de la perte de redevances, correspondant à 4 % du montant de la première.

30. En statuant ainsi, par des motifs dont il résulte que la cour d'appel, qui a alloué, distinctement, d'une part, à la société [3], des dommages-intérêts correspondant aux bénéfices tirés des faits de contrefaçon par les auteurs de ces derniers, d'autre part, à la société [1], le montant certain des redevances éludées sur les produits contrefaisants, soit le manque à gagner subi par ladite société, sans accorder une somme forfaitaire supérieure au montant des redevances ou droits éludés, a indemnisé les parties civiles sur le seul fondement des articles L.716-14, alinéa premier, 1° et 3°, et L. 331-1-3, alinéa premier, 1° et 3°, du code de la propriété intellectuelle et n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.

31. Ainsi, les moyens doivent être écartés.

Mais sur le sixième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Y]

Enoncé du moyen

32. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de vente ou mise en vente de marchandise présentée sous une marque contrefaisante, alors :

« 1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en confirmant le jugement l'ayant déclaré coupable « des faits de contrefaçon dans les termes de la prévention, étant toutefois précisé qu'aucun de ces faits n'a été commis sur la commune de Saint-Etienne du Rouvray » (jugement, § 1069), au motif notamment que l'intéressé «revendait les sacs contrefaisants à des connaissances en Russie » (arrêt, p. 259, § 3) quand la prévention visait la vente de marchandises sous une marque contrefaisante sur le territoire national, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L716-10, L716-11 et L716-13 du code de la propriété intellectuelle et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

33. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

34. Pour confirmer le jugement déclarant le prévenu coupable de vente, commise à Paris, de sacs contrefaisants acquis auprès de M. [X], l'arrêt attaqué énonce qu'il les revendait en Russie et en tirait bénéfice.

35. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de faits de vente à Paris, n'a pas justifié sa décision.

36. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Et sur le septième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [Y]

Enoncé du moyen

37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] à titre de peine principale à un emprisonnement de dix-huit mois, alors :

« 2°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en se fondant notamment, pour relever la gravité des faits, et justifier une peine d'emprisonnement, sur la circonstance de bande organisée de la commission des faits, quand, à la différence des autres prévenus, la circonstance de bande organisée, qui n'était d'ailleurs pas visée dans la prévention, n'a été retenue à l'encontre de M. [Y] pour aucune des infractions dont il a été déclaré coupable, la cour, qui s'est contredite, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles L. 132-19 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

38. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

39. Pour porter d'un an avec sursis probatoire, à dix-huit mois, dont douze mois avec sursis probatoire, la peine d'emprisonnement prononcée par les premiers juges, l'arrêt attaqué se réfère à la gravité intrinsèque des faits, leur mode de commission et leurs circonstances, dont la bande organisée.

40. En se déterminant ainsi, alors que le prévenu n'a été déclaré coupable d'aucun fait commis en bande organisée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

41. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

42. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [Y] pour vente de marchandise présentée sous une marque contrefaisante et aux peines et dispositions civiles le concernant. Les autres dispositions seront donc expressément maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 4 octobre 2023, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [Y] pour vente de marchandise présentée sous une marque contrefaisante et aux peines et dispositions civiles le concernant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [V] [Z], la société [4] et M. [F] [X] devront payer aux sociétés [3] et [1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

DIT n'y avoir lieu à autre application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-86.955
Date de la décision : 27/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 27 mai. 2025, pourvoi n°23-86.955


Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.86.955
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