CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 7 mai 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 249 FS-B
Pourvoi n° G 23-15.394
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
La société Nougat Chabert et Guillot, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 23-15.394 contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société [Localité 2] 2008 II, société civile, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société Nougat Chabert et Guillot, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société [Localité 2] 2008 II, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Oppelt, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 février 2023, n° RG 21/04060), la société Nougat Chabert et Guillot (la locataire), preneuse à bail commercial de locaux à usage d'usine, de magasin et de bureaux, a sollicité le renouvellement du bail auprès de la société [Localité 2] 2008 II (la bailleresse).
2. La bailleresse a accepté le principe du renouvellement, mais les parties ne s'accordant pas sur le montant du loyer, la locataire a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2018 à la valeur locative à la baisse.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La locataire fait grief à l'arrêt de fixer le prix du bail renouvelé à une certaine somme, alors « que les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages constituent un facteur de diminution de la valeur locative ; que si les loyers sont payables d'avance, sous quelque forme que ce soit et même à titre de garantie, les sommes excédant deux termes portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres ; qu'en l'espèce, la société Nougat Chabert et Guillot faisait valoir que le loyer était payable « trimestriellement d'avance » et que le montant du dépôt de garantie était de « six mois » de loyer, de surcroît « majoré de la TVA » tandis qu'il n'y est pas soumis, soit au total plus de neuf mois de loyer HT d'avance ; qu'elle en déduisait que cette charge financière dépassant le montant usuel constituait « un motif justifiant une minoration de la valeur locative » ; que la cour d'appel a constaté que « l'article 8.3 [en réalité 8.4] du bail prévoit le versement d'un dépôt de garantie d'un montant équivalent à six mois de loyer TTC outre les charges » et que « le loyer [était] trimestriel payable d'avance le 1er jour du trimestre civil et le dépôt de garantie égal à deux termes de ce loyer » ; qu'elle en a déduit que « ce sont bien trois termes de loyers [qui] sont versés à la bailleresse par avance », que « ces stipulations ne sont pas contraires aux dispositions de l'article L. 145-40 du code de commerce », qu' « il ne s'agit pas d'une charge exceptionnelle et [qu'] il n'y a donc pas lieu de minorer la valeur locative à ce titre » ; qu'en statuant ainsi, tandis que les stipulations du bail obligeant de payer le loyer trimestriellement d'avance et de verser un dépôt de garantie de six mois de loyer TTC, soit au total plus de neuf mois de loyer HT d'avance, imposaient au locataire une obligation au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, constituant ainsi un facteur de diminution de la valeur locative, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33, L. 145-40 et R. 145-8 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. Selon les articles L. 145-33, 3°, et R. 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, sans contrepartie, constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
6. Aux termes de l'article L. 145-40 du code de commerce, les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêts au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes.
7. Dès lors qu'elle a pour contrepartie l'obligation légale du bailleur de payer au locataire des intérêts à un taux fixé par la loi, une stipulation d'un bail commercial qui met à la charge du locataire une obligation de payer en avance des sommes excédant celle correspondant au prix du loyer de plus de deux termes ne constitue pas en soi un facteur de diminution de la valeur locative.
8. La cour d'appel, qui a constaté qu'une clause du bail prévoyait le versement d'un dépôt de garantie d'un montant équivalent à six mois de loyers toutes taxes comprises outre les charges et que le loyer trimestriel était payable d'avance le premier jour du trimestre civil, ce dont il résultait que trois termes de loyers étaient versés à la bailleresse par avance, ce qui n'était pas interdit par l'article L. 145-40 du code de commerce, a, à bon droit, retenu que ces prévisions contractuelles n'entraînaient pas de minoration de la valeur locative.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nougat Chabert et Guillot aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.