N° A 25-81.704 F-D
E 25-81.708
N° 00791
RB5
14 MAI 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MAI 2025
M. [R] [B] a formé des pourvois :
- contre l'arrêt n° 21 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 janvier 2025, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs d'association de malfaiteurs en récidive et tentative de meurtre en bande organisée, a prononcé sur la publicité des débats (pourvoi n° 25-81.708) ;
- contre l'arrêt n° 22 de ladite chambre de l'instruction, en date du même jour, qui, dans la même information, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire (pourvoi n° 25-81.704).
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [R] [B], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [R] [B] a été mis en examen des chefs susvisés le 30 juin 2021 et placé en détention provisoire le même jour.
3. Sa détention a été prolongée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 24 décembre 2024 dont il a relevé appel.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt n° 21
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la poursuite des débats en chambre du conseil, alors « que selon l'article 199 du code de procédure pénale, en matière de détention provisoire, la publicité des débats est de droit devant la chambre de l'instruction ; il ne peut être fait exception à cette règle que par une décision motivée en droit et en fait établissant que la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction, à porter atteinte à la présomption d'innocence ou à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers, ou si l'enquête porte sur des faits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 du même code ; en se bornant en l'espèce à affirmer abstraitement en droit que la publicité serait « de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction » (arrêt, p. 3, in limine) sans identifier les investigations spécifiques en cause ni préciser concrètement, à partir des éléments de l'espèce, en quoi la publicité serait de nature à les entraver, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé et de l'article 6 §1de la Convention européenne des droits de l'Homme et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 199 et 593 du code de procédure pénale :
5. Il se déduit du premier de ces textes que la publicité des débats devant la chambre de l'instruction est de droit en matière de détention provisoire, si la personne mise en examen est majeure, sous réserve des exceptions prévues par la loi.
6. Selon le second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
7. Pour faire droit à l'opposition du ministère public à la publicité des débats et ordonner que ceux-ci aient lieu en chambre du conseil, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que la personne mise en examen et son avocat se sont opposés à cette demande, se borne à énoncer que la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction.
8. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur les circonstances de nature à caractériser ce risque d'entrave, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation de l'arrêt faisant droit à l'opposition à la publicité des débats entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt n° 22 du même jour confirmant l'ordonnance de prolongation de la détention qui fait corps avec le précédent, sans qu'il y a ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes leurs dispositions, l'arrêt susvisé n° 21 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 janvier 2025, et par voie de conséquence l'arrêt n° 22 de ladite chambre de l'instruction du même jour ;
Dit n'y avoir lieu à mise en liberté ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt-cinq.