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14/05/2025 | FRANCE | N°12500323

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 mai 2025, 12500323


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


MY1






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 14 mai 2025








Cassation partielle




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 323 F-D


Pourvoi n° C 23-21.806












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2025


1°/ la société Cerba, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 3],


2°/ la société Cerballiance Bretagne, société d'exerci...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 14 mai 2025

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 323 F-D

Pourvoi n° C 23-21.806

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2025

1°/ la société Cerba, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société Cerballiance Bretagne, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Cerballiance Finistère,

ont formé le pourvoi n° C 23-21.806 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [M] [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Cerba, de la société Cerballiance Bretagne, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 septembre 2023), la société LBM Glasgow, devenue Cerballiance Finistère, puis Cerballiance Bretagne (la société Cerballiance), exploite plusieurs laboratoires d'analyses médicales.

2. Le 9 avril 2015, les associés de la société Cerballiance, au nombre desquels Mme [I], biologiste médicale, ont conclu un protocole de cession de parts aux termes duquel la société Cerba SELAFA (la société Cerba) est entrée au capital à hauteur de 48,99 %.

3. Le 27 mai 2015, Mme [I] est devenue directrice générale de la société Cerballiance et est restée détentrice de 19 854 actions de préférence de catégorie A au sein du capital de la société Cerballiance, soit 11,11 % de son capital et des droits de vote.

4. Le 29 mai 2015, ont par ailleurs été conclus :
- d'une part, un pacte entre les associés biologistes de la société Cerballiance et la société Cerba par lequel ils consentaient à cette dernière une promesse synallagmatique de vente de la totalité de leurs actions détenues à la date de réalisation de la promesse pour un prix correspondant à leur valeur nominale, dans l'hypothèse où ils viendraient à cesser définitivement leur activité professionnelle de biologiste médical au sein de la société Cerballiance pour quelque motif que ce soit,
- d'autre part, des contrats d'exercice libéral entre la société Cerballiance et chacun des associés biologistes fixant les conditions de leur exercice professionnel.

5. Le 10 juin 2021, l'assemblée générale de la société Cerballiance a voté contre le renouvellement du mandat de directrice générale de Mme [I] et, le 31 août 2021, la société Cerballiance lui a notifié la résiliation de son contrat d'exercice libéral.

6. Le 6 décembre 2021, la société Cerballiance a constaté la cessation des fonctions de biologiste médicale de Mme [I] et, par voie de conséquence, son exclusion de plein droit de sa qualité d'associée, par application de l'article 13.4 des statuts.

7. Le 8 décembre suivant, le président de la société a convoqué les actionnaires à une assemblée générale fixée au 16 décembre 2021 pour délibérer sur l'exclusion de Mme [I].

8. Lors de l'assemblée générale du 16 décembre 2021, les actionnaires ont constaté l'exclusion de Mme [I] ainsi que la suspension des droits non pécuniaires attachés à ses actions, en application de l'article 13.4 des statuts. Ils ont aussi approuvé le rachat des actions par la société Cerballiance.

9. Par ordonnance sur requête du 22 décembre 2021, le président d'un tribunal judiciaire a autorisé Mme [I] à assigner à jour fixe en référé la société Cerballiance, et ordonné à titre conservatoire la mise sous séquestre judiciaire des 19 854 actions détenues par Mme [I].

10. Le même jour, Mme [I] a assigné la société Cerballiance devant le juge des référés du tribunal judiciaire pour demander la suspension de la décision d'assemblée générale ayant prononcé son exclusion, la suspension du rachat de ses actions et le maintien de celles-ci sous séquestre judiciaire jusqu'à la décision au fond.

11. Elle a, par ailleurs, le 25 mai 2022, assigné au fond la société Cerballiance pour contester la licéité des stipulations des statuts relatifs au processus d'exclusion des associés.

12. Le 26 octobre 2022, la société Cerba a assigné Mme [I] en exécution forcée de la promesse de cession du 29 mai 2015 et un jugement du 16 février 2023 a sursis à statuer dans l'attente de la décision au fond.

13. Le 1er décembre 2022, lors de l'appel de l'ordonnance du juge des référés, Mme [I] a assigné en intervention forcée la société Cerba qui lui a opposé une irrecevabilité et a demandé sa mise hors de cause.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

14. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

15. Les sociétés Cerba et Cerballiance font grief à l'arrêt de déclarer recevable et bien fondée la demande d'intervention forcée formée par Mme [I] contre la société Cerba et de rejeter la demande de mise hors de cause formée par celle-ci, alors « qu'une personne ne peut être appelée en intervention forcée devant la cour d'appel que quand l'évolution du litige implique sa mise en cause ; que l'évolution du litige n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel était saisie d'un recours contre une ordonnance de référé du 25 avril 2022, rendue dans un litige entre Mme [I] et la société Cerballiance Finistère relatif à la licéité d'actes, accomplis par cette société, relatifs à l'exclusion de Mme [I] de sa qualité d'associée ; que Mme [I] a assigné la société Cerba, autre actionnaire de la société Cerballiance, en intervention forcée uniquement en cause d'appel ; que la société Cerba faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il n'y avait pas eu d'évolution du litige, faute de modification des données juridiques du litige, pour en déduire l'irrecevabilité de son intervention forcée ; que la cour d'appel a constaté que Mme [I] avait consenti le 29 mai 2015 à la société Cerba une promesse de vente de ses actions ; que la cour d'appel s'est ensuite bornée à relever l'existence, dans une autre instance, d'une assignation en exécution forcée de la promesse de vente, délivrée le 26 octobre 2022 par la société Cerba à Mme [I], pour en déduire une « interdépendance caractérisée entre les instances » et un « intérêt légitime » de Mme [I] à procéder à l'intervention forcée de la société Cerba dans la présente instance en référé, initialement intentée contre la société Cerballiance Finistère, visant la suspension de son exclusion et du rachat de ses parts ; qu'en se déterminant par de tels motifs, sans indiquer en quoi il y aurait eu modification des donnés juridiques caractérisant une évolution du présent litige, et quand elle constatait que le lien de droit entre la société Cerba et Mme [I] datait de la promesse de cession du 29 mai 2015, antérieure à la décision de première instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. En application de l'article 555 du code de procédure civile, l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel est caractérisée par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieurement à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige.

17. Dès lors que la cour d'appel a retenu, d'une part, que la société Cerba avait, à l'issue de l'ordonnance de référé, assigné Mme [I] en exécution forcée de la promesse des associés de la société Cerballiance, que le tribunal judiciaire avait sursis à statuer dans l'attente de la décision au fond initiée par Mme [I], soulignant que la société Cerba ne pouvait éluder la question préalable de la régularité de l'exclusion qui conditionnait la réalisation de la condition suspensive plaidée, d'autre part, que la société Cerballiance était elle-même intervenue volontairement à l'instance au fond et précisait qu'elle n'entendait pas persister à mettre en oeuvre le processus de rachat institué par l'article 13.4 des statuts si Mme [I] exécutait la promesse synallagmatique conclue au profit de Cerba et lui cédait ses actions, de sorte que ces circonstances témoignaient d'une interdépendance caractérisée entre les instances spécialement quant au sort des actions détenues par Mme [I] au capital de Cerballiance, lesquelles étaient convoitées par les deux sociétés, elle a ainsi fait ressortir une évolution des données juridiques justifiant l'assignation de la société Cerba en intervention forcée aux fins de déclaration de jugement commun et légalement justifié sa décision.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

19. Les sociétés Cerba et Cerballiance font grief à l'arrêt d'ordonner la suspension de la résolution votée lors de l'assemblée générale du 16 décembre 2021 de la société Cerballiance relative à l'exclusion de Mme [I] dans l'attente d'une décision au fond ayant force de chose jugée à intervenir, le rétablissement de Mme [I] dans l'intégralité de ses droits d'associée, et la suspension du rachat de ses actions par la société Cerballiance, et d'ordonner à titre conservatoire le maintien du séquestre de l'ensemble des actions de préférence de catégorie A de la société qu'elle détient, ainsi que de son compte d'associé, entre les mains de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats de Brest, alors « que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'il appartient au juge des référés de caractériser en quoi la situation présente un caractère manifestement illicite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 13.4 des statuts de la société stipulait, parmi les cas dans lesquels un associé professionnel pouvait être exclu de la société, notamment le cas où l'associé n'exerce plus sa profession au sein de la société ; qu'en jugeant que la mise oeuvre de ce cas d'exclusion, tel qu'interprété par la société Cerballiance Finistère, était « susceptible de s'apparenter à une procédure arbitraire de résiliation » et appelait un « débat sur le fond » sur sa conformité, motifs dont il résultait que l'illicéité alléguée n'était pas manifeste, pour néanmoins conclure à l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel, statuant en référé, a méconnu son office et violé l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile :

20. Selon ce texte, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

21. Pour ordonner la suspension de la résolution votée lors de l'assemblée générale du 16 décembre 2021 de la société Cerballiance relative à l'exclusion de Mme [I], l'arrêt retient que la clause d'exclusion numéro 3 des statuts prévoyant une exclusion de plein droit de l'associé biologiste n'exerçant plus son activité dans la société s'apparente à une procédure arbitraire de résiliation, qu'elle appelle un débat sur le fond, en cours depuis l'assignation du 25 mai 2022 délivrée par Mme [I], devant porter sur sa conformité aux dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1990 et de l'article R. 6223-66 du code de la santé publique.

22. En statuant ainsi, par des motifs qui ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable et bien-fondée la demande d'intervention forcée formée par Mme [I] contre Cerba Selafa, rejette la demande de mise hors de cause formée par Cerba Selafa, déclare l'arrêt commun et opposable à Cerba Selafa, déclare irrecevables les conclusions n° 2 de Cerballiance Finistère remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 avril 2023 ainsi que les pièces n° 21 à 24 transmises à cette même date, dit que la cour statue au vu des conclusions n° 1 de Cerballiance Finistère et de ses pièces n° 1 à 19 remises et notifiées le 18 juillet 2022, l'arrêt rendu le 5 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Angers ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12500323
Date de la décision : 14/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 05 septembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 mai. 2025, pourvoi n°12500323


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:12500323
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