LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Cassation sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 324 F-D
Pourvoi n° C 23-22.013
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 23 mars 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2025
Mme [D] [M], domiciliée [Adresse 1], EPSM [6], [Localité 3], a formé le pourvoi n° C 23-22.013 contre l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023 par le premier président de la cour d'appel de Douai (chambre des Libertés Individuelles soins psychiatriques), dans le litige l'opposant :
1°/ au préfet du Nord, domicilié [Adresse 2],
2°/ au Mandataire judiciaire à la protection des majeurs, domicilié EPSM [6], site d'[Localité 3], [Adresse 4], Curateur,
3°/ au directeur de l'EPSM [Localité 5] métropole, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [M], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [M] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre « Monsieur le mandataire judiciaire à la protection des majeurs ».
Faits et procédure
2. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 6 septembre 2023), le 14 mai 2013, Mme [M] a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par arrêté du préfet du Nord à la suite d'une garde à vue consécutive à une agression par arme blanche.
3. Le 3 août 2014, un juge d'instruction, constatant l'irresponsabilité pénale pour trouble mental de Mme [M], a rendu une ordonnance de non-lieu à suivre contre elle.
4. Par arrêté du 6 août 2014, le préfet du Nord a abrogé l'arrêté du 14 mai 2013 aux motifs qu'en application de l'article D. 47-29-4 du code de procédure pénale, une décision judiciaire du 3 août 2014, qui se substituait à l'arrêté d'admission, avait ordonné l'admission en soins psychiatriques sans consentement de Mme [M] et dit que Mme [M] demeurait en hospitalisation en exécution de la décision judiciaire.
5. La mesure a été contrôlée par un juge tous les six mois en application de l'article L. 3211-12-1, I, 3° du code la santé publique et un maintien de la mesure a été ordonné le 22 février 2023.
6. Le 2 août 2023, le préfet du Nord a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contrôle de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1, 3° du code de la santé publique.
Recevabilité du pourvoi examinée d'office, en ce qu'il est dirigé contre le directeur de l'EPSM de [Localité 5]
7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application des articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique.
8. Le pourvoi formé contre le directeur de l'EPSM de [Localité 5], présent à l'audience pour avoir été avisé conformément aux textes susmentionnés, mais qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. Mme [M] fait grief à l'ordonnance de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention ordonnant son maintien en soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, alors « qu'une copie de l'arrêté d'admission en soins psychiatriques est communiquée au juge des libertés et de la détention quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, en application des articles R. 3211-12 et R. 3211-24 du code de la santé publique ; qu'en l'espèce, la saisine du Juge des Libertés et de la Détention n'est accompagnée d'aucune décision d'admission, ainsi que le constate l'ordonnance attaquée ; qu'en rejetant la demande de mainlevée, la magistrate déléguée par le premier président a entaché sa décision d'une violation des articles R. 3211-12, et R. 3211-24 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 3211-12, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2024-570 du 20 juin 2024, et R. 3211-24 du code de la santé publique :
10. Selon le premier de ces textes, sont notamment communiquées au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue, quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, une copie de l'arrêté d'admission en soins psychiatriques et, le cas échéant, une copie de l'arrêté le plus récent ayant maintenu la mesure de soins, et quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par une juridiction, une copie de la décision et de l'expertise mentionnées à l'article 706-135 du code de procédure pénale.
11. Selon le second, la saisine est accompagnée des pièces prévues à l'article R. 3211-12.
12. Il s'en déduit que la décision de maintien en soins sans consentement prise en l'absence de ces pièces est irrégulière.
13. Pour autoriser la prolongation de la mesure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, après avoir relevé que le préfet avait considéré à tort que le juge d'instruction avait ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète au lieu de prendre lui-même un nouvel arrêté d'admission en soins psychiatriques sans consentement sous cette forme, l'ordonnance retient que l'article R. 3211-12 de code de la santé publique n'assortit pas le défaut de production d'une pièce visée d'une irrecevabilité de la requête et qu'aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à l'audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure devant ce même juge.
14. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté l'absence de production de la décision d'admission devant accompagner la requête en prolongation dont il était saisi, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. Les délais légaux pour statuer étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.