N° E 25-81.133 F-D
N° 00724
ODVS
6 MAI 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 MAI 2025
M. [B] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 31 janvier 2025, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de tentative d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Cavalerie, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [B] [K], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Cavalerie, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [B] [K] a été mis en accusation devant la cour d'assises du chef de tentative d'assassinat.
3. Le 8 novembre 2024, la cour d'assises a requalifié les faits en violences aggravées par deux circonstances suivies d'incapacité inférieure à huit jours et supérieure à huit jours et l'a condamné à six ans d'emprisonnement.
4. Le procureur de la République a interjeté appel de cette décision.
5. Le 9 décembre 2024, M. [K] a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [K], alors :
« 1°/ que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés ; qu'elle ne peut se référer à l'arrêt de mise en accusation pour l'appréciation de ces charges qu'en cas d'absence d'élément nouveau survenu depuis son prononcé ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par M. [K], la chambre de l'instruction s'est bornée à renvoyer à « l'arrêt de mise en accusation du magistrat instructeur pour l'exposé des charges pesant à son encontre en considérant qu'elles constituent a minima des indices concordants de participation de l'intéressé aux faits pour lesquels sa mise en accusation a été prononcée » ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir cependant constaté que la cour d'assises des Côtes d'Armor, par son arrêt du 7 novembre 2024, avait acquitté M. [K] du chef de l'infraction de tentative d'assassinat pour laquelle il avait été mis en accusation, et ne l'avait condamné que pour violences aggravées à la faveur d'une requalification au cours des débats, ce qui constituait un évènement nouveau l'obligeant à rechercher, elle-même, l'existence d'indices graves ou concordants à l'encontre de M. [K] à la date de sa décision, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 5 §1 c) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés ; qu'en outre, le principe de présomption d'innocence interdit le maintien en détention provisoire d'une personne à raison de l'existence d'indices graves ou concordants de commission d'une infraction pour laquelle elle a été acquittée en première instance, nonobstant l'appel du parquet pendant devant la cour d'assises d'appel ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté de M. [K], au motif qu'existeraient contre lui des indices graves ou concordants de commission du crime de tentative d'assassinat, en dépit de l'acquittement prononcé en sa faveur de ce chef en première instance, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 5§ 1 c) de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-2 de ladite convention ;
3°/ que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par la loi et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ; qu'en se bornant à considérer que même si la maison de [Localité 1] dont est propriétaire le mis en examen dispose des conditions requises matériellement à la mise en place d'un dispositif d'assignation à résidence sous surveillance électronique selon l'enquête de faisabilité du 30 septembre 2022, cette mesure d'éloignement ne saurait contrecarrer les risques susévoqués, que les circonstances particulières déduites des éléments de l'espèce établissent que le maintien en détention provisoire est seul adapté et justifié et constitue l'unique moyen de parvenir aux objectifs légaux qui ne sauraient être atteints par un placement sous contrôle judiciaire ou une assignation à résidence sous surveillance électronique, lesquels ne comportent que les mesures de surveillance ponctuelle et a posteriori, la chambre de l'instruction ne s'est pas expliquée sur les circonstances concrètes de fait et de droit qui rendraient insuffisantes les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique et a méconnu les articles 144 et 593 du code de procédure pénale. »
4°/ que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par la loi et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ; qu'une mesure d'assignation à résidence sous surveillance électronique implique la mise en place d'un dispositif de transmission de signaux envoyés à un centre de surveillance, qui permet la surveillance de la personne et le respect de ses obligations en temps réel ; qu'en considérant que le maintien en détention provisoire est seul adapté et justifié et constitue l'unique moyen de parvenir aux objectifs légaux qui ne sauraient être atteints par un placement sous contrôle judiciaire ou une assignation à résidence sous surveillance électronique, lesquels ne comportent que les mesures de surveillance ponctuelle et a posteriori, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 144, 145-2, 728-3 du code de procédure pénale et R 622-1 du code pénitentiaire, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
5°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté, sans répondre au moyen péremptoire de l'exposant, faisant valoir que la prolongation de sa détention provisoire était disproportionnée eu égard à son âge, 73 ans, à ses problèmes de santé et à la durée cumulée de sa détention provisoire, soit 3 ans, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
7. Il résulte des articles 367 et 380-4 du code de procédure pénale que, lorsque l'accusé est condamné par arrêt de la cour d'assises statuant en première instance à une peine privative de liberté qui n'est pas couverte par la détention provisoire, cet arrêt vaut titre de détention et continue de produire effet jusqu'à ce que la durée de la détention ait atteint celle de la peine prononcée, sans préjudice, pour l'accusé, du droit de demander sa mise en liberté, conformément aux dispositions des articles 148-1 et 148-2 du même code.
8. Ainsi, la personne condamnée par la cour d'assises à une peine d'emprisonnement non couverte par la détention provisoire doit être considérée, jusqu'à ce que la durée de sa détention ait atteint celle de la peine prononcée, comme détenue régulièrement après condamnation par un tribunal compétent, au sens de l'article 5, § 1, a) de la Convention européenne des droits de l'homme.
9. Dès lors, sa situation n'entre pas dans les prévisions de l'article 5, § 1, c) de cette Convention. Il en résulte que les décisions prises à l'égard de l'intéressé sur le fondement des articles 148-1 et 148-2 précités n'ont pas à être motivées par référence aux indices ou aux charges relevés contre lui, qui ont été appréciés par la cour d'assises.
10. En l'espèce, M. [K] a été condamné à une peine de six années d'emprisonnement non couverte à ce jour par la détention provisoire.
11. Il s'ensuit que ces griefs, dont le deuxième est inopérant, en ce qu'il critique un motif surabondant, ne peuvent être accueillis.
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
12. Pour rejeter l'argumentation de l'appelant qui faisait valoir, d'une part, que les critères de la détention provisoire posés à l'article 144 du code de procédure pénale ne se trouvaient pas justifiés, d'autre part, que la détention provisoire revêtait un caractère disproportionné, la chambre de l'instruction relève notamment, s'agissant du risque de pression sur les témoins, qu'il convient de préserver la parole de ceux-ci devant la cour d'assises où préside le principe de l'oralité des débats, et que, s'agissant de deux tentatives d'assassinat, le risque de réitération des faits, au regard des expertises réalisées et des déclarations de l'accusé à la procédure, ne peut être exclu.
13. Les juges soulignent à cet égard que, même si l'accusé ne présente aucun antécédent judiciaire et si l'enquête de faisabilité du 30 septembre 2022 a établi que la maison dont il est propriétaire dispose des conditions matériellement requises à la mise en place d'un dispositif d'assignation à résidence sous surveillance électronique, une telle mesure d'éloignement ne saurait contrecarrer les risques sus-évoqués.
14. Il relèvent par ailleurs, en regard de l'âge de l'accusé, 73 ans, qu'aucun élément médical n'est produit aux débats pour justifier d'un état de santé dégradé qui ne serait pas pris en charge par l'administration pénitentiaire.
15. En l'état de cette motivation, la chambre de l'instruction a, sans insuffisance, justifié sa décision.
16. Dès lors, le moyen doit être écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille vingt-cinq.