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14/05/2025 | FRANCE | N°23-23.060

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 14 mai 2025, 23-23.060


COMM.

HM



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 14 mai 2025




Cassation


M. MOLLARD,
conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 261 F-B

Pourvoi n° R 23-23.060



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 MAI 2025

La société Pha

rmacorp, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-23.060 contre l'arrêt N° 22/00458 rendu le 4 octobre 2023 par la cour d'appel ...

COMM.

HM



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 14 mai 2025




Cassation


M. MOLLARD,
conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 261 F-B

Pourvoi n° R 23-23.060



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 MAI 2025

La société Pharmacorp, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-23.060 contre l'arrêt N° 22/00458 rendu le 4 octobre 2023 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Maxipharma, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Pharmacorp, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Maxipharma, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Michel-Amsellem, conseiller, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 octobre 2023), les sociétés Pharmacorp et Maxipharma sont des groupements de pharmaciens concurrents.

2. Reprochant à la société Maxipharma d'invoquer une expérience de plus de vingt ans, qu'elle n'avait pas, de se prévaloir d'un nombre d'adhérents supérieur à la réalité et de référencer une pharmacie ne faisant pas partie de son groupement sur son site internet, la société Pharmacorp l'a assignée en concurrence déloyale et trompeuse sur le fondement des articles 1240 du code civil et L. 121-1 du code de la consommation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Pharmacorp fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la société Maxipharma au titre de dommages et intérêts, alors « que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que le procès-verbal de constat d'huissier du 12 décembre 2019 contenait, en pages 14 et 15, une capture d'écran d'une page du site internet de la société Maxipharma sur laquelle il était expressément mentionné que "Maxipharma est un groupement de plus de 50 pharmacies réparties sur l'ensemble de la France" ; qu'en énonçant pourtant, pour écarter le grief formulé à ce titre par la société Pharmacorp, que "les pages consultées par l'huissier ne mentionn[ent] pas l'affirmation d'un nombre d'adhérents supérieur à 50", la cour d'appel a dénaturé le constat d'huissier précité, en violation du principe susvisé ».

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour rejeter l'action en concurrence déloyale de la société Pharmacorp, l'arrêt retient que les pages consultées par l'huissier, le 12 décembre 2019, ne mentionnent pas l'affirmation d'un nombre d'adhérents supérieur à cinquante et qu'une telle affirmation ne ressort que d'un extrait du site internet de la société Maxipharma, avec mention d'une impression le 20 janvier 2020, qui n'a aucune date certaine et n'est pas contemporain des constatations de l'huissier. Il en déduit que les pièces produites n'établissent pas que la société Maxipharma revendiquait au moins cinquante adhérents au 12 décembre 2019.

6. En statuant ainsi, alors qu'à la page 14 du constat d'huissier du 12 décembre 2019, apparaissait une capture d'écran du site internet de la société Maxipharma où figurait la mention « Maxipharma est un groupement de plus de 50 pharmacies réparties sur l'ensemble de la France », la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Sur le moyen relevé d'office

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 1240 du code civil :

8. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

9. Il résulte de l'article L. 121-1 du code de la consommation qu'une pratique commerciale est déloyale, et partant interdite, lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

10. Les articles L. 121-1 à L. 121-7 du code de la consommation assurent la transposition en droit national de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE et le règlement (CE) n° 2006/2004.

11. La Cour de justice de l'Union européenne juge que la directive 2005/29/CE procède à une harmonisation complète au niveau de l'Union des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs et que, dès lors, comme le prévoit expressément l'article 4 de celle-ci, les États membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par ladite directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs (CJUE, arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C-261/07 et C-299/07, point 52, et du 2 septembre 2021, Peek & Cloppenburg, C-371/20, point 34).

12. Elle juge encore que la directive 2005/29/CE se distingue par un champ d'application matériel particulièrement large s'étendant à toute pratique commerciale qui présente un lien direct avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs. Ne sont ainsi exclues dudit champ d'application, comme il ressort du sixième considérant de cette directive, que les législations nationales relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte uniquement aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels (CJUE, arrêts du 14 janvier 2010, Plus Warenhandelsgesellschaft, C-304/08, point 39 ; du 9 novembre 2010, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, C-540/08, point 21; du 17 janvier 2013, Köck, C-206/11, point 30, et Peek & Cloppenburg, précité, point 28).

13. Il s'ensuit qu'une pratique commerciale qui présente un lien direct avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs, ne peut fonder une action en concurrence déloyale que si cette pratique est prohibée par les articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation, ce qui suppose qu'elle altère ou soit susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. En revanche, une pratique commerciale qui ne présente pas un lien direct avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs, peut, si elle apparaît fautive, emporter la condamnation de son auteur sur le fondement de la concurrence déloyale, quand bien même elle n'altérerait pas ou ne serait pas susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

14. Pour rejeter l'action en concurrence déloyale de la société Pharmacorp, que celle-ci ne fondait pas, à titre principal, sur la violation par la société Maxipharma de l'article L. 121-1 du code de la consommation, l'arrêt, après avoir constaté que le site est essentiellement destiné aux professionnels de la pharmacie, en premier lieu les pharmaciens, en second lieu les laboratoires, dans la perspective d'accords commerciaux à venir, retient qu'il n'est pas établi que les affirmations de la société Maxipharma sur l'ampleur de son réseau et sur l'adhésion de la Pharmacie du Centre étaient de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique des utilisateurs du site.

15. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle le devait, si les pratiques incriminées présentaient un lien direct avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

16. La société Pharmacorp fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la société Maxipharma au titre de dommages et intérêts, alors « qu'il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un préjudice indemnisable, serait-il seulement moral ; qu'en se fondant pourtant, pour débouter intégralement la société Pharmacorp de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale, sur le fait que celle-ci échouait à démontrer l'existence d'un préjudice que lui aurait causé les affirmations erronées de la société Maxipharma sur son site Internet, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »

17. Pour rejeter l'action en concurrence déloyale de la société Pharmacorp, l'arrêt retient que celle-ci n'établit pas qu'elle a subi un préjudice.

18. En statuant ainsi, alors qu'un préjudice, fût-il seulement moral, s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Maxipharma aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maxipharma et la condamne à payer à la société Pharmacorp la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par le président, le conseiller rapporteur et Mme Sara, greffier présente lors de la mise à disposition.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-23.060
Date de la décision : 14/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse 20


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 14 mai. 2025, pourvoi n°23-23.060, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.23.060
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