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14/05/2025 | FRANCE | N°23-81.673

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na, 14 mai 2025, 23-81.673


N° A 23-81.673 F-D

N° 00629


GM
14 MAI 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MAI 2025



MM. [X] [Y] et [K] [I] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 2023, qui, a condamné, l

e premier, pour abus de biens sociaux et corruption active, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, 50 000 euros d'amende, une interdict...

N° A 23-81.673 F-D

N° 00629


GM
14 MAI 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MAI 2025



MM. [X] [Y] et [K] [I] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 2023, qui, a condamné, le premier, pour abus de biens sociaux et corruption active, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, 50 000 euros d'amende, une interdiction définitive de gérer, le second, pour corruption passive, pratique anti-concurrentielle, faux et usage, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, 50 000 euros d'amende, une interdiction professionnelle définitive et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de Me Goldman, avocat de MM. [X] [Y] et [K] [I], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,






la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Une enquête a été ouverte après qu'un mandataire judiciaire, qui menait des opérations de liquidation judiciaire d'une société, a signalé au procureur de la République que, selon le dirigeant de cette société, d'importantes sommes, auxquelles ne correspondaient aucune contrepartie, ont été versées à plusieurs sociétés dont la société [5].

3. Les enquêteurs ont, entre autres, constaté que cette société, dont M. [X] [Y] est gérant, a acquis un véhicule pour un prix de 98 600 euros payé, après reprise d'un autre véhicule, par un virement bancaire de ladite société d'un montant de 70 600 euros, et que le certificat d'immatriculation du véhicule a été établi au nom du père de M. [Y] alors que les investigations bancaires n'ont pas permis de trouver de paiement de celui-ci.

4. Les investigations ont également révélé que M. [Y] a été contacté par M. [K] [I], décisionnaire des attributions de marchés pour la société [3], qui lui a proposé un important chantier en s'engageant à lui remettre le devis de l'entreprise concurrente pour préparer son propre devis.

5. Renvoyés devant le tribunal correctionnel, MM. [I] et [Y] ont été déclarés notamment coupables, le premier du chef de participation déterminante à une entente faussant le jeu de la concurrence, le second du chef d'abus de biens sociaux.

6. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

7. Le moyen n'est pas de nature permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.



Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il déclaré M. [Y] coupable d'abus de biens sociaux alors :

« 1°/ qu'aux termes de la prévention, il était reproché à M. [Y] d'avoir, le 12 mars 2016, fait l'acquisition sur le compte de la société [5] d'un véhicule BMW X6, sans contrepartie pour cette société ; qu'en retenant la culpabilité du prévenu de ce chef, après avoir pourtant constaté qu'il résultait des investigations que la société [5] avait fait l'acquisition de ce véhicule le 3 février 2015, la cour d'appel a méconnu les articles 388 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'il ne résulte par ailleurs d'aucune constatation de l'arrêt que M. [Y] aurait le 12 mars 2016, selon les termes de la prévention, fait reprendre le véhicule BMW X6 par un concessionnaire de [Localité 2] en échange de deux autres véhicules immatriculés au nom de son père, sans contrepartie pour la société [5], de sorte qu'en déclarant néanmoins le prévenu coupable de ce chef, la cour d'appel a méconnu les articles 485 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour confirmer le jugement ayant déclaré M. [Y] coupable du chef d'abus de biens sociaux au préjudice de la société [5], l'arrêt énonce que le prévenu ne peut justifier d'une contrepartie financière pour l'acquisition d'un véhicule immatriculé au nom de son père.

10. Les juges relèvent que l'expert-comptable a déclaré qu'aucun document de la société [5] ne lui a été transmis et a communiqué la copie d'un courrier recommandé adressé à M. [Y] afin de l'informer qu'il mettait fin à sa mission faute d'avoir obtenu les informations nécessaires.

11. Ils énoncent que le prévenu a fait preuve de mauvaise foi lorsqu'il a rejeté sur l'expert-comptable la responsabilité de l'absence de justificatifs alors qu'en tant que dirigeant social il lui appartenait de s'assurer de la tenue d'une comptabilité régulière, complète et sincère et donc de justifier de l'achat d'un véhicule qui, en l'absence de toute contrepartie comptable, caractérise incontestablement un usage à des fins personnelles contraire à l'intérêt de la société.

12. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.



13. En effet, en premier lieu, le prévenu a été en mesure de s'expliquer sur la modification de la date de commission des faits retenue par la prévention, déjà rectifiée par le tribunal correctionnel, et ne pouvait avoir de doute, à la lecture de la prévention, sur les faits qui lui sont reprochés et sur lesquels il a pu se défendre.

14. En second lieu, les juges du second degré pour caractériser l'infraction, sans insuffisance ni contradiction, ont constaté, dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation, que l'usage, par M. [Y], des biens de la société [5] constitue le délit d'abus de biens sociaux qui lui est reproché.

15. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable de participation personnelle et déterminante à une action concertée, convention, coalition ou entente empêchant, restreignant ou faussant le jeu de la concurrence, alors :

« 2°/ qu'une action concertée, convention, entente ou coalition, au sens de l'article L. 420-1 du code de commerce, suppose un concours de volontés entre les entités concernées ; qu'en se bornant à relever, pour retenir la culpabilité du prévenu, qu'il avait adressé à M. [Y] le devis de la société [1] comme base de rédaction de son propre devis pour le compte de la société [4], sans constater une volonté de ces sociétés de se concerter sur les prix proposés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 et L. 420-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

17. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

18. Pour confirmer le jugement qui a déclaré le prévenu coupable de faits constitutifs de pratiques anticoncurrentielles, l'arrêt attaqué énonce que la lecture des transcriptions des conversations entre MM. [Y] et [I], issues de la surveillance de la ligne téléphonique de ce dernier, a mis en lumière que le 30 janvier 2018, le prévenu a proposé à M. [Y] de lui présenter les devis des sociétés concurrentes afin de lui permettre de s'aligner sur les mêmes prix en lui précisant qu'il ne faudra pas procéder à une simple copie de ces documents.

19. Ils retiennent qu'il est ainsi établi, et au surplus non contesté, que M. [I] a adressé à M. [Y] des devis de la société [1] comme base de rédaction de son propre devis pour le compte de la société [4].

20. Les juges concluent qu'en produisant ce devis, M. [I] a ainsi participé à une action concertée avec M. [Y] ayant conduit à la fixation du prix proposé par ce dernier, que ce soit à la hausse ou à la baisse, et peu important que la candidature de la société [4] ait finalement été retenue dès lors que le jeu de la concurrence a été faussé.

21. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

22. En effet, les juges n'ont pas caractérisé une pratique anticoncurrentielle, au sens des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-2-2 du code de commerce, dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de laquelle le prévenu doit avoir frauduleusement pris une part personnelle et déterminante pour que le délit puni par l'article L. 420-6 du même code soit constitué.

23. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief.

Portée et conséquences de la cassation

24. La cassation à intervenir ne concerne que, d'une part, les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [I] du chef de participation personnelle et déterminante à une action concertée, convention, coalition ou entente empêchant, restreignant ou faussant le jeu de la concurrence, d'autre part, les peines auxquelles M. [I] a été condamné. Les autres dispositions seront donc maintenues.

25. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation proposé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 7 mars 2023, mais en ses seules dispositions relatives, d'une part, à la déclaration de culpabilité de M. [I] du chef de participation personnelle et déterminante à une action concertée, convention, coalition ou entente empêchant, restreignant ou faussant le jeu de la concurrence, d'autre part, aux peines auxquelles M. [I] a été condamné, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;


Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-81.673
Date de la décision : 14/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Publications
Proposition de citation : Cass. Crim. - formation restreinte hors rnsm/na, 14 mai. 2025, pourvoi n°23-81.673


Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.81.673
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