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07/05/2025 | FRANCE | N°42500252

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 mai 2025, 42500252


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FM






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 7 mai 2025








Cassation




M. PONSOT,
conseiller doyen faisant fonction de président






Arrêt n° 252 F-D


Pourvoi n° N 24-11.883








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___________

______________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025


M. [W] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 24-11.883 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la cour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FM

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 7 mai 2025

Cassation

M. PONSOT,
conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 252 F-D

Pourvoi n° N 24-11.883

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025

M. [W] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 24-11.883 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques de Provence Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 1], agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [B], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de la Provence Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 décembre 2023) et les productions, le 14 décembre 2017, soutenant que M. [B] avait été détenteur d'un compte n° [XXXXXXXXXX06] auprès de la banque Pictet à [Localité 3] en Suisse, puis d'un compte n° [XXXXXXXXXX04] auprès de la banque Pictet à [Localité 5] aux Bahamas, à tout le moins depuis 2006 jusqu'en 2011, comptes qu'il n'avait pas déclarés en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, et qu'il n'avait pas répondu, malgré une lettre de mise en demeure, à la demande d'informations et de justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur ces comptes qui lui avait été adressée en application de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale lui a notifié :
- une proposition de rectification portant mise en oeuvre, en application des articles L. 71 du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts, de la taxation d'office desdits avoirs aux droits de mutation à titre gratuit calculés sur la valeur la plus élevée connue des avoirs figurant sur les comptes, soit au 30 juin 2007 sur le compte n° [XXXXXXXXXX06] ;
- une proposition de rectification portant rappel d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2007 et 2008 après réintégration dans l'assiette imposable des avoirs figurant au 1er janvier de chacune de ces années sur le compte n° [XXXXXXXXXX06].

2. Après le rejet de sa réclamation contentieuse, M. [B] a assigné l'administration fiscale en annulation de la décision de rejet et en décharge des droits, impositions et pénalités mis en recouvrement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de décharge des droits de mutation à titre gratuit

Enoncé du moyen

3. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de décharge des rappels d'ISF qui lui ont été réclamés au titre des années 2007 et 2008, tant en droits simples qu'en pénalités, et des droits d'enregistrement auxquels il a été soumis au titre de l'année 2017, alors « que l'administration fiscale ne peut imposer les avoirs figurant au cours d'une année donnée, sur un compte ouvert à l'étranger non déclaré, que si elle établit que le contribuable a ouvert, clos, ou utilisé ledit compte au cours de ladite année ; que l'utilisation du compte suppose que le contribuable ait effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur ledit compte, au cours de l'année considérée, distincte du simple encaissement d'intérêt produits sur les sommes déjà déposées au titre des années précédentes (opération de crédit) et du paiement des frais de gestion pour la tenue du compte (opération de débit) ; qu'en jugeant que la taxation des avoirs figurant sur le compte [XXXXXXXXXX06] aux droits d'enregistrement était légalement justifiée aux seuls motifs qu'il résultait du fichier 01 de l'ordinateur de M. [P], lequel faisait l'objet d'une enquête préliminaire, une présomption de titularité par M. [B] sur le compte [XXXXXXXXXX06], sans avoir recherché si ce dernier avait ouvert, clos ou utilisé ledit compte au cours de l'année 2007, année au cours de laquelle figurait le montant le plus élevé des avoirs, taxé aux droits d'enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1649 A du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, M. [B], qui contestait devant la cour d'appel être titulaire du compte n° [XXXXXXXXXX06], contestait nécessairement l'avoir ouvert, utilisé ou clos.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, et 344 A de l'annexe III du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 91-150 du 7 février 1991 :

7. Selon le premier de ces textes, les personnes physiques domiciliées ou établies en France sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger.

8. Selon le second, la déclaration de compte jointe à la déclaration de revenus ou de résultats porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos au cours de l'année ou de l'exercice, par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à son foyer. Un compte bancaire est réputé avoir été utilisé par l'une de ces personnes dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident.

9. Pour rejeter la demande de décharge des droits de mutation à titre gratuit, l'arrêt retient que M. [B] est présumé titulaire des comptes bancaires litigieux.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si ces comptes avaient été ouverts, utilisés ou clos par M. [B] au cours de la période en litige, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de décharge des rappels d'ISF

Enoncé du moyen

11. M. [B] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'administration fiscale ne peut taxer d'office sur le fondement de l'article L. 71 du livre des procédures fiscales un contribuable sur ses avoirs figurant sur un compte détenu à l'étranger qu'il n'aurait pas déclaré, que si elle établit préalablement à l'envoi d'une demande d'informations sur le fondement de l'article L. 23 C du même livre, qu'il a ouvert, clos ou utilisé ledit compte à l'étranger au cours des dix années précédant l'envoi de cette demande ; qu'elle ne peut taxer des avoirs figurant sur un compte, à l'ISF, selon la procédure de redressement contradictoire que si elle établit que le contribuable est titulaire de ce compte et que les avoirs y figurant lui appartiennent ; qu'en se fondant sur le procès verbal n° 2014/18305/FP 08, du 19 décembre 2014, issu de l'enquête préliminaire dont M. [M] [P] a fait l'objet, lequel retrace le contenu du fichier n° 1 de son ordinateur pour considérer qu'il établissait une présomption de titularité de M. [B] sur le compte [XXXXXXXXXX06], ce qui suffirait à justifier la taxation d'office des avoirs y figurant aux droits d'enregistrement, et leur imposition à l'ISF, bien qu'il n'existe en la matière aucune présomption, la cour d'appel a violé les articles L. 71 et L. 55 du livre des procédures fiscales, ensemble les articles 755 et 885 A du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 885 A et 885 E du code général des impôts, alors applicables, et l'article L. 55 du livre des procédures fiscales :

12. Selon le premier de ces textes, les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France sont soumises à l'impôt annuel de solidarité sur la fortune à raison de leurs biens situés en France ou hors de France, lorsque la valeur de ces biens est supérieure à un certain montant.

13. Aux termes du deuxième, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci.

14. Selon le dernier, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire. La charge de la preuve du caractère insuffisant des déclarations du contribuable pèse sur l'administration.

15. Il en résulte que l'administration fiscale ne peut réintégrer dans l'assiette de l'ISF des avoirs figurant sur un compte bancaire que si elle établit que ces avoirs composent le patrimoine du contribuable au 1er janvier de l'année considérée.

16. Pour rejeter la demande de décharge des rappels d'ISF, l'arrêt retient que les réponses des autorités suisses et des Bahamas aux demandes d'assistance administrative internationale, invoquées par M. [B], sont impuissantes à infirmer la présomption, résultant d'un procès-verbal d'exploitation d'un fichier informatique transmis par l'autorité judiciaire, qu'il est titulaire des comptes bancaires litigieux.

17. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait se fonder sur de simples présomptions de ce que M. [B] était titulaire des comptes litigieux pour retenir le bien-fondé de la réintégration des avoirs y figurant dans l'assiette de l'ISF dont il était redevable, mais devait constater que ces avoirs lui appartenaient, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité de la directrice générale des finances publiques, et le condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42500252
Date de la décision : 07/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 21 décembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 mai. 2025, pourvoi n°42500252


Composition du Tribunal
Président : M. Ponsot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:42500252
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