COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 21 mai 2025
Rejet
Mme SCHMIDT,
conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 272 F-D
Pourvoi n° D 23-15.758
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 MAI 2025
La société Quilvest Capital Partners Am, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg), anciennement dénommée Quamvest, a formé le pourvoi n° D 23-15.758 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société D Phi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Quilvest Capital Partners Am, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société D Phi, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, M. Riffaud, conseiller, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mars 2023), le 10 décembre 2013 la société D Phi , qui exerce une activité de conseil économique et financier et la société Quilvest Gestion, qui exerçait une activité de conseil en placements et en produits financiers, ont conclu un contrat d'apporteur d'affaires courant jusqu'au 31 décembre 2020, par lequel la société Quilvest Gestion s'était engagée à verser à la société D Phi une rémunération équivalente à une part fixe des frais de gestion, pour chaque client apporté.
2. Le 15 décembre 2017, la société Quilvest Gestion a cédé à une société tierce le portefeuille de mandats qu'elle gérait, comprenant l'unique client apporté par la société D Phi puis, le 7 juin 2018, a résilié le contrat d'apporteur d'affaires.
3. La société D Phi a assigné la société Quamvest, venant aux droits de la société Quilvest Gestion, en paiement de ses rémunérations dues jusqu'au terme du contrat initialement prévu.
4. La société Quilvest Capital Partners Am (la société Quilvest) vient aux droits de la société Quamvest.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. La société Quilvest fait grief à l'arrêt de dire que la société Quilvest Gestion a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté dans l'exécution de ce contrat et a engagé sa responsabilité contractuelle de ce chef à l'égard de la société D Phi et de la condamner à payer à la société D Phi une somme de 268 611,02 euros de dommages et intérêts, déduction faite de la somme de 20 908,98 euros déjà versée au titre du premier trimestre de l'année 2018, avec intérêts, alors :
« 2°/ qu'il revient à la partie qui invoque une exception à l'interdiction du paiement d'une rémunération ou commission prévue par l'article L. 533-12-4 du code monétaire et financier de prouver que ses conditions sont réunies ; qu'en retenant, pour juger le préjudice indemnisable et écarter le moyen tiré de l'interdiction de verser toute rémunération à l'apporteur d'affaires, que la société Quamvest ne rapportait pas la preuve que la rétrocession de commission n'améliorait pas la qualité du service de gestion fourni au client ou encore que le montant de la commission était disproportionné à l'amélioration du service fourni ou enfin que le client ignorait l'existence de cette commission", quand il revenait à la société D Phi de prouver que la rémunération litigieuse entrait dans le champ de l'exception prévue par le texte, la cour d'appel a violé les articles L. 533-12-4 du code monétaire et financier, 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile ;
3°/ que la charge de la preuve du préjudice indemnisable pèse sur le demandeur à l'action ; qu'en faisant peser sur la société Quamvest la charge de prouver que la rémunération litigieuse n'entrait pas dans le champ de l'exception à l'interdiction posée à l'article L. 533-12-4 du code monétaire et financier quand il revenait à la société D Phi, demanderesse à l'action en responsabilité, de prouver qu'elle subissait un préjudice indemnisable, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé les articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article L. 533-12-4, alinéa 1er, du code monétaire et financier, les prestataires de services d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille ne doivent pas verser ou recevoir une rémunération ou une commission ou fournir ou recevoir un avantage non monétaire en liaison avec la fourniture d'un service d'investissement ou d'un service connexe à toute personne, à l'exclusion du client ou de la personne agissant pour le compte du client, à moins que le paiement ou l'avantage ait pour objet d'améliorer la qualité du service concerné au client et ne nuise pas au respect de l'obligation du prestataire d'agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle au mieux des intérêts du client.
8. Ayant relevé que le contrat d'apporteur d'affaires prévoyait une rémunération par rétrocession d'une partie des commissions payées par le client au bénéfice de la société D Phi, l'arrêt retient que les nouvelles dispositions ont restreint la possibilité pour les prestataires de services d'investissement de payer des commissions à des tiers, en subordonnant de tels paiements, d'une part, à l'information du client avant que le service d'investissement ou connexe concerné ne soit fourni, d'autre part, à l'amélioration de la qualité des services fournis au client.
9. Il en déduit qu'il appartient à la société Quamvest, qui se prétend libérée de son obligation à paiement envers son cocontractant du fait d'une cause étrangère, de rapporter la preuve de la réunion des conditions d'application de l'exception légale dont elle se prévaut et donc de démontrer que la rétrocession de commissions convenue avec la société D Phi n'améliorait pas la qualité du service de gestion fourni au client ou encore que le montant de la commission était disproportionné à l'amélioration du service fourni ou enfin que le client ignorait l'existence de cette commission.
10. En cet état, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la société Quamvest ne démontrait pas, dans ses relations contractuelles avec la société D Phi, la réunion des conditions justifiant une interdiction de verser la rémunération prévue entre les parties au contrat d'apport d'affaires et a fait droit à la demande d'indemnisation de la société D Phi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Quilvest Capital Partners Am aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Quilvest Capital Partners Am et la condamne à payer à la société D Phi la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt et un mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.